Espace Public
Fauteuils roulants au Caire : l’épreuve au quotidien
Une vidéo intitulée “A Wish” rappelle les difficultés que doivent surmonter au quotidien les personnes en fauteuils roulants dans la capitale égyptienne. La vidéo, présentée dans le cadre du programme Qomrag et ayant reçu plus de 2600 votes, montre la journée type d’une femme à mobilité réduite au Caire. La réalisation souligne que de nombreux endroits restent inaccessibles aux personnes en fauteuils roulants et ce, à des fins de sensibilisation.
La situation en Égypte est très médiocre pour ces personnes qui doivent constamment demander de l’aide pour se déplacer, car aucun aménagement n’est prévu dans la rue, les magasins, les universités ou les institutions gouvernementales. Même les rares lieux disposant de toilettes avec accès pour les personnes à mobilité réduite sont souvent utilisés comme espaces de rangement.
La fondation Alhassan, créée il y a trois ans, œuvre pour l’amélioration du quotidien des personnes en fauteuils roulants en Égypte. Le personnel de la fondation tente d’accompagner au mieux les familles dont un membre a subi un accident. Ces proches qui assurent la transition entre un quotidien de “valide” à celui d’”invalide” ont besoin d’un soutien psychologique, physique et financier.
Construction d’églises : le droit s’assouplit
Des négociations sont menées depuis plusieurs semaines entre les représentants des trois églises égyptiennes (copte, catholique et protestante) et l’État, afin de finaliser un projet de loi sur la construction des églises. Le projet, initialement proposé en 2014, devrait assouplir les procédures liées à la construction des lieux de culte chrétiens, jugées très restrictives.
Actuellement, le décret Hamayoni qui date de l’époque ottomane, interdit la construction des lieux de culte à proximité des écoles, canaux, bâtiments publics, chemins de fer ou zones résidentielles et exige le feu vert du ministère de l’intérieur. Plusieurs villages et quartiers n’ont pas d’églises, et certaines d’entre elles sont construites sans permis.
Ces restrictions s’ajoutent à une certaine forme d’intolérance qui rend très difficile la construction de lieux de cultes pour les chrétiens d’Égypte. La nouvelle loi devrait faciliter les démarches de construction.
Le privilège des banlieues riches du Caire
Une étude menée par “10Tooba” portant sur les dépenses du gouvernement pour les espaces bâtis, souligne des disparités massives en termes de soutien financier, entre les “villes nouvelles” et l’espace bâti préexistant. Les travaux de recherches montrent que le même budget est alloué aux deux types d’espace. Pourtant, seuls 2% de la population égyptienne vivraient dans ces villes nouvelles. Ainsi, environ 2 millions d’Égyptiens bénéficient d’un budget identique au montant alloué à 88 millions d’autres personnes.
Les villes nouvelles, construites afin de limiter le surpeuplement des espaces bâtis, restent inaccessibles à une grande partie de la population, car trop chères, sans écoles et non desservies par les transports en commun. La plupart restent un privilège pour des familles à hauts revenus. 10Tooba plaide pour une vaste restructuration de l’organisation des services urbains pour rééquilibrer les allocations budgétaires entre quartiers.
Nouvelle capitale : le projet bat son plein
En début d’année, le promoteur immobilier émirati Mohamed Alabbar s’est désengagé financièrement. Cependant, malgré l’absence de financements privés, le gouvernement égyptien persiste dans la construction d’une nouvelle capitale administrative et déclare que le coût total du projet, estimé à 300 milliards de dollars, serait assuré par des fonds gouvernementaux. La nouvelle capitale administrative située dans le désert à l’Est du Caire s’étendra sur 700 km2 et les principales institutions devraient s’y installer d’ici cinq à sept ans. Le site comprendra un aéroport plus grand que celui d’Heathrow à Londres et un bâtiment plus haut que la tour Eiffel.
