Croissance et principaux indicateurs économiques
L’Égypte a enregistré un taux de croissance du produit intérieur brut de 3,4% pour la période juillet-septembre (l’indicateur est mesuré sur la base d’une année fiscale égyptienne, elle est divisée en quatre parties du 1er juillet au 30 juin). Sur la même période, la balance des paiements du pays est excédentaire de 1,9 milliard de dollars, c’est un progrès par rapport à l’année fiscale précédente où elle était déficitaire de 3,7 milliards. Cette amélioration est due à l’afflux de capitaux et aux investissements étrangers dans le pays, ceux-ci ont compensé le déficit de la balance commerciale (prise en compte dans la balance globale des paiements) qui reste néanmoins préoccupant. Le déficit budgétaire du pays a reculé d’un point par rapport à l’année précédente et il représente 5% du PIB pour la période juillet-décembre.
Dévaluation de la livre et inflation
La dévaluation de la livre a entraîné un afflux important de capitaux étrangers : ainsi les réserves de devises étrangères ont bondi de quatre milliards de dollars au mois de novembre, pour atteindre 24,2 milliards en décembre. À ce rythme, le pays pourrait rapidement retrouver le niveau de 2011 où les réserves s’élevaient à 36 milliards.
Le dirigeant de la Banque centrale d’Égypte, Tarek Amer, s’est félicité des effets de cette mesure lors d’un entretien accordé à la télévision égyptienne, affirmant que le marché noir d’échange de devises était en voie de disparition. Interrogé sur l’augmentation inquiétante du taux d’inflation, il s’est voulu rassurant et a estimé que celui-ci serait bientôt sous contrôle grâce à l’augmentation des exportations et au rééquilibrage de la balance commerciale.
La politique économique actuelle vise à décourager le recours aux importations, dont les coûts ont explosé avec la dévaluation de la monnaie et la hausse de l’inflation : l’objectif ultime est le redémarrage de l’activité économique égyptienne qui devra, par la force des choses, combler ses nouvelles carences. Tarek Amer a insisté sur cette politique de régulation par le jeu de l’offre et de la demande, jusqu’à affirmer début décembre que la Banque centrale n’interviendrait plus dans le marché monétaire qui doit voler de ses propres ailes.
À l’aune de ces déclarations optimistes, il convient de rappeler que l’inflation, dont le taux général a bondi à 24,3 % en décembre (20,2% en novembre 2016, 11,2% en novembre 2015), a pour effet principal et immédiat d’appauvrir une tranche importante de la population égyptienne et d’étouffer ceux qui en souffrent déjà. Les fluctuations de la monnaie et les évolutions générales de l’économie préoccupent les Égyptiens et prennent une place importante dans les débats : un indice de plus montrant qu’elles pèsent sur leur vie de tous les jours.
Politique de l’État pour réguler les importations
Poursuivant sa politique de réformes structurelles, l’État a décidé une augmentation de 40 à 60% des taxes sur l’importation de 320 « produits de luxe », parmi lesquels des fruits (dont mangue et goyave), cosmétiques, et gadgets électroniques. Cela avait déjà été fait à hauteur de 35% en janvier 2016. Les pays bénéficiant d’accords de libre-échange avec l’Égypte ne seront cependant pas touchés par cette mesure (Union européenne, pays membre du COMESA, pays arabes et Turquie).
Les institutions égyptiennes ont aussi décidé la mise en place d’un taux de change fixe pour le dollar douanier, renouvelé tous les mois. Cela a pour but d’aider les entreprises égyptiennes, très dépendantes des importations pour fabriquer leurs produits, à planifier leurs approvisionnements. Ce taux sera d’une livre pour 18,5 dollars jusqu’à fin février.
Les privatisations se poursuivent et suscitent des interrogations
L’Égypte poursuit sa politique de libéralisation de certains secteurs économiques autrefois réservés aux entreprises publiques. En janvier 2016, les acteurs privés ont été autorisés à investir dans la fourniture d’électricité aux particuliers, sous la supervision de l’Egyptian Electricity Regulatory Authority. Une loi sur le marché du gaz est actuellement en préparation pour libéraliser le secteur, toujours sous la direction d’une institution publique régulatrice. Cela pourrait ensuite s’étendre aux secteurs de l’éducation et de la santé, d’après un rapport récent de l’administration.
Le gouvernement défend ces réformes en affirmant qu’elles pourront faire baisser les coûts et améliorer les services grâce à la compétition entre les entreprises. Cependant, dans un article paru dans Madamasr, des chercheurs égyptiens estiment que l’État, en continuant à subventionner le secteur tout en l’ayant libéralisé, aura à sa charge les marges réalisées par les entreprises additionnées aux habituels surplus dans les coûts de production.
