Environnement
En matière de politique environnementale, le gouvernement égyptien oscille entre une prise de conscience du risque environnemental et des mesures contradictoires allant à l’encontre de cet objectif.
Ainsi, le président Al Sissi a inauguré le 22 mai à Damiette l’agrandissement, pour une valeur de 2 milliards US$, d’une usine pétrochimique de la Misr Fertilizers Production Company. Cette nouvelle a été très critiquée par les acteurs et les activistes environnementaux.
Un mois plus tard, le gouvernement refusait un projet de centre de recyclage près d’Ain Sokhna, en raison de sa proximité avec la nouvelle capitale administrative. Le Ministre Khaled Fahmy a néanmoins annoncé que quatre autres projets similaires étaient maintenus et qu’une étude était en cours pour relocaliser le centre.
Dans le même temps, le jour du World Environment Day (5 juin), la Central Agency for Public Mobilization and Statistics (CAPMAS) a publié un rapport attestant d’une augmentation de 2,13 % des émissions de CO2, due à la consommation d’hydrocarbures. Ceci a poussé le gouvernement égyptien à prendre des mesures pour limiter cette consommation, en particulier dans le secteur de l’industrie. Le Ministre a ainsi réuni les responsables de 17 cimenteries afin d’envisager des alternatives énergétiques et limiter leur dépendance aux hydrocarbures, et ce, avant de s’envoler pour le Maroc pour participer aux réunions de préparation de la COP22 prévue en novembre prochain.
Enfin, chose plutôt rare en Égypte, un baigneur a été attaqué et gravement mutilé par un requin en mer Rouge à Ain Sokhna au début du mois de juin. Une enquête a été lancée et une commission d’experts a été dépêchée sur place pour expliquer les causes d’une attaque si inhabituelle. La commission a estimé qu’il s’agissait certainement d’une conséquence de la pêche intensive et des méthodes des voyagistes, lesquels jettent délibérément de la nourriture depuis les bateaux, pour attirer les squales en surface et les transformer en attraction touristique. Cette pratique, bien qu’illégale en Égypte, reste d’usage.
Eau
La Ministre de la Coopération internationale a annoncé fin mai dans un communiqué la signature d’un accord entre le Fonds Social pour le Développement et le gouverneur du Sud-Sinaï, afin d’améliorer la qualité de l’eau dans la péninsule du Sinaï à travers une implication des compagnies locales. La même Ministre, Sahar Nasr, a également annoncé un prêt de 100 millions US$ de la part du Fonds Koweïti pour le développement économique afin de financer la construction de centrales de désalinisation dans le Sinaï.
Quatre des trente-cinq stations d’eau potable prévues ont été inaugurées en juin à Al Wadi Al Gadid, pour un montant total de 250 millions EGP, a annoncé le Gouverneur Mahmoud Ashmawy. Dans le même temps, 21 inaugurations de projets dans le domaine de l’eau sont attendus d’ici la fin juin pour résoudre la crise de l’eau dans plusieurs gouvernorats, a déclaré le porte-parole de la Holding Company for Water and Wastewater le 12 juin. Celui-ci a présenté des mesures pour contrôler et facturer la consommation afin de limiter le gaspillage.
Les projets et les investissements dans le domaine de l’eau ne manquent pas : la Shanghai Safbon Water Service Company a annoncé qu’elle souhaitait investir 1 milliard US$ dans des usines de désalinisation et de traitement de l’eau en Égypte, notamment au Caire et au Fayoum. Il s’agit du premier investissement en Égypte de ce géant chinois. Actuellement, des villages entiers se plaignent de coupures d’eau abusives dans la région d’Ismaïlia, régulières depuis un mois. Les ministères de l’Irrigation, de l’Énergie et celui du Logement se rejettent mutuellement la faute et invoquent la crise des devises étrangères, qui paralyserait le fonctionnement des infrastructures.
Hydrocarbures
Le secteur des hydrocarbures est en émoi, notamment après l’annonce par le Ministre du Pétrole de la baisse des subventions de pétrole de 27% pour les neuf premiers mois de l’année fiscale 2015-2016, une baisse atteignant 41 milliards EGP.
L’Égypte espère se tailler un leadership régional en matière de gaz et de pétrole, après l’annonce de l’extraction de nombreux nouveaux gisements au large de ses côtes. La situation régionale, notamment les négociations en vue de l’accord historique entre Israël et la Jordanie sur le gaz naturel, pousse l’Égypte à multiplier les partenariats avec les acteurs régionaux. Un accord pour raffiner le pétrole koweïti dans les ports égyptiens est en cours de négociations entre le Ministre Tarek el Mollah et la Kuwait Petroleum Corporation.
L’agence de presse iranienne MEHR a même annoncé le 21 juin que l’Égypte allait permettre à l’Iran d’utiliser ses pipelines pour transférer du pétrole et du gaz iranien vers l’Europe.
Le potentiel égyptien ne cesse de croître alors que British Petroleum et Eni ont annoncé la découverte d’un important gisement de gaz à Baltim, qui pourrait se révéler au moins aussi important que celui de Nooros, découvert en 2015 et situé à 10 km de là, et qui produit quelques 65 000 barils par jour. La firme Eni revoit de 20% à la hausse ses prévisions quant aux réserves potentielles du gisement de Shorouk. Ces prévisions contribueront sans doute à booster la production d’hydrocarbures, qui est restée stable entre les années 2015 et 2016.
