SANTÉ
Mutilation génitale féminine en Égypte
Le 7 février marquait la journée internationale de tolérance zéro à l’égard de la mutilation génitale féminine (MGF). Cette pratique, courante dans une trentaine de pays, est également fréquente en Égypte bien qu’elle ait été éclarée illégale en 2008. L’Enquête Démographique et de Santé (EDS) de 2015 indique que 87% des femmes âgées de 15 à 49 ans ont été excisées.
Pour de nombreuses familles, la circoncision d’une jeune fille est un événement à célébrer. Cette pratique est perçue comme un gage de pureté et elle est considérée par beaucoup comme un préalable nécessaire au mariage. 50% de la population continuerait d’associer l’excision à la religion et ce, malgré les déclarations contraires d’éminents chefs religieux, tant chrétiens que musulmans.
On observe toutefois un recul général de la pratique comme l’ont relevé le Ministère de la Santé et le Conseil National pour la Population. Si la baisse du taux global de MGF pour les femmes âgées de 15 à 49 ans reste modeste (87% en 2015 contre 91% en 2008), cette tendance à la diminution est plus marquée au sein des jeunes générations. On relève notamment une baisse de 11% pour la tranche des 15-19 ans et une baisse d’environ 6% chez ceux âgés entre 20-24 ans.
D’autres facteurs d’ordre socio-économique sont à prendre en considération. Le taux de MGF en milieu urbain est plus réduit qu’en milieu rural (75% en milieu urbain contre 87% en Basse Égypte et 92% en Haute Égypte). Les femmes qui n’ont pas reçu d’éducation sont plus nombreuses à avoir été circoncises (98%) que celles qui ont achevé, au minimum, leurs études secondaires (85%). C’est parmi les femmes issues du quintile de richesse le plus élevé que l’on observe le taux de MGF le plus bas (70%).
Dans le cadre de la lutte contre la pratique de la circoncision féminine, l’État égyptien a fait amender l’article 242 du Code pénal en 2016 afin de durcir la loi criminalisant les MGF. La peine précédente, de trois mois à trois ans d’emprisonnement ou d’une amende de 5000 L.E., a été étendue à une peine minimum de cinq à sept ans, et l’offense est passée du statut de délit mineur à celui de crime. Dans le cas où la procédure conduirait à une invalidité permanente ou au décès de la victime, la peine pourrait entraîner jusqu’à 15 ans d’emprisonnement ferme, les complices eux-mêmes étant désormais passibles d’une peine d’emprisonnement allant d’un an à trois ans.
Malgré le renforcement de la loi, on constate une médicalisation croissante de la pratique des MGF en Égypte. Selon l’EDS de 2014, 82% des circoncisions féminines sont pratiquées par du personnel médical. Ce phénomène a tendance à légitimer davantage la MGF et représente ainsi un défi majeur au combat pour l’abandon de la pratique.
Amal Fahmi, directrice et coordinatrice du centre de recherches Tadwein, a souligné la nécessité pour le gouvernement de faire apppliquer les lois criminalisant la pratique afin de mettre un terme à sa propagation. Elle a ajouté que le gouvernement devra former les inspecteurs de la santé, la police et les procureurs pour surveiller et détecter les cas de mutilations génitales féminines et y répondre de façon adéquate.
Depuis la criminalisation de la pratique des mutilations génitales féminines en 2008, seuls deux cas ont été portés devant les tribunaux. Le premier l’a été en 2015, lorsque la Cour d’appel de Mansoura a condamné un médecin à deux ans de prison avec travaux forcés et a fermé son cabinet pendant un an après la mort d’une enfant. Le second a eu lieu en juillet 2016 à Suez, lorsqu’un médecin, un anesthésiste et la mère de la victime ont été poursuivis après la mort d’une jeune fille des suites d’une opération de circoncision. Ils ont été inculpés d’homicide involontaire et condamnés à un an de prison avec sursis. Ces deux cas marquent un précédent important.
Les brèves
- Une nouvelle loi concernant les droits des personnes handicapées entre en vigueur. Les nouvelles régulations qui en découlent devraient être mises en exécution d’ici 6 mois. Celles-ci s’appliquent à de nombreux domaines dont la couverture médicale, l’éducation, l’accès au marché du travail, le transport et le logement.
- Pour la première fois en Égypte, le Health 2.0 du Caire organise un hackathon sur les soins de santé, HEALTHACK, du 8 au 10 mars. Il s’agit d’un concours lors duquel développeurs informatiques et professionnels de santé collaborent pour mettre au point un logiciel en moins de 72 heures. Le groupe organisateur, fondé en 2014, se présente comme un réseau de médecins, de designers, d’ingénieurs et d’entrepreneurs dédiés à la création de solutions numériques et logicielles pour les besoins de santé les plus urgents de l’É Les start-ups Medicobot ou Tabib 24/7 illustrent comment l’innovation technologique bénéficie au secteur de la santé.
RELIGION
Ouverture d’une Église à Minya en commémoration des 21 chrétiens exécutés en Libye
La nouvelle Église ‘al-Shohadaa’ (des martyrs) a été inaugurée le 15 février dans le village d’al-Our en commémoration des 21 chrétiens exécutés sur la côte libyenne le même jour, il y a 3 ans. Parmi les victimes du 15 février 2015, 20 travailleurs égyptiens coptes, dont 13 issus de la congrégation du village d’al-Our, ainsi qu’un Ghanéen.