Prêts internationaux
La banque française BNP Paribas a accordé un prêt de 600 millions de dollars à l’Egyptian electricity holding company pour construire deux centrales électriques à Damiette et Assiout. Le chantier sera assuré par General electric et Orascom. De son côté, l’Agence française de développement (AFD) va verser 175 millions d’euros au pays pour soutenir le secteur de l’énergie. Les modalités de versement n’ont pas encore été précisées.
L’Égypte a également reçu la deuxième tranche d’un prêt accordé par la Banque africaine de développement, soit 500 millions de dollars sur le total des 1,5 milliards accordés en décembre 2015.
Investissements étrangers
Le président égyptien Al Sissi a rencontré, lundi 9 janvier, vingt-six fonds d’investissements régionaux et internationaux, au cours d’une réunion organisée par EFG-Hermes, le plus gros fonds d’investissement égyptien. Le secteur des énergies fossiles (gaz naturel et pétrole) attire beaucoup de capitaux. L’objectif est de multiplier les sites d’exploitation afin de faire baisser les coûts dans ce secteur, car ceux-ci pèsent sur l’économie du pays.
La Société financière internationale, membre du groupe Banque mondiale, a signé un accord avec le gouvernement pour investir 2 millions de dollars dans le Flat6Labs Cairo, un incubateur de start-up qui soutiendra quelques 300 entreprises égyptiennes dans les cinq années à venir.
Canal de Suez
Après avoir atteint leur niveau le plus bas depuis vingt-et-un mois en novembre, les revenus du canal sont remontés en décembre avec 414 millions de dollars. Ils restent néanmoins inférieurs à ceux enregistrés l’année précédente à la même période (429 millions).
La Zone économique du canal de Suez est en passe de signer un contrat d’environ 4 milliards de dollars avec une alliance d’investisseurs britanniques et espagnols, pour la construction d’une cité spécialisée dans les soins médicaux.
Tourisme
Bien qu’elle connaisse une période particulièrement difficile depuis la révolution de 2011, puis le crash d’un avion russe dans le Sinaï, le 31 octobre 2015, les chiffres de l’activité touristique laissent entrevoir une reprise prochaine de la croissance dans ce secteur. Le nombre de touristes a augmenté de 7% en octobre avec 506 000 personnes accueillies sur le territoire. On reste cependant loin des quelques 900 000 visiteurs d’octobre 2015.
L’État veut encourager la reprise et a débloqué, via la Banque centrale, cinq milliards de livres égyptiennes. Ils seront accordés sous la forme de prêts aux acteurs du tourisme, pour rénover et entretenir les infrastructures ayant souffert de la chute de l’activité.
Les campagnes de séductions continuent, notamment pour le retour des vols charters en direction du Sinaï : les vols allemands ont repris en mai, plus récemment également les vols turcs et polonais. Depuis la fin du mois de décembre, quatre vols par semaine relient l’Allemagne à la station de Charm el Cheikh. Du côté des Britanniques et des Russes, deux autres poids lourds de l’afflux touristique, des déclarations laissent entendre un retour prochain à la normale. Un ministre britannique a récemment visité le pays pour vérifier les conditions de sécurité et s’est montré plutôt optimiste.
Les incertitudes concernant la sécurité n’ont pas disparu pour autant : en témoigne l’annulation de la foire « Le Marché », événement vieux de 32 ans et bien connu des Cairotes, qui devait se dérouler du 22 au 25 décembre et accueillir des milliers de visiteurs.
Un nouveau service de taxis à la demande
En réponse au développement de Uber et Careem ainsi qu’aux nombreuses plaintes des chauffeurs de taxis “blancs”, une compagnie égyptienne lance un nouveau service de taxi à la demande : Taxi plus. D’aucuns mettent en doute le professionnalisme des « taxis blancs » déjà existants, sur lequel se basera cette entreprise. Ils seraient trop indisciplinés, durs en affaires, avec des véhicules non-conformes : à ce propos la compagnie assure que les employés subiront des tests « physiques et mentaux » avant d’être accrédités. Il n’en reste pas moins que le chantier pour l’amélioration des transports égyptiens est immense, aussi les initiatives de ce genre sont-elles les bienvenues, quoi que l’on pense de leurs chances de réussite.
Orange et Vodafone épinglés pour publicité mensongère
Les deux opérateurs ont été accusés de tromper le public et de diffuser de fausses informations par l’Agence égyptienne de protection des consommateurs. Les opérateurs ont voulu promouvoir le réseau 4G dont ils ont récemment fait l’acquisition (Revue de presse Économie – novembre 2016) : une publicité mensongère selon l’institution égyptienne, car le nouveau réseau n’a pas encore été ouvert officiellement. L’autorité nationale de régulation des télécommunications a confirmé que la 4G n’avait pas encore été mise en route.
P.C.