Politique intérieure
Élections présidentielles de 2018
Une initiative, lancée sur Internet sous la forme d’une pétition, a récolté plusieurs milliers de signatures afin de sommer l’actuel président Abdel Fattah Al Sissi de se présenter aux élections présidentielles de 2018. Censé favoriser la communication auprès de la communauté d’expatriés égyptiens, le slogan « To Build It » (Alashan Tbneeha) s’est également propagé dans les rues du Caire par des campagnes privées d’affichage.
Bien que l’intéressé ne se soit pas prononcé officiellement sur le sujet, sa candidature est très attendue. Il a promis de ne pas briguer un troisième mandat en 2022, conformément à la Constitution qui limite le cumul à deux mandats présidentiels.
Face à lui, Ahmed Chafik a manifesté son intention de se porter candidat. Dernier premier ministre de Hosni Moubarak du 31 janvier au 3 mars 2011 aux débuts de la révolution, il avait mis en ballottage son adversaire Mohamed Morsi en remportant 48,27% des suffrages exprimés aux élections présentielles de 2012. Résidant depuis 2012 aux Émirats Arabes Unis, il avait récemment affirmé y être retenu de force par les autorités émiraties, avant d’être expulsé vers l’Égypte le 2 décembre. Les conditions de son retour restent floues ainsi que le lieu où il se trouve actuellement. Sans nouvelles de lui, ses proches ont alerté les médias, craignant qu’il ait été arrêté après son arrivée. Des pressions politiques auraient été exercées sur lui afin qu’il renonce à se présenter à l’élection présidentielle.
L’avocat et militant des droits de l’homme Khaled Ali devrait également entrer dans la danse pour la seconde fois consécutive après avoir essuyé une cuisante défaite en 2012 avec 0,58 des voix. Il incarne l’une des figures les plus proéminentes de l’opposition politique en Égypte. Il jouit d’une grande popularité auprès des étudiants et des travailleurs. Il ne s’est jamais engagé sous la bannière d’un quelconque parti politique.
Le colonel Ahmed Konswa est pour l’heure le dernier à avoir annoncé sa candidature, le 29 novembre dernier. Il ne se réclame d’aucun parti. Il a par la suite été placé en détention provisoire, accusé d’avoir eu un « comportement qui nuit aux exigences du système militaire » après avoir exprimé des opinions politiques en revêtant l’uniforme.
Ces trois potentiels candidats à l’élection présidentielle qui s’annonce sont tous poursuivis par la justice égyptienne et encourent des peines.
Drones : une loi en prévention du terrorisme
Le Parlement égyptien a provisoirement approuvé le 7 novembre une loi règlementant très strictement l’usage de drones capables de transporter des explosifs ou des systèmes d’armes télécommandés. L’objectif principal est de prévenir le risque d’attentat terroriste. Le ministère de la Défense sera la seule institution habilitée à délivrer une autorisation quant à leur utilisation. L’approbation finale de ce texte est conditionnée à son examen par le Conseil d’État afin de s’assurer de sa constitutionnalité. Cette loi pourrait en effet être, selon la Constitution, une atteinte à la liberté de commerce de ces technologies.
Libération de certains militants nubiens
Le tribunal correctionnel d’Assouan a annoncé le 15 novembre la libération de 24 manifestants nubiens, dont le procès est prévu le 12 décembre. Ces militants avaient été arrêtés en raison de leur participation à une marche protestataire jugée « illégale », ainsi que pour « incitation à la violence » et « trouble à la sécurité publique ». Déplacés de force à partir de 1898 lors de la construction du barrage d’Assouan, la communauté nubienne milite depuis pour la reconnaissance de la culture et du patrimoine nubiens.
D’autres militants ont été arrêtés le 7 novembre après avoir dénoncé une « négligence médicale » suite à la mort du militant des droits de l’homme Gamal Sorour, victime d’un coma diabétique. Ce dernier avait entamé une grève de la faim aux côtés de 223 autres prisonniers afin de dénoncer les détentions préventives systématiques dont sont victimes les activistes nubiens.
Une loi controversée sur la politisation des jeunes dans les centres sportifs
Le vote a été reporté en raison de l’absence du quorum requis de deux tiers, après avoir été ajourné une première fois fin octobre pour les mêmes raisons. Cette loi controversée stipule qu’il est « interdit d’exercer une activité politique ou partisane » ou de « promouvoir des idées politiques » au sein des centres de jeunesse. Il s’agit d’institutions sportives gérées par l’État devant offrir aux jeunes à faible revenu la possibilité de pratiquer un sport. Le président du Parlement, Ali Abdel-Aal, a déclaré que « l’exercice des activités politiques devrait se limiter aux partis politiques autorisés ». La loi a finalement été entérinée le 5 décembre. Certains députés ont exprimé leur souhait de l’amender, considérant que ces centres devraient être au contraire des lieux propices au partage d’idées.
Massacre dans le Nord-Sinaï
Des terroristes ont assailli vendredi 24 novembre la mosquée Al Rawdah, fréquentée par des musulmans soufis, pendant la prière du vendredi. L’attaque s’est déroulée dans le village de Bir Abed situé à 40 km d’Al Arish, capitale de la province du Nord-Sinaï. Elle a causé la mort d’au moins 235 fidèles dont une trentaine d’enfants et blessé 109 autres personnes. Les assaillants ont fait exploser une bombe à l’intérieur de la mosquée avant d’ouvrir le feu sur les croyants qui tentaient de s’échapper.
