Environnement
A l’issue de la 6ème conférence ministérielle africaine sur l’environnement (AMCEN), la société civile et une partie de la presse ont alerté de l’urgence environnementale égyptienne : la hausse des températures, la raréfaction de l’eau, et l’aggravation de la pollution promettent à l’Egypte de sombres perspectives. Néanmoins, ils remettent surtout en cause le manque d’ambition du gouvernement dans sa politique environnementale : le ministre de l’environnement Khaled Fahmy s’étant prononcé, à son retour de la conférence COP21, plus pour une stratégie d’adaptation que de limitation des émissions. La société civile déplore le fait de ne pas être assez impliquée dans la politique énergétique et environnementale, alors que des secteurs innovants comme la production d’énergie à base de déchets pourraient devenir des secteurs de pointe et embaucher de nombreux jeunes. La décision de se tourner en partie vers l’énergie nucléaire est fortement critiquée, cette dernière étant particulièrement gourmande en eau. Pourtant, certaines initiatives du ministère vont dans le bon sens, comme en témoigne l’annonce du ministre de l’environnement de mettre un quota minimum obligatoire de 44% d’énergie à base de déchets d’ici à 2020 pour les cimenteries afin de réduire leurs dépendances en énergies fossiles.
Eau : une lente prise de conscience ?
Les enjeux égyptiens sur la question de l’eau sont doubles : d’une part assurer une quantité suffisante et de l’autre une meilleure qualité. L’augmentation des besoins (parallèle à l’augmentation démographique) et la raréfaction de la ressource amènent Richard Tutwiler, expert en eau à l’université du Caire, à dire que la situation égyptienne est comme “un accident de train en slow-motion”. Le ministère de l’irrigation a, quant à lui, annoncé le 12 mai que les crues du Nil n’avaient jamais été aussi peu abondantes que cette année. Le gouvernement estime devoir utiliser les réserves stratégiques du Haut Barrage si la tendance se confirme. De plus en plus, l’urgence d’une modernisation agricole se fait sentir. Une réévaluation des techniques agricoles et d’irrigations permettrait en effet d’obtenir un meilleur rendement, d’agrandir l’espace arable et de réduire la consommation d’eau, comme le montre l’étude d’Egypt Independent.
Le gouvernement se mobilise sur la scène internationale autour des enjeux de l’eau : à l’issue de la 4ème conférence régionale africaine sur la commission internationale d’irrigation et de drainage en Egypte, le Caire et New Delhi ont signé un mémorandum de recherche et de coopération dans le domaine de l’irrigation. Une collaboration est envisagée pour le développement d’une centaine de puits permettant d’accéder aux nappes phréatiques.
De plus, lors de la 3ème session de la conférence islamique interministérielle sur l’eau à Istanbul les 17 et 18 mai, l’Egypte a obtenu un siège pour deux ans dans le comité de l’eau de l’Organisation de la Coopération Islamique. Enfin, alors que l’entreprise exploitant les sources de Siwa annonce qu’elle va doubler sa production, passant ainsi à 9 millions de bouteilles par mois, Nestlé et ses filiales Baraka, Pure Life et Aquafina sont accusées par le ministère de la santé et la haute commission pour le contrôle alimentaire de commercialiser des bouteilles d’eau impropres à la consommation. Les bouteilles concernées ont été produites en mars 2016 à partir de captages de sources égyptiennes, et contiennent un taux anormal de bactéries.
