Politique intérieure
Travail sur l’image des prisons
Le ministère de l’Intérieur égyptien mène une forte campagne de publicité sur les prisons. Hassan El-Sohagy, assistant du ministre de l’Intérieur et chef de l’Autorité des prisons, a annoncé le lancement d’une politique d’aménagement des prisons dans le but d’assurer une vie décente aux détenus. Des travaux d’amélioration des infrastructures sont prévus. Des programmes sociaux, culturels et sportifs doivent également être mis en place. D’après le ministère, des sessions de formation de respect des droits des prisonniers ont aussi été organisées pour les officiers travaillant dans le milieu carcéral.
En parallèle, le Comité des jeunes détenus a été créé au mois d’octobre, lors de la Conférence nationale de la jeunesse. Ce comité a tenu sa première session le samedi 4 novembre. Les principales questions évoquées ont été les conditions de détention des femmes et des étudiants. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a permis la libération de 82 prisonniers, majoritairement étudiants, en ratifiant une grâce présidentielle fin novembre. Tous ces efforts déployés à destination des prisons et ces signes d’ouverture ont pour objectif de modifier l’image lamentable du milieu carcéral et de camoufler un autoritarisme croissant.
En effet, le Réseau arabe pour l’information sur les droits (ANHRI), rapporte qu’à la mi-août de cette année, sur 106 000 détenus, 60 000 sont des prisonniers politiques. Par ailleurs, les responsables de l’ANHRI dénoncent les dépenses faites dans la construction de nouvelles prisons. Selon eux, cet argent devrait être utilisé pour d’autres infrastructures, telles que les hôpitaux. Ils affirment également que la construction de nouvelles prisons est synonyme d’une privation croissante des libertés.
Selon la Commission égyptienne pour les droits et libertés, 28 personnes seraient mortes en détention en 2015 en raison des mauvaises conditions de vie et des mauvais traitements. Il faut ajouter à cela 1 500 cas de « disparitions forcées » en 2015 (arrestations arbitraires de citoyens sans que les familles n’aient de nouvelles). Durant le mois de novembre, certains médias, comme Al Jazeera, ont dénoncé le cas de disparition forcée d’Omar Khaled, un jeune étudiant de 22 ans, enlevé par des hommes qui appartiendraient aux forces de sécurité de l’État.
Atteintes aux libertés de la presse
Toujours plus forte, la répression de la presse égyptienne est pourtant de moins en moins couverte par les médias. Le président du syndicat des journalistes vient d’être condamné à une peine de prison, une première depuis la création du syndicat il y a 75 ans. En effet, en avril dernier, deux journalistes du site d’actualité Yanair, alors recherchés par la police, avaient trouvé refuge dans les locaux du syndicat. Ils sont accusés par l’État d’avoir diffusé de fausses informations à propos de la cession de deux îles de la mer Rouge à l’Arabie Saoudite. L’affaire des deux îles avait déclenché la colère de nombreux Égyptiens et avait obligé le gouvernement à faire marche arrière. Trois hauts responsables du syndicat ont été emprisonnés (Revue de presse politique – mai 2016).
Les médias audiovisuels subissent aussi la répression. L’interview de l’ancien juge Hesham Genena qui devait être diffusée sur le réseau télévisé Al-Mehwar a été annulée. Il avait été congédié par le président Al-Sissi après avoir dénoncé la corruption massive de l’administration (75 milliards de dollars détournés entre 2012 et 2015).
Les ONG sous contrôle
Proposé par la coalition Fi Daem Misr, le projet de loi sur les ONG a été adopté le 29 novembre par le Parlement, au lendemain de la déclaration de constitutionnalité de la loi par le Conseil d’État. L’annonce de sa soumission devant le Parlement avait provoqué de vives réactions au sein de la société civile.
Les ONG doivent désormais régulariser leur situation dans un délai de six mois en déclarant leurs activités, leurs programmes ainsi que leurs sources de financement au gouvernement. À ces dispositions, s’ajoutent des articles leur interdisant de travailler dans certains domaines considérés comme politisés. Une taxe pour s’installer en Égypte (jusqu’à 300 000 livres égyptiennes) est également demandée, et de lourdes sanctions ont été mises en place en cas de contravention à la loi.
L’État fait preuve de méfiance à l’encontre des ONG qu’il soupçonne d’ingérence dans la politique du pays. Cet état d’esprit conduit finalement à la situation inverse : une forte immixtion de l’État dans les affaires des ONG.
Ce n’est pas la première fois que l’État s’attaque aux ONG. En effet, l’article 78 de la loi « anti-manifestation » permet au gouvernement de réprimer et sanctionner les ONG. Cela concerne principalement les organisations de défense des droits qui continuent de défendre les victimes de violations des droits humains qui ont eu lieu entre 2013 et 2016. Les législations coercitives envers les ONG sont de plus en plus nombreuses et il est à craindre que de nombreuses ONG spécialisées dans les domaines de l’éducation, de la santé ou encore dans la défense des droits des enfants se désengagent de l’Égypte, au détriment de la société civile égyptienne.
Politique extérieure
Guerre en Syrie
Le président Abdel Fattah el-Sissi a affirmé récemment qu’il soutenait l’armée syrienne de Bachar Al-Assad. Cette prise de position renforce les tensions entre l’Égypte et l’Arabie Saoudite puisque cette dernière a pris position contre le président syrien. Il reste à savoir jusqu’où va le soutien de l’Égypte à l’armée gouvernementale syrienne. Si le ministère des Affaires étrangères égyptien nie une quelconque intervention de l’armée égyptienne sur le sol syrien, certains médias libanais rapportent que des troupes égyptiennes assistent l’armée d’Al-Assad.
Relations israélo-égyptiennes au beau fixe
Cette année est marquée par un fort rapprochement entre Israël et l’Égypte. Les analystes s’accordent pour dire que l’entente entre les deux pays n’a jamais atteint un tel niveau. Ainsi, durant le mois de juillet de cette année, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Sameh Shoukry, est allé à Jérusalem où il a rencontré le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Cette visite est une première depuis une décennie pour un haut responsable égyptien. Le gouvernement égyptien a également rétabli un ambassadeur en Israël. Ce rapprochement est en grande partie liée aux opérations communes menées contre les groupes armés aussi bien dans le Sinaï que dans la bande de Gaza. Les deux gouvernements partagent aussi une aversion pour le Hamas : Israël voit dans cette organisation une menace pour sa souveraineté tandis que l’Égypte y voit un allié des Frères musulmans. L’aide récente de l’Égypte contre l’incendie qui a ravagé Israël au mois de novembre est aussi le signe de meilleurs contacts entre les deux pays.
Rapprochement avec le Soudan
Lundi 28 novembre, Sameh Shoukry, le ministre des Affaires étrangères égyptien, a rencontré une délégation du comité égyptien-soudanais afin de discuter des moyens de renforcer les relations bilatérales entre l’Égypte et le Soudan. Cette rencontre fait écho à celle du mois dernier entre le Président égyptien et le Président soudanais, et montre la volonté des deux pays d’essayer de tisser des relations amicales en dépit des tensions liées à la construction du barrage Renaissance sur le Nil en Éthiopie (Focus – Partage des eaux du Nil entre Égypte, Soudan et Éthiopie) ainsi que celles à propos des zones contestées du « triangle Hala’ib ».
P.S.