Des entreprises égyptiennes de construction ont déjà entamé les travaux des bâtiments résidentiels. Une gare ferroviaire devrait être construite. Et à terme, 18 ministères devraient être transférés au sein de la nouvelle capitale administrative.
Habitat et Planification
Le gouvernement poursuit une politique de réduction de la pauvreté
Le gouvernement a annoncé le 9 juillet le développement d’un certain nombre de services publics et d’infrastructures dans l’objectif de prévenir la pauvreté. En effet, la pauvreté inquiète le gouvernement comme source potentielle de contestation de l’ordre établi, inégalités et frustrations sociales ayant contribué à la révolution du 25 janvier 2011.
Le président a ainsi indiqué : “Nous ne pouvons pas laisser cette situation se poursuivre, même si cela nous demande de partager un morceau de pain afin que personne ne vive dans de telles conditions”. Abdel Fattah Al-Sissi a également souligné l’importance de la construction de logements sociaux, et le rôle de l’Etat dans la garantie de logements décents, principalement à destination des familles qui vivent dans des taudis.
Une rencontre entre le Président et le ministre du Logement a permis d’évoquer les enjeux de la désalinisation, l’assainissement et la construction de nouveaux logements. Il a été annoncé la construction de 500 000 logements avant avril 2017.
Le gouvernement égyptien a fait de la lutte contre l’habitat informel une de ses priorités de développement, s’engageant à le supprimer dans les deux ans (lire revue de presse Ville, mai 2016). 351 logements informels ont ainsi été qualifiés de dangereux pour leurs résidents, et un programme de relogement de 850 000 personnes vivant dans une grande précarité a été initié par le Fonds Tahya Misr, créé par le président de la République. Les résidents relogés du Moqqatam auront accès à l’eau potable. Ce quartier résidentiel construit sur une zone normalement inconstructible est tristement célèbre pour l’effondrement dramatique d’un pan de colline le 7 septembre 2008, qui avait causé la mort de 33 personnes et laissé des centaines de familles sans toit.
Les deux premières phases du projet Tahya Misr ont été réalisées en moins d’un an, avec la construction de près de 12 000 appartements. La troisième phase, qui prévoit d’atteindre 20 000 logements, devrait être terminée en 2017.
La construction de sites de désalinisation à Abu Rawash, Bahr El-Baqarn et Jabal Al-Asfar pour alimenter la future capitale administrative, a également été annoncée.
Le 6 juin 2016, l’UNDP (United Nations Development Programme) et d’autres organismes gouvernementaux ont signé un accord pour le renforcement de la planification et de la gestion du projet du Grand Caire, avec un accent mis sur les services publics, les infrastructures, la circulation, l’environnement et l’urbanisation.
Transports
Fermeture temporaire de la station Sadate
La station de métro Sadate, située dans le centre ville du Caire sur la place Tahrir, a rouvert ses portes après une fermeture temporaire pour des raisons sécuritaires, à l’approche de la commémoration du troisième anniversaire du soulèvement du 30 juin 2013, qui avait conduit à l’éviction du président Mohamed Morsi.
Épicentre de la révolution de 2011, la station Sadate a été plusieurs fois fermée pour des motifs de sécurité, notamment entre août 2013 et juin 2015, afin d’empêcher d’éventuelles manifestations place Tahrir.
Construction de la troisième ligne de métro
Les travaux de génie civil pour la réalisation de la troisième ligne de métro au Caire consacrent une alliance franco-égyptienne. L’entreprise française Vinci est chargée du développement de la ligne, avec un budget de 1,22 milliards de dollars, suite à une décision de la NAT (National Authority for Tunnels).
La NAT est affiliée au ministère du Transport depuis 1983 dans l’optique de réaliser le projet d’un métro en Egypte. Elle a, depuis cette date, réalisé plus de 83 km de lignes de métro. Le coût total de ces installations est de 2,59 milliards de dollars, avec une dépense annuelle de 78 millions de dollars.