Électricité
Le secteur électrique égyptien est agité par les annonces gouvernementales et par les flux d’investissements étrangers, toujours plus nombreux. Mohamed Shaker a ainsi annoncé l’exécution du Electricity Act, qui doit séparer la Egyptian Electricity Transmission Company de la Egyptian Electricity Holding Company dans un délai de 5 ans. Cette mesure fait partie d’un grand plan de dérégulation et de privatisation du secteur électrique.
Le secteur se porte bien, et les annonces d’investissements de la part de l’allemand Siemens, du saoudien ACWA, de l’indien Aditya Birla Carbon, du japonais Toyota… sont quasiment quotidiennes.
Le chantier de la centrale électrique à cycle combiné (ou TGV : turbines gaz-vapeur) lancée au mois d’août 2015 à Béni-Soueif est en cours. Le premier lancement de la production d’électricité est attendu pour novembre 2016. Les emplois créés par le chantier sont destinés aux habitants de la région, dans un souci de participer au développement socio-économique local. Ce processus est inspiré de l’expérience de la centrale de Kouraymat, dont 40% des employés sont aujourd’hui issus de la ville éponyme. La taille pharaonique de cette installation s’explique par l’anticipation d’une reprise imminente de l’activité dans le pays. Rappelons que l’élimination des coupures d’électricité compte parmi les directives les plus impératives du Président Abdel Fattah Al-Sissi. Ces incitations se sont traduites par la conclusion de nouveaux projets, la livraison de carburant aux usines, l’achèvement des projets arrêtés et l’assouplissement des législations jugées trop rigides pour encourager les investissements étrangers.
Un projet de connexion du réseau électrique égyptien au réseau saoudien est en cours de négociation et devrait commencer en 2019. Ce projet devrait bénéficier aux deux pays, ces derniers connaissant leur pic de consommation annuel à des moments différents. L’Égypte fait face à de nombreux problèmes d’infrastructures qui provoquent des coupures de courant très fréquentes en Haute-Égypte et dans les gouvernorats de la mer Rouge.
Saluons aussi l’initiative du Ministère de l’Électricité, qui a lancé en juin une campagne publicitaire sur trois ans afin d’inciter les égyptiens à limiter leur consommation d’électricité, et à adopter un comportement responsable pour aider le gouvernement à résoudre la crise énergétique.
Agriculture
Retour sur un mois de juin agité autour de la question du blé
Alors que l’objectif de production de 4 millions de tonnes de blé égyptien a été dépassé, le gouvernement a continué d’acheter du blé aux producteurs. Selon une déclaration du ministère de l’Agriculture, le gouvernement devrait acheter tout le blé local jusqu’à mi-juin environ. Des spécialistes se sont cependant étonnés de la capacité de stockage de l’Égypte et soupçonnent un scandale de corruption. A la fin de la saison de la moisson, le Ministère avait annoncé avoir récolté 4,8 millions de tonnes (moins que les 5,3 millions de l’année précédente). C’est seulement le 17 juin que le scandale éclate : le Ministère révèle un scandale de corruption et un état d’urgence est proclamé pour tous les silos du pays après la découverte d’une grande différence entre la quantité de blé facturée et celle effectivement présente dans les silos. Cette différence atteindrait un million de tonnes et elle serait due à un défaut technique dans le comptage du grain, estime le ministre de la Production, Khaled Hanafy, qui annonce avoir minimisé la corruption en payant directement 14 milliards EGP aux producteurs de blé.
Par ailleurs, la politique égyptienne d’achat de blé reste peu transparente, comme l’a également démontré la « saga de l’ergot de blé », selon les termes utilisés par les médias égyptiens. Le 8 juin, l’Autorité pour la quarantaine a refusé 70 000 tonnes de blé importé sous prétexte que les risques de contamination à l’ergot de blé, pourtant de 0,05%, étaient trop élevés. Ces exigences apparaissent irréalistes et risquent de compliquer l’importation et de faire monter les prix, d’après le journal Bloomberg. Le blé, et surtout le pain baladi, sont parmi les denrées les plus subventionnées : ce dernier est vendu à 16,1% de sa valeur de production, d’après Al Borsa. Le 22 juin, le Premier Ministre a finalement mis fin à la controverse en autorisant les importations, avec un risque de contamination égal à 0,05%, conformément aux standards internationaux.
Le secteur du coton égyptien est, de son côté, en souffrance en raison des fluctuations importantes du prix sur le marché international et de la concurrence avec le coton étranger à bas coût, non compensée par des subventions gouvernementales. La masse de coton produite a chuté de 94 500 à 56 700 tonnes de 2015 à 2016. Le porte-parole de Ministère de l’agriculture, Mr. Eid Hawash, déclare vouloir donner au marché du coton égyptien une nouvelle impulsion en offrant des graines de bonne qualité aux agriculteurs (“longues fibres”) afin de sauver le secteur.
Enfin, la pénurie de riz a des effets dévastateurs en Égypte : les agriculteurs, attirés par la hausse des prix causée par la pénurie, augmentent illégalement leur surface de culture de riz, passant de 700 000 feddans à 1,2 million de feddans. D’après Al Borsa, 60% des cultures de riz sont illégales. La culture irriguée du riz est l’une des principales responsables de la pénurie d’eau qui se fait sentir dans tout le secteur agricole.
X. T. et N. H.