Le Caire, toujours plus
Selon Euromonitor, la population du Caire devrait augmenter d’un demi million en 2017, ce qui en fait l’une des villes à la croissance démographique la plus rapide au monde. Dans le rapport du fournisseur international d’études de marché, Alexandrie pointe au 19ème rang mondial des villes qui connaîtront les plus fortes croissances de population dans l’année à venir. Elle devrait accueillir environ 100 000 habitants supplémentaires. Le Caire accueillait un quart de la population de l’Égypte en juin 2016, soit 22,9 millions de personnes, selon le CAPMAS (Central Agency for Public Mobilization and Statistics).
Migration vers le désert
Selon la société d’annonces OLX, les principales recherches immobilières en 2016 se sont focalisées sur Sheikh Zayed, Nasr City, 5th Settlement et Héliopolis. On note donc une migration du centre du Caire et de Gizeh vers la banlieue et les villes nouvelles parallèlement à l’augmentation de l’offre résidentielle dans ces espaces urbains. D’après Ayman Sami, directeur de la compagnie immobilière JLL, le principal critère de recherche est la proximité avec le lieu de travail et la famille.
PLANIFICATION
La lutte reprend dans le Triangle de Maspero
Situé au nord de Downtown le long de la Corniche, le triangle de Maspero est au cœur d’intenses débats sur son avenir. Le gouvernement a en effet relancé le projet de réaménagement de ce quartier de 300 000 m2. Il espère transformer ou démolir les bâtiments en très mauvais état pour en faire une zone résidentielle, commerciale et hôtelière. Cependant, les 4500 familles qui y vivent très modestement, sont réticentes à évacuer leur quartier. Récemment, la NAT (National Authority for Tunnel), en charge de la prolongation de la ligne 3 du métro, avait également demandé, sans succès, aux habitants de quitter le quartier.
Le Triangle de Maspero est composé d’un réseau de petites allées dont la plus connue est l’allée Sharkas. Elle porte le nom d’un propriétaire turc qui en quittant brutalement le pays en 1940 a fait établir une dotation de sa propriété à ses anciens ouvriers pour 20 ans. Depuis l’expiration de la dotation, de fréquents conflits éclatent concernant la propriété de ce quartier stratégique niché au cœur du Caire et au bord du Nil.
Le 11 mars, le ministre du Logement, Ahmad Darwich, le vice-gouverneur du Caire, Mohamad Ayman et les habitants du quartier se sont réunis pour négocier l’avenir de la zone. La réunion s’est déroulée dans une ambiance agitée, sous la surveillance des forces de police. Le gouvernement a présenté cinq alternatives aux habitants, parmi lesquelles des indemnisations allant de 100 000 LE à 220 000 LE selon le nombre de chambres occupées ; la possibilité de louer les futurs appartements (disponibles dans 4 ans) avec des loyers de 2500 LE à 3500 LE par mois ; le relogement dans la ville d’Al-Asmarat près du Mokhattam pour des loyers de 300 LE par mois pendant 30 ans avec une augmentation annuelle de 5%.
Ces solutions ne prennent pas en compte les faibles revenus des habitants, ni le fait que la plupart travaillent à Downtown et qu’une relocalisation leur ferait perdre leur emploi. Cette affaire n’est pas sans rappeler celles, nombreuses, de réhabilitation des vieux quartiers à Istanbul. Reste à espérer que le gouvernement égyptien adoptera des méthodes plus humaines que celle du gouvernement turc et de son agence gouvernementale TOKI.
TRANSPORTS
Métro
La compagnie du Métro du Caire est dans la tourmente. Il est en effet endetté à hauteur de 300 millions de livres égyptiennes (260 millions auprès de son fournisseur d’électricité et 40 millions auprès de son fournisseur d’eau). Les deux compagnies créancières menacent de porter l’affaire en justice et de couper leurs approvisionnements au Métro du Caire s’il ne règle pas ses factures impayées. Le porte-parole du Métro du Caire, Ahmed Abdel Hady, assure avoir le soutien du ministre des Transports pour sortir de la crise sans perturber le fonctionnement du métro. Cette affaire éclate après l’annonce du refus de 11 compagnies de fournir un certain nombre de services au Métro du Caire, tant qu’il n’a pas réglé ses dettes.
La réaction du gouvernement n’a pas tardé. Après des mois d’annonces répétées sans oser l’appliquer, la hausse des prix du ticket a été adoptée vendredi 24 mars par le nouveau ministre des Transports, Hisham Arafat. Le ticket de métro a doublé et coûte désormais 2 LE. Hisham Arafat a précisé que les passagers ayant des besoins spéciaux bénéficieraient de ticket à 1 LE ou 1,5 LE. Il n’a cependant pas spécifié qui était concerné.
Cette hausse frappe de plein fouet les 3,5 millions de passagers quotidiens, dont beaucoup subissent déjà lourdement les effets de la crise économique.
Le ministre des Transports espère par ailleurs prolonger la ligne 2 du métro jusqu’à Qualyub, dans le nord de la ville. Il a demandé à la NAT (National Authority for Tunnel) de reprendre les études de faisabilité de cette extension.
