« Migrations vues d’Egypte. Mobilisations et politiques »
Présentation du numéro spécial d’Égypte/Monde Arabe
Thème approfondi :
Six ans après l’irruption des « révolutions » arabes sur les scènes médiatiques, politiques mais également dans les débats académiques, la question migratoire s’est imposée au cœur de l’espace méditerranéen. Elle questionne toujours le rôle de l’Égypte dans cette nouvelle équation, dont le pays est devenu une terre de départ tout autant qu’un partenaire dans la lutte européenne contre l’immigration.
En effet, les départs pour l’Europe depuis la côte égyptienne, quasiment inédits avant les mouvements contestataires de 2011, ont été de plus en plus nombreux à partir de 2014/2015. Les arrivées continues depuis la Corne de l’Afrique ou la Syrie ont mis sous pression un système national dépassé, et face à la fermeture de routes précédemment empruntées (vers Israël par le Sinai, ou vers l’Europe par le Libye), ces nouveaux arrivant.e.s ont adopté de nouvelles trajectoires migratoires, cherchant à déjouer les fermetures et les obstacles placés sur leurs routes. Les dynamiques migratoires et les stratégies de tous les acteurs en jeu – États, migrant.e.s, exilé.e.s, organisations internationales, ONG, sociétés civiles – s’adaptent ainsi à des contextes changeants et tentent de se répondre, voire de s’influencer, dans des interactions et des négociations qui restent à interroger.
En dépit de l’actualité brulante du sujet, et de place croissante que prend la question au sein de l’Etat égyptien, les dynamiques migratoires et leur gestion en Égypte demeurent un objet d’étude relativement marginal. Aussi ce numéro avait-t-il pour ambition de contribuer à une problématisation de la « question migratoire » en Égypte et à une analyse de ses dynamiques anciennes et récentes. Les mouvements révolutionnaires de 2011 et en premier lieu les mouvements égyptiens ont-ils entraîné une rupture ou une continuité des pratiques au sein du champ migratoire ? Plus largement, que nous révèlent les mouvements migratoires depuis, vers et par l’Égypte sur la situation politique et sociale actuelle du pays ? Comment le pouvoir politique répond-t-il aux enjeux soulevés par des mobilités devenues conjoncturellement et structurellement plus importantes ? Comment l’État intervient-il dans un domaine qui semble en apparence peu encadré par les pouvoirs publics, ou en tout cas, qui ne représentait pas, avant la révolution de Janvier 2011, un « problème public »?
Voici autant de questions auxquelles a tenté de répondre ce numéro d’Égypte / Monde Arabe, le premier entièrement consacré aux questions de mobilité et d’exil.
Biographie :
Pauline Brücker est doctorante en sociologie politique au CERI-Sciences Po, associé au CEDEJ. Elle est chargée d’enseignement en sociologie et en relations internationales. Sa thèse de doctorat traite des trajectoires de migrant.e.s soudanais.e.s entre l’Égypte et Israel. Ses terrains de recherche couvrent l’Égypte, le Soudan et Israël/Palestine.