En septembre 2017, les autorités libyennes ont annoncé qu’elles avaient localisé les corps des victimes et les ont déterrés. Les familles concernées ont été invitées le 6 mars dernier afin de recevoir les dépouilles.
Les moines du monastère Saint Samuel demandent la construction d’une nouvelle Église
Une demande a été faite auprès du gouverneur de la région de Minya pour la construction d’une église en mémoire des victimes d’une attaque en mai 2017. Au moins 28 personnes (hommes, femmes et enfants) avaient été tuées après qu’un groupe d’hommes armés ait ouvert le feu sur un convoi acheminant un groupe de chrétiens au Monastère Saint Samuel.
Trois jours avant l’inauguration de l’Église des martyrs dans le village d’al-Our (cf. ci-dessus), le conseil municipal d’Al-Edwa avait donné l’ordre de démolir un mémorial copte. Érigé à l’endroit de l’attaque du convoi, ce mémorial avait été construit sans autorisation officielle. Le gouverneur de Minya, Essam al-Bedeiwi, est intervenu afin d’empêcher la démolition et a suggéré la construction d’un nouveau monument à l’intérieur du monastère, “afin de faciliter sa sécurité et celle de ses visiteurs”. Les moines ont demandé qu’une église – plutôt qu’un mémorial – soit construite, comme à Al-Our.
Par ailleurs, le début d’une procédure de légalisation de 53 églises construites sans permis a été annoncée (cf. revue de presse – ville, Mars 2018). On estime à environ 3700 le nombre de demandes de régularisation dans tout le pays.
Les brèves
- La restauration de la mosquée Al-Azhar, qui a duré trois ans, a été inaugurée le 6 mars en présence de son imam, Ahmed el-Tayeb, du président Abdel Fattah el-Sissi et du prince héritier saoudien Mohammed bin Salman. La restauration a été conduite sous le patronage du prince saoudien, grâce à une subvention accordée par le roi Abdallah avant sa mort. Le prince saoudien a également rendu visite au Pape Tawadros II, qui l’a accueilli dans la cathédrale copte du Caire.
- La décision saoudienne d’imposer des frais supplémentaires aux pèlerins ayant déjà effectué la Omra au cours des trois dernières années a déclenché une vague de mécontentements. Les frais d’un montant de 2 000 riyals saoudiens accompagnent une nouvelle réglementation qui limite le nombre de pèlerins à 500 000 par an. La saison de la Omra a débuté le 1er mars. De nombreuses personnes ont décidé d’annuler leur voyage ou de le retarder dans l’espoir d’une suppression de ces frais.
ÉDUCATION
L’impact des campagnes militaires sur l’éducation au Sinaï
Le 9 février 2018, quelques heures après l’annonce du lancement d’une vaste campagne anti terroriste baptisée “Opération Sinaï 2018”, les autorités égyptiennes fermaient tous les établissements d’enseignement dans le nord et le centre du Sinaï. Quelques jours plus tard, le ministère de l’Éducation lançait l’initiative ‘Professeurs en Ligne’ pour soutenir les élèves du Nord-Sinaï, en leur donnant accès à une série de vidéos en ligne et en leur permettant de communiquer avec des professeurs via un groupe Facebook.
Un lycéen du village d’el-Arish, interrogé par le journal al-Monitor, a souligné les paradoxes de l’initiative : “Comment les élèves du nord du Sinaï pourraient-ils regarder ces vidéos à un moment où l’accès à internet et les données mobiles sont coupés quotidiennement, du petit matin jusqu’à 17 heures ? Il y a aussi des jours où il n’y a pas de connexion internet du tout.” Kamal Moghith, chercheur au Centre Libanais pour la Recherche et le Développement en Éducation, rappelait que les taux élevés de pauvreté dans le nord du Sinaï accentuent le problème d’accès à Internet. Le 20 mars 2018, 1400 membres avaient rejoint le groupe Facebook dédié à l’initiative d’enseignement en ligne et environ 80 vidéos étaient en ligne.
Depuis plus de deux ans, les attaques terroristes et l’intensification des campagnes militaires contre l’insurrection entravent l’éducation des jeunes au nord du Sinaï.
Les brèves
- Le président Abdel Fatah el-Sissi a reçu le directeur de l’École Nationale d’Administration française (ENA), Patrick Gérard, pour discuter de la coopération entre l’école et l’Académie égyptienne des jeunes afin de perfectionner les compétences des fonctionnaires et former la prochaine génération de cadres.
- Le ministre de l’Éducation, Tarik Shawki, s’est rendu au Japon au début du mois pour observer une nouvelle méthode d’éducation. Celle-ci ne s’intéresse pas seulement au développement de l’intellect, mais aussi à la stabilité émotionnelle, aux valeurs morales, aux attitudes sociales et à l’aptitude physique. Le projet vise à créer 100 écoles sur ce modèle dans le cadre d’un protocole de coopération signé entre l’Égypte et le Japon en mai 2017. L’ouverture des nouvelles écoles a pour l’instant été reportée.