Vers un tourisme écologique et durable
Yasmine Fouad, ministre égyptienne de l’Environnement, a annoncé la réinscription à l’ordre du jour d’un projet de loi controversé portant sur la constitution de près de 30 nouvelles réserves naturelles. Depuis juin 2015, la polémique porte sur le mode d’administration induit par ce projet, jugé illégal par l’opposition. Le gouvernement envisage en effet de déléguer au secteur privé l’administration de ces nouvelles réserves, un procédé jugé proche de la privatisation alors que son utilisation est spécifiquement interdite dans le cas des ressources naturelles (loi 102 de 1983). Le gouvernement prétend au contraire renforcer par cette loi l’encadrement de la gestion des ressources naturelles, et contribuer ainsi plus efficacement à leur préservation.
Ce débat s’inscrit dans le cadre du développement d’un nouveau type de tourisme, orienté vers l’écologie et l’intégration des communautés locales. La stratégie envisagée par le gouvernement repose sur l’augmentation de son soutien aux « destinations vertes » (consommation d’eau, d’énergie, et émissions de CO2 limitées) en termes de subvention, de formation et de publicité. Il s’agit ainsi de redynamiser un secteur qui périclite depuis 2011, en l’adoptant aux nouvelles aspirations des voyageurs. L’ouverture prochaine du Red Sea Mountain Trail, un parcours entre 7 et 40 jours au travers des communautés bédouines du Sud Sinaï, participe de cette dynamique.
L’accroissement des tensions en Méditerranée
L’ouverture de l’Eastern Mediterranean Gas Forum (EMGF) au Caire le 14 janvier a attisé les tensions déjà vives entre la Turquie et le reste des pays détenteurs de ressources gazières en Méditerranée. Le forum, qui regroupe l’Egypte, Israël, Chypre, la Grèce, l’Italie, la Jordanie et l’Autorité Palestinienne, vise la création d’un marché régional du gaz qui serait suffisamment compétitif pour concurrencer la Turquie, notamment dans le domaine de l’approvisionnement énergétique de l’Union Européenne.
Cette rivalité s’inscrit dans le cadre des conflits irrésolus entre Chypre, la Grèce et la Turquie, dus à un découpage territorial controversé et à la défense des droits des minorités nationales respectives présentes sur les différents territoires. La découverte de ressources gazières dans des eaux maritimes chypriotes revendiquées par la Turquie a accru ces différends, d’autant plus que la Chypre a rejoint le hub régional énergétique rival centré sur l’Egypte. Alors que l’Egypte a déjà affirmé son hégémonie dans la région méditerranéenne pour le traitement et l’exportation du gaz, l’accroissement de l’interconnexion électrique avec les pays de l’Afrique de l’Est consolide sa position de hub énergétique régional.
L’escalade des tensions entre les puissances de Méditerranée de l’Est s’est concrétisée par des interventions militaires turques visant à empêcher l’exploitation des champs gaziers chypriotes. La tenue en mars 2019 d’un exercice militaire turc de grande ampleur en mer Egée a contribué au maintien de ces tensions (cf. aussi Revue de presse Ressources, février 2018).
Des ambitions trompeuses dans le domaine des énergies renouvelables ?
La disparition des subventions dans le domaine des énergies conventionnelles (fuel, gaz) doit permettre d’accroître l’attractivité relative des énergies renouvelables, secteur où la politique affichée de l’Etat se montre particulièrement active. Il s’agit en effet pour le gouvernement égyptien de concrétiser l’objectif annoncé par le New and Renewable Energy Authority d’atteindre 20% d’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique (dont 12% d’éolien, 6% solaire, et 2% de solaire).
Pourtant, si certaines mesures confortent l’image d’un gouvernement proactif dans sa politique de transition énergétique (projets de fermes solaires de Ras Gharib, 500 MW, et de Gabal el Zeit, 580 MW ; intégration de projets de transports électriques dans les nouveaux plans d’urbanisme …), d’aucuns dénoncent l’insuffisance des moyens mobilisés pour sa mise en œuvre.
Une analyse comparée de pays à niveaux de ressources naturelles et financières similaires (Egypte, Indonésie et Maroc) montre l’incohérence d’une politique égyptienne où le charbon (centrale de Hamrawein en Mer Rouge) et le nucléaire (centrale de Rosatom, dans le gouvernorat de Matruh) sont autant développés que le renouvelable. Cette étude déplore que les potentialités du renouvelable ne soient que partiellement exploitées, notamment en ce qui concerne le bio fuel issu de l’agriculture.
La « fin de paysans » égyptienne ?
Alors que l’Etat réduit ses subventions au secteur agricole, et privilégie par ses mesures des types d’agriculture très éloignés de la réalité des paysans égyptiens, l’émigration se dessine de plus en plus comme une échappatoire pour les jeunes générations.
La politique d’expansion des terres agricoles dans le désert, et la diminution des quantités d’eau allouées aux zones agricoles traditionnelles dans un contexte de précarité hydrique de plus en plus forte, est symptomatique de cette nouvelle dynamique.
L’augmentation des flux migratoires, en particulier vers l’Italie, pour des mineurs aspirant à l’obtention de permis de résidence, rend compte du désarroi d’une nouvelle génération se détournant définitivement du domaine agricole.
Alicia Herrera Masurel