Dans un discours retransmis à la télévision, le président Al Sissi a promis de répondre au terrorisme avec une « force brutale » et a décrété trois jours de deuil national. L’armée a riposté la nuit suivante par plusieurs frappes aériennes dans la zone de l’attaque, où elle se bat régulièrement contre la branche égyptienne de l’organisation État islamique (EI). Le soufisme, un courant mystique de l’Islam, est considéré comme une hérésie par la mouvance djihadiste. Cependant, l’attentat n’a pas été officiellement revendiqué. Le président a par ailleurs sommé le chef d’état-major et le ministre de l’Intérieur de rétablir la sécurité dans le Sinaï d’ici trois mois.
Politique extérieure
Le Soudan du Sud en marche vers la paix ?
La « Déclaration du Caire » a été signée le 16 novembre, afin de mettre un terme à la guerre qui sévit au Soudan du Sud et d’unifier les factions au sein de l’Armée populaire de libération du Soudan (en anglais : Sudan People’s Liberation Movement, SPLM). Cette déclaration s’est conclue sous les auspices du président égyptien Abdel Fattah Al Sissi et du président ougandais Yoweri Museveni.
L’Égypte ouvre sa frontière avec la bande de Gaza
Les autorités égyptiennes ont procédé à la réouverture du point de passage de Rafah le 18 novembre pour une durée de trois jours. La traversée transfrontalière a été autorisée dans les deux sens de circulation. Plus de 20 000 personnes se trouvant dans l’enclave palestinienne ont présenté une demande d’émigration vers l’Égypte, qui s’est fixée l’objectif d’accueillir en priorité « les cas humanitaires enregistrés ».
Cette décision survient après la conclusion le 12 octobre dernier d’un accord de réconciliation entre le Hamas et le Fatah, sous les auspices de l’Égypte. Il a été conclu que l’Autorité palestinienne, dirigée par le Fatah de Mahmoud Abbas, reprendrait d’ici le 1er décembre le contrôle total de la bande de Gaza, conquise par le Hamas en 2007. Les délégations des factions rivales palestiniennes se sont à nouveau rencontrées au Caire les 21 et 22 novembre afin de poursuivre les discussions et consolider la dynamique de réconciliation.
L’accord pourrait cependant être remis en cause après l’annonce du président américain Donald Trump de la reconnaissance par les États-Unis de Jérusalem comme capitale d’Israël. Des manifestations contre cette décision ont été organisées dans le monde arabe et notamment en Égypte. Des affrontements à Gaza ont également eu lieu entre des Palestiniens en colère et l’armée israélienne, causant la mort de deux civils.
Crise libanaise : non-ingérence ou tentative de médiation ?
Le président égyptien Al Sissi a officiellement déclaré sa non-ingérence dans les affaires libanaises après que le Premier ministre libanais Saad Hariri a annoncé sa démission le 4 novembre depuis la capitale saoudienne. Al Sissi a affirmé qu’aucune mesure ne sera prise à l’encontre du Hezbollah et de l’Iran, et ce en dépit des appels de l’Arabie saoudite, alliée traditionnelle de l’Égypte, lors de la session ministérielle extraordinaire de la Ligue Arabe du 19 novembre. La démission de Hariri, en protestation contre ce qu’il a qualifié de « mainmise » de l’Iran sur le Liban via le Hezbollah, avait provoqué une importante crise politique. Il avait par la suite gardé le silence, laissant penser qu’il était retenu en Arabie saoudite, avant de se rendre en France, puis d’être reçu par Al Sissi lors d’une escale au Caire entre Paris et Beyrouth, le 21 novembre. Depuis, Hariri est revenu sur sa décision et a annoncé qu’il reprenait ses fonctions de Premier ministre.
Le Caire, nid d’espions
Le procureur général d’Égypte a ordonné le 22 novembre l’arrestation de 29 personnes soupçonnées d’espionnage pour le compte des services de renseignements turcs, qui auraient pour ambition de réinstaller les Frères musulmans au pouvoir. La nationalité des suspects n’a pas été précisée dans le communiqué du procureur. Après la destitution de Mohamed Morsi en 2013, un certain nombre de ses partisans avaient émigré vers la Turquie afin d’échapper à la répression du nouveau régime. Le putsch d’Al Sissi avait provoqué une crise diplomatique entre Le Caire et Ankara. Les relations diplomatiques turco-égyptiennes se retrouvent de nouveau dégradées.
« L’Égypte africaine »
Le président du Comité des affaires africaines de la Chambre des représentants Sayed Feleifel a appelé les institutions de la presse égyptienne à mettre en lumière « l’Égypte africaine ». Cette stratégie se décline en plusieurs points : le déploiement de journalistes égyptiens sur le continent, le recrutement d’Africains dans la presse égyptienne, ainsi que le développement des instituts de recherche et la formation de cadres spécialisés dans la gestion des dossiers africains au sein des agences gouvernementales. Ce concept d’« Égypte africaine », à destination des médias, a également un volet politique et économique avec la multiplication des projets de développement à l’initiative de l’Égypte sur le continent africain (cf. revue de presse – Politique, novembre 2017).
Accord avec la Russie sur l’espace aérien
Le Caire et Moscou ont conclu un accord bilatéral permettant aux deux pays de partager leurs espaces aériens respectifs. Ce projet a été rendu public au lendemain de la visite du ministre russe des Affaires étrangères Serguei Shoigu dans la capitale égyptienne le 29 novembre. Les conditions finales doivent encore être négociées. L’accord serait valable pour une durée de 5 ans avec une possibilité de renouvellement. Les deux Etats ont récemment signé plusieurs contrats d’armement concernant notamment des avions de combat et des hélicoptères de fabrication russe.