Agriculture
Le président Abdel Fattah el Sissi a inauguré le 25 avril, jour anniversaire de la libération du Sinaï, cent-cinq nouveaux shounas (installations de stockages de grain) ainsi que dix-sept silos, a annoncé le Ministre Khaled Hanafy. Ces nouvelles installations développées par la firme Blumberg et l’autorité du génie des forces militaires doivent permettre d’économiser 25% des récoltes grâce à de meilleures conditions de stockage. A cette occasion, le président a également annoncé son intention de combattre l’inflation des prix de produits de premières nécessités aux côtés des plus démunis. Il a annoncé l’extension de la carte de ravitaillement pour le pain en juin, permettant à un plus grand nombre d’égyptiens nécessiteux de bénéficier des subventions. Blumberg a, elle, annoncé le 28 avril le lancement de la phase 2 du plan agricole qui prévoit la construction de 300 shounas avant la récolte de 2018 pour un budget de 120 millions de dollars (USD).
Ces annonces arrivent à point nommé alors que le ministère de l’agriculture a annoncé avoir acheté 3,25 millions de tonnes de blé égyptien depuis le début de la période de récolte, qui a débuté le 15 avril. Cette opération ne se fait pas sans scandale : les agriculteurs après avoir estimé être sous-payés, accusent le gouvernement de n’avoir en fait versé qu’une partie de l’argent pour l’achat des 4 millions de tonnes de blé égyptiens prévues pour la saison 2016. Ali Rabab, président du syndicat des agriculteurs annonce n’avoir reçu que 1,3 des 9 milliards EGP prévus.
Le Ministère de l’agriculture et le Ministère de l’approvisionnement se rejettent la faute à tour de rôle d’avoir mal géré l’achat du blé égyptien et d’avoir notamment confondu du blé importé taxé et du blé égyptien subventionné. Le ministère de l’agriculture a même affirmé le 2 mai avoir pris en flagrant délit des employés du ministère de l’approvisionnement en train de transporter du grain importé du port de Damiette vers les silos pour grains égyptiens. Le Premier ministre Sherif Ismail a ordonné au ministère des finances le déblocage d’urgence d’un milliard de livres égyptiennes pour payer les agriculteurs, pour réparer la faute des ministères de l’Agriculture et de l’approvisionnement, mettant fin au scandale et renvoyant les ministres dos à dos.
Une délégation bahreïnie a été reçue par le président Al Sissi pour signer des accords de coopérations bilatérales qui comprennent notamment la participation du royaume à hauteur de 5 000 feddans dans le projet d’irrigation de 1,5 million de feddans. Le projet devrait nécessiter plus de deux millions de mètres cubes d’eau par an dans un pays qui voit ses ressources en eau diminuer. Le président multiplie la communication sur le besoin d’irrigation, alors que le 4 mai à l’Oasis de Sahl Baraka al Farafra, des agriculteurs se plaignaient des coupures d’eau qui ont duré vingt jours à Daqahlia et à Hafir Sehabeddin, ruinant plus de 10,000 feddans de culture. De son côté, le ministre de l’agriculture a signé un accord de coopération sur le commerce et la production de blé avec l’ambassadeur bulgare.
Le gouvernement égyptien a également annoncé le 9 mai les prix du coton (1250 EGP pour 160kg, soit une légère baisse par rapport à l’année précédente) et du maïs (2100 EGP pour une tonne).
Le secteur rizicole est en émulation, alors que les experts internationaux prévoient une crise de la production à cause d’El Nino, provoquant une hausse des prix. Les égyptiens consomment en moyenne 44 kg de riz par personne et par an. Pour répondre à la demande, l’entreprise publique GASC a annoncé importer immédiatement 80 000 tonnes de riz avant le Ramadan. Par ailleurs, le ministère de l’approvisionnement essaye de faire pression sur les traders pour maintenir les prix du riz autour de 4,5 EGP par kg, les prix ayant doublé récemment.
Tareq Qabil, ministre du commerce et de l’industrie a déclaré le 6 mai à la Food Africa Exhibition au Caire que les exportations agricoles égyptiennes avaient augmenté de 5,4% par rapport à la même période en 2015, atteignant une valeur de 720 millions USD.