Uber et Careem face au juge
Le tribunal administratif a fixé au 11 avril le début du procès intenté par 42 chauffeurs de taxi contre Uber et Careem pour violation de la loi imposant une taxe annuelle de 800 LE aux chauffeurs de taxi. En utilisant des voitures privées, les deux compagnies se sont affranchies de toute taxe, provoquant la colère des taxis.
NOUVELLE CAPITALE
Une nouvelle capitale solaire ?
Le directeur de l’Autorité de l’énergie renouvelable (AER), Moussa Omran, a exprimé le 7 mars la volonté du président Al-Sissi de faire fonctionner la nouvelle capitale administrative à l’énergie solaire. Le président égyptien espère ainsi créer des opportunités d’emplois pour les Egyptiens et renforcer le secteur des énergies renouvelables dans le pays.
Moussa Omran a par ailleurs annoncé que l’AER cherchait à augmenter de 50% la production locale d’énergies renouvelables.
La Chine et les Émirats mis à la porte ?
La question de la participation des entreprises privées étrangères au développement de la nouvelle capitale reste en suspens. En effet, l’Administrative Capital for Urban Development Company (CUDC) — qui gère le projet de la nouvelle capitale — semble avoir rompu ses accords avec la China State Construction Engineering Corporation (CSCEC) et la compagnie émiratie Eagle Hills en février. Le directeur de la CUDC, Ayman Ismaïl, a annoncé le 15 mars que la compagnie chinoise s’était seulement retirée de la première phase du projet, et renégociait actuellement sa participation à la suite du projet. Ayman Ismaïl a également rappelé que ce sont des entreprises égyptiennes qui prendront la tête du développement de la nouvelle capitale, et que 16 offres de développeurs ont été présentées.
Le manque de transparence ne permet pas de lire clairement qui participera au projet, ni quel sera le poids des entreprises étrangères dans son développement.
DÉCHETS
Déchets à vendre
Deux « kiosques » à déchets ménagers ont été inaugurés au Caire et à Héliopolis, le samedi 11 mars. Les Cairotes peuvent désormais vendre leurs déchets ménagers. Les prix sont fixés au kilo. Un kilo de canettes est acheté 9LE, un kilo de plastique 3LE.
Lors de l’inauguration, le gouverneur du Caire, Atef Abdel-Hamid a présenté ce projet comme étant un moyen de lutter contre l’entassement des ordures dans l’espace public et de sensibiliser les habitants au tri des déchets. Leur gestion a été confiée à des ONG sous la tutelle du gouvernorat. Des camions parcourront également le quartier d’Héliopolis pour racheter les déchets triés aux habitants et aux magasins.
Dans les quartiers aisés, la gestion est généralement assurée par les chiffonniers, connus pour collecter, trier et recycler près de 80% de ce qu’ils ramassent. Environs 55 000 tonnes de déchets seraient produites chaque jour en Égypte.
Traitement des eaux usées à Louxor
L’USAID — agence de développement américaine — participe au financement de l’extension de la station de traitement des eaux usagées de Louxor. L’ambassade américaine a annoncé que le projet serait réalisé avec la Luxor Potable Water and Sanitation Company et qu’il vise à doubler les capacités du système actuel. Ce projet doit répondre aux estimations de croissance démographique dans la région de Louxor.
BÂTIMENTS
Effondrement d’un bâtiment à Garden City
Un bâtiment de 4 étages s’est partiellement effondré à Garden City, au 15 de la rue Gamal Al-Din Abou Al-Mahasen. L’incident a été provoqué par une secousse sismique de 3,3 degrés sur l’échelle de Richter dans la nuit de vendredi à samedi. On dénombre sept blessés.
Cargotecture, un nouveau mode d’habitation ?
Deux entrepreneurs égyptiens ont lancé en mars 2016 la première startup spécialisée en cargotecture : Qubix. L’idée, née en 1987 aux Etats-Unis, consiste à récupérer les conteneurs utilisés sur les cargos de fret pour les transformer en espace de vie. Le conteneur sert de structure mais étant très malléable, il offre la possibilité de créer toutes sortes d’espaces, de l’habitation au restaurant. Le concept présente plusieurs avantages en plus d’être eco-friendly, il fournit rapidement des structures durables à faible coût et il peut s’adapter à des utilisations variables. Une maison, localisée à Beni Suef, ainsi qu’un centre fitness à Maadi ont déjà fait appel à l’entreprise.
Lectures du mois
- « In love with the ugly face of Alexandria », 23.02.2017, Cairobserver.
Samuli Schielke présente les quartiers informels de Mandara et d’al-Masakin al-Siniya qui pâtissent d’une mauvaise réputation à Alexandrie.
- « The Politics Clogging Transportation Reform in Egypt », 16.02.2017, CityLab.
Miriam Berger revient sur la politique de transport, consistant principalement en la construction de grandes routes et autoroutes à la gloire de l’automobile et uniquement accessibles à une faible partie de la population.
Portfolio sur la Cité des Morts.
- « The Anti-Cairo », 03.2017, Places Journal.
Ursula Lindsey propose une analyse critique du projet de nouvelle capitale administrative mettant en avant les raisons sous-jacentes à sa réalisation. « Whatever the outcome of the plan to move the capital, it has already revealed the government’s twisted vision of the ideal city: minutely planned, shiny, ordered, self-contained, and insulated from the population. An anti-Cairo ».