RELIGION
Ramadan
Événement majeur de l’islam, le mois de Ramadan, entamé le 6 juin et conclu le 6 juillet, a marqué le mois écoulé. Ce mois saint a été l’occasion pour les musulmans du pays (environ 90% des habitants), mais plus largement pour toute la population égyptienne de se retrouver en famille ou entre amis. Un article d’Egyptian Streets décrit les traditions et les festivités propres à l’Égypte en ce mois de fête.
Dans un pays où le taux de pauvreté est supérieur à 26% (2013) selon le CAPMAS, la charité reste au cœur du Ramadan comme le veut la tradition, et les exemples d’action charitable sont nombreux, sous l’impulsion des institutions musulmanes, mais pas seulement. Ainsi, l’Église évangélique de Kasr el Doba au Caire a organisé tout au long du mois des repas gratuits à l’heure de l’iftar (rupture du jeûne). Une initiative qui ne fait cependant pas oublier l’atmosphère de tensions communautaires et les violences perpétrées en mai contre la communauté copte de Minya (lire notre revue de presse “Société” de juin 2016).
Le Ramadan aura cette année été marqué par la fatwa prononcée par le Dar Al-Iftaa, l’autorité gouvernementale chargée des affaires religieuses, qui a déclaré que « ne pas respecter le jeûne en public ne constitue pas une liberté individuelle, mais bien une forme de chaos et un assaut envers la sainteté de l’Islam ». Cette déclaration a été suivie par de nombreuses descentes de polices dans des cafés ouverts en journée, et ce, dans plusieurs villes du pays. De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer ce qu’elles jugent être une attaque contre les libertés individuelles, et en particulier envers celles des minorités non-musulmanes.
Le 30 juin dernier, le Président Sissi en a appelé aux professeurs de l’Université d’Al-Azhar, la plus ancienne et plus prestigieuse université de théologie et d’études islamiques du pays, pour « purger » l’islam de certaines « failles » et faire reculer les discours extrémistes. Sissi a justifié son appel par la menace terroriste qui plane sur le pays et plus globalement sur le monde, consacrant une fois de plus la lutte contre le terrorisme comme un de ses objectifs principaux et un aspect central de ses discours.
SANTÉ
Développement du système de santé
Le 20 juin dernier, le Président Abdel Fatah Al-Sissi a une nouvelle fois clamé sa volonté d’accélérer le développement du système de santé égyptien. Les efforts à faire seront nombreux, et se concentreront principalement « en Haute-Égypte, dans le Sinaï et d’autres régions reculées ». Ahmed Emad Eddin Radi, le ministre de la Santé et de la Population, a déclaré au cours de cette réunion avec le Président, que 8 milliards de livres EGP seraient consacrés au développement des hôpitaux et des équipements publics. Cet ambitieux plan de développement concernerait 460 hôpitaux situés dans différents gouvernorats, et il devrait se déployer en partenariat avec des investisseurs privés. Ce projet a reçu le soutien de la Banque mondiale, qui a accordé à l’Égypte une aide de 75 millions de dollars pour l’amélioration de cinq hôpitaux en Haute-Égypte.
Enfin, la possibilité de réformer le système d’assurance-santé a été évoquée, en réaction au constat alarmant du difficile accès aux soins pour les plus démunis (cf. revue de presse – Société, Mai/Juin 2016).
Le traitement de l’hépatite C reste une problématique majeure pour le gouvernement avec 600 000 cas traités au cours des six derniers mois, dont 435 000 guérisons, d’après le ministre de la Santé.
DROITS DES FEMMES
Lutte contre le harcèlement sexuel
Encore une fois, le harcèlement sexuel aura occupé une place grandissante dans les médias égyptiens au cours du mois passé, montrant qu’une partie de la société a conscience de ce problème et souhaite l’affronter.
Ainsi, l’initiative civile HarassMap, qui vise depuis 2010 à combattre l’acceptation par la société du harcèlement sexuel, a lancé fin juin une campagne de lutte contre le harcèlement sexuel au travail. L’objectif principal est de faire prendre conscience aux femmes de leurs droits, une démarche qui rappelle les campagnes « My Right » et « Say No », évoquées dans notre revue de presse, le mois dernier.
Le discours des autorités reste cependant pour le moins contradictoire à ce sujet. Vendredi 8 juillet, le Conseil National pour les Femmes (CNF), organe gouvernemental, a déclaré qu’aucune plainte pour harcèlement sexuel n’avait été reçue par la hotline mise en place par le gouvernement durant les fêtes de l’Aïd El Fitr. Une annonce surprenante alors que sept cas de harcèlement verbal ont été recensés par les directions de sécurité dans le parc Al-Azhar lors du premier jour de l’Aïd, ainsi que 48 cas similaires dans le zoo de Gizeh et 16 dans le gouvernorat de Qalyubiya au nord du Caire. Ces exemples remettent sévèrement en cause l’annonce du CNF, dans un pays où 99,3 % des femmes auraient déjà été victimes de harcèlement sexuel, d’après les chiffres de l’ONU.