Hydrocarbures
Le secteur des hydrocarbures égyptien est en pleine effervescence depuis la découverte des gisements Leviathan au large des côtes israéliennes et Zohr au large de l’Egypte. Cette dernière compte bien devenir le leader régional pour la liquéfaction. Le pays s’est récemment vu classé au 16ème rang de réserves mondiales et au 15ème rang de producteur de gaz. L’Egypte et Israël sont en désaccord total quand à leur légitimité respective pour exploiter le gisement Leviathan. Les américains essayent de dissuader Israël de recourir à un arbitrage international : le 7 mai Yuval Steinitz, ministre israélien de l’énergie, a annoncé qu’une proposition avait été faite pour relancer les négociations d’exportation de gaz vers l’Egypte et la Turquie. Les analyses sismiques du gisement Zohr sont très prometteuses et la firme Edison commencera un forage d’exploration fin 2016. Charles Ellinas, expert en énergie, estime que l’Egypte pourra doubler sa production de gaz en 2019-2020, ce qui devrait non seulement couvrir la demande intérieure mais aussi augmenter les exportations.
Cependant le secteur est encore loin d’être florissant : EGAS annonce le risque d’une pénurie de gaz pour les industries durant l’été alors que les subventions du prix du gaz pour les industries égyptiennes n’ont pas été reconduites. La production de gaz égyptien a baissé depuis 2015, tout comme les investissements dans le secteur, comme le déplore Tarek el Molla, Ministre du Pétrole. Malgré l’annonce de onze nouveaux puits de pétrole dans le désert occidental et à Suez et en dépit de la légère hausse des prix suite à l’incendie canadien, le secteur du pétrole égyptien souffre beaucoup de la crise mondiale. Cela explique une annonce pour le moins déconcertante : Al-Sissi a réuni fin avril le ministre du pétrole et de l’électricité pour développer le secteur de la géothermie et lancer des études de faisabilité dans différents sites.
Electricité & Nucléaire
Les investissements étrangers dans le secteur électrique égyptien ne se comptent plus : Masdar à Abu Dhabi doit fournir 7 000 systèmes photovoltaïques individuels ; MidalCables au Bahreïn a signé un contrat de 30 millions USD pour ouvrir une usine de production de câbles électriques en Egypte ; l’allemand Siemens installe des turbines à Beni Suef et un parc éolien à Suez ; le français GDF Suez investit près de 500 millions USD en ouvrant un nouveau bureau au Caire.
Le domaine bancaire aussi s’intéresse de très près au secteur électrique égyptien : la banque EFG Hermes a annoncé vouloir augmenter ses investissements dans le secteur des énergies renouvelables, de 730 millions à 2 milliards d’euros.
La part de tous ces investissements dans le secteur du renouvelable est très encourageant et témoigne d’une réelle volonté de la part du gouvernement de se lancer dans une politique énergétique durable. Mohammad Al Assar, ministre de la production militaire, a annoncé le 9 mai, en marge d’une conférence sur l’énergie et le développement durable, une coopération avec l’Allemagne, la Chine, la Russie et la Corée du Sud pour construire une des centrales électriques solaires et éoliennes. Cette annonce s’inscrit dans une véritable stratégie pour l’énergie renouvelable en Egypte, comme l’explique le ministre de l’électricité Mohammed Shaker : d’ici 2030, 25% de la production électrique égyptienne sera renouvelable, un pari d’autant plus audacieux que la demande domestique ne cesse d’augmenter. Le plan consiste en une libéralisation du secteur de l’énergie qui faciliterait les investissements et boosterait l’efficacité de la production, estime le ministre.
De son côté, le Président Sissi a inauguré des centrales électriques à tour de bras : une à Assiut, une dans le nord de Gizeh et sept autres dans le reste du pays. Il a également signé un décret acceptant un prêt russe de 25 milliard US$ pour la construction d’une centrale nucléaire dernière génération à Daba’a, qui engage l’Egypte sur vingt-deux ans à rembourser à un intérêt de 3%.
X.T.