Patrimoine
Réouverture de la mosquée Mohamad Ali
Après dix ans de travaux, la mosquée du palais Mohamad Ali a rouvert ses portes début juin. Proche du palais du même nom, la mosquée est située sur l’île de Roda dans le quartier de Manial au Caire. Construite au début du siècle dernier par le prince Mohamad Ali Tawfiq, l’oncle du roi Farouq et régent du trône, elle est un véritable joyau d’art islamique. Walaeddine Badawi, directeur général du palais, précise que le bâtiment, dessiné par le prince lui-même, marie à merveille architecture andalouse, maghrébine et ottomane. La rénovation du site et l’ouverture au grand public permettront à chacun de venir admirer le plafond finement décoré, le somptueux minbar ou encore le vitrail coloré.
Street art dans le gouvernorat de Damiette
Un collectif d’artistes graffeurs venus de différentes villes égyptiennes s’est réunit à Damiette autour d’un projet éducatif et citoyen dénommé “Gedary”. Du 29 juin au 3 juillet dernier, ce collectif a investi les rues du village de Kafr El-Ghab, à la demande d’un groupe de jeunes, désireux d’apporter du nouveau dans leur localité. Convaincus que l’art permet d’éveiller les consciences sur des questions sociales et d’embellir le quotidien, les artistes ont peint des figures qui délivrent des messages positifs et valorisent le village. En effet, ces peintures s’inspirent de la culture locale, des formes et des couleurs propres au village. Vingt-cinq peintures murales ornent désormais les rues, pour la plus grande satisfaction des habitants. Le projet, relayé et salué sur Facebook, concourt à faire connaître et diffuser l’art du graffiti en milieu rural, et plus largement à travers l’Egypte, tout en encourageant un moyen d’expression pacifique des opinions. Au delà d’une initiative artistique engagée, le projet Gedary modifie la géographie des lieux, en magnifiant certaines places.
Un programme d’Arts et Culture dans le gouvernorat de Gharbeya
La direction de la Culture du gouvernorat de Gharbeya lance un programme d’Arts et Culture conduit par Sayed Khattab, qui est à la tête de l’Autorité Générale des Maisons de la Culture. Le programme comporte une exposition de peintures d’enfants, intitulée “Revolution through children’s eyes” et présentée à la maison de la culture des enfants à Tanta. Des expositions similaires sont prévues à Santa et Ghazl El Mahala.
Démolition du théâtre Al Salam à Alexandrie
L’illustre théâtre Al Salam d’Alexandrie, situé à Sidi Gaber, à l’Est, a été démoli à la fin du mois de juin. À l’abandon depuis plusieurs années, le bâtiment, repérable par sa forme ovoïde, était un symbole de l’héritage culturel urbain. Le théâtre avait été construit en 1960, accueillant de nombreuses pièces, des spectacles et des comédiens célèbres comme Adel Imam, Samir Ghanem, Abdel Moneim Madbouly, Foad El-Mohandes.
Selon Mohamed Seda, responsable de l’Organisation Nationale pour l’Harmonie Urbaine (NOUH), l’état de la structure du bâtiment compromettait la sécurité des personnes et nécessitait donc sa démolition. Propriété de l’armée, le théâtre n’était plus géré par le Ministère de la Culture et personne ne pouvait intervenir dans le processus de décision. Par ailleurs, le bâtiment n’étant pas classé au patrimoine égyptien, il ne pouvait jouir d’aucune protection. Pour Maged El-Raheb, expert des antiquités et président de l’association pour la protection du patrimoine égyptien, la démolition est grave car le site du théâtre est jonché d’objets historiques.
L’opération de démolition a suscité la colère des riverains sur les réseaux sociaux. Ils ont condamné la décision de l’Armée, vue comme un affront pour l’identité culturelle de la ville. La construction d’un nouvel hôtel de luxe est prévue en remplacement. La liste des démolitions de bâtiments patrimoniaux, décidées par l’État au profit de tours résidentielles, est longue et alarmante.
Maïté Drion