DROITS DE LA COMMUNAUTÉ LGBT
Amr Ramadan, délégué permanent de l’Égypte auprès des Nations Unies, a déclaré que l’Égypte ne se pliera pas aux résolutions pro-LGBT récemment adoptées par l’ONU, qui a prévu la mise en place d’un expert indépendant chargé de la défense des droits de la communauté LGBT. Selon Amr Ramadan, cette nouvelle mesure est « sans valeur », « contraire au droit international », et va à l’encontre « de la culture et des valeurs traditionnelles de l’Égypte ».
Rappelons que la situation des homosexuels reste très problématique en Égypte, et que si l’homosexualité n’est pas interdite par la loi, elle l’est de fait avec une répression omniprésente. Le 24 avril dernier, 11 membres de la communauté LGBT ont ainsi été condamnés à des peines allant de 3 à 12 ans de prison, le motif invoqué étant celui de la « débauche ». En 2013, 95 % de la population égyptienne déclarait que l’homosexualité « ne doit pas être acceptée par la société ».
CONDITIONS DE DÉTENTION
Mohamed Fayek, directeur du Conseil National pour les Droits Humains, une organisation semi-gouvernementale, a récemment alerté le gouvernement sur les violations des droits humains subies par les prisonniers et les détenus. Dans son rapport annuel, Mohamed Fayek dénonce notamment la mort de trois personnes sous la torture et il en appelle aux autorités pour prendre les mesures adéquates. Le gouvernement a répondu que ces actes de torture sont le fait d’officiers isolés et d’actes individuels qui ne doivent pas être tolérés, rejetant ainsi toute responsabilité.
La question des conditions de détention en Égypte a dans le même temps été reprise par plusieurs avocats des droits de l’Homme. Ces derniers dénoncent plus particulièrement la détérioration des conditions sanitaires. L’accent est mis sur une prise en charge tardive des malades, la négligence de l’administration pénitentiaire et le difficile accès aux prisonniers pour le personnel médical. Dans son rapport, M. Fayek rappelle que 20 prisonniers ont récemment perdu la vie du fait des conditions sanitaires déplorables dans les prisons égyptiennes. Le 3 juillet, un article de Daily News Egypt revenait sur la mort de Mohamed Al-Batrawi, un prisonnier politique de 50 ans décédé des suites d’une hépatite C mal traitée. Les familles de victimes ainsi que certaines associations de défense des droits de l’Homme telle que la Egyptian Coordination for Rights and Freedom vont plus loin et accusent le gouvernement de laisser sciemment mourir des opposants politiques en prison.
ÉDUCATION
Affaire des fuites de sujets d’examens
Le mois de juin a été marqué par une affaire retentissante. Au cours des examens finaux (Thanaweya Amma), des sujets et des réponses ont fuités à répétition sur Facebook, mettant à mal la bonne tenue des épreuves et soulignant l’incapacité de l’administration à empêcher de telles fuites. Les examens se sont achevés le 4 juillet dans une atmosphère de controverse majeure, après plusieurs semaines scandées par les reports à répétition, les manifestations étudiantes et les arrestations de plus de 20 suspects. La principale manifestation, qui aura rassemblé plusieurs centaines de lycéens, a eu lieu le 27 juin près des locaux du ministère de l’Éducation, pour réclamer la démission du ministre de l’Éducation, El-Helaly El-Sherbiny. Un appel repris par plusieurs députés membres de la commission parlementaire de l’Éducation, mais qui n’a pas été suivi d’effets pour l’instant.
Lutte contre l’analphabétisme
Un article d’Egyptian Streets note que la lutte contre l’analphabétisme reste un défi majeur pour l’Égypte avec 28 % de la population qui ne sait ni lire ni écrire, soit 16 millions de personnes. Cet article met en perspective l’analphabétisme en Egypte, rappelant qu’il touche principalement les zones rurales (63 % de la population analphabète vit à la campagne) et les femmes (69 % des analphabètes). La journaliste Rana Kamaly demande au gouvernement, au secteur privé et au milieu associatif d’accentuer les efforts entrepris au cours des dernières années, afin d’améliorer un système éducatif qu’elle classe parmi les « plus pauvres du monde ».
CULTURE
Le mois de Ramadan et la fête de l’Aïd ont été, comme chaque année, un moment d’effervescence culturelle avec l’organisation de nombreuses manifestations et rassemblements. Egypt Independent revient, par exemple, sur les pièces de théâtre et les concerts organisés par le ministère de la Culture dans plusieurs parcs, établissements pour la jeunesse ou hôpitaux du pays.
Le ministère de la Culture a inauguré le 30 juin dernier le premier opéra de Port-Saïd. Celui-ci abrite une salle d’opéra de 1 200 sièges, deux salles de cinéma de 500 places, des salles de conférence, ainsi qu’une bibliothèque. Cette réalisation sera suivie par d’autres projets similaires dans plusieurs gouvernorats, notamment avec l’ouverture prochaine d’un opéra à Louxor.
Romain Garanger