Grève médias
Durant 4 jours, début janvier, des milliers de salariés des médias d’État ont manifesté dans l’immeuble de Maspero, le siège de l’Union de la radio et de la télévision égyptienne, pour protester contre les conditions de travail, les bas salaires et les années de retard dans le paiement des primes. De nouvelles mesures régissant les heures de travail, désormais fixes alors qu’elles étaient plus flexibles auparavant sont à l’origine de la colère des employés. Depuis des années, ces derniers ont en effet compensé les bas salaires avec un second travail, grâce à des horaires flexibles.
Après l’approbation par le Conseil des Ministres du versement de 60 millions d’EGP pour financer les arriérés de salaire, les manifestations ont repris mi-janvier, exigeant de l’Autorité nationale de radiodiffusion le paiement intégral d’années de salaires, de primes, de retraites et d’autres droits financiers en retard. L’Autorité nationale de radiodiffusion a jusqu’à présent accepté de payer les primes en retard pour 2017 et 2018, et pour un mois de 2019, ainsi que de verser des primes de fin de service d’une valeur d’environ 150 mois de salaires à ceux qui ont cessé de travailler à Maspero depuis le début de 2019, en plus des indemnités de départ pour ceux qui ont pris leur retraite en novembre et décembre 2018 et qui n’ont pas encore reçu leur dû. Alors que l’Autorité a accepté de verser entre 800 et 1000 EGP aux salariées, environ 14 000 EGP par personne restent à payer pour couvrir toutes les primes en retard et paiements incitatifs.
Jeunesse et « vie décente »
Mi-Janvier s’est déroulée à Sharm el Sheikh la 4 ème édition du World Youth Forum, un forum mondial de la jeunesse lancé à la l’initiative du Président al-Sissi. L’objectif affiché du Forum est de promouvoir le dialogue et de discuter des problématiques liées au développement. Cette année, des thématiques comme la vie post-covid, le changement climatique, la sécurité sociale, l’entrepreneuriat, les droits de l’homme, la technologie et la 5G, la transformation numérique, l’enseignement à distance, l’environnement et l’avenir de l’énergie ont été abordées, et une simulation du Conseil des droits de l’Homme des Nations-Unies a été expérimentée. Le Président al-Sissi a annoncé lors d’une session du Forum que le gouvernement avait lancé un programme de protection sociale similaire à l’initiative « Vie décente », ou « Hayah Karima ». Ce dernier est un programme de protection sociale qui a été mis en place en 2019, suite à la conférence annuelle du World Youth Forum, pour lutter contre la pauvreté dans les zones rurales, et dont les réalisations ont par ailleurs été exposées la veille de l’ouverture du Forum 2022. Le nouveau programme n’a pas été détaillé, mais il coûterait entre 600 et 700 milliards d’EGP, et vise également à réduire la pauvreté qui a augmenté, notamment depuis la pandémie de Coronavirus.
Fin janvier, à l’occasion des célébrations du 70ème anniversaire du Jour de la Police, al-Sissi a eu l’occasion de s’exprimer sur le sacrifice des policiers pour l’État, assurant que le martyre des héros de la police a ouvert la voie à la « demandée par les Égyptiens durant la révolution du 25 janvier, liant ainsi la révolution au programme gouvernemental « Hayah Karima ». La tonalité de ce discours diffère des propos tenus par le Président en septembre dernier lors du lancement de la Stratégie pour les droits de l’homme, durant lequel il a qualifié la révolution de « certificat de décès pour l’État égyptien ».
Année de la société civile ?
Alors qu’à l’occasion du Forum de la jeunesse le Président a rappelé que l’année 2022 était celle de « l’année de la société civile » et a encouragé à établir une plateforme de discussion entre le gouvernement égyptien et les organisations civiles et internationales à l’issue du Forum, le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme a annoncé la suspension de ses activités, après 18 ans de travail. D’après Mada Masr, le Directeur du réseau Gamal Eid a été informé de façon officieuse par des employés du Ministère des solidarités que l’organisation ne serait pas enregistrée comme ONG – suite à la nouvelle réglementation des ONG publiée en janvier 2021- à moins qu’elle ne change de nom et cesse de traiter des droits de l’homme en prison et de thématiques comme la liberté d’expression. Par ailleurs, Gamal Eid est toujours interdit de voyager et ses avoirs sont toujours gelés, suite à son implication dans « l’affaire des ONG ». Si 100 ONG ont été enfin retirées de l’affaire l’année dernière, l’ANHRI n’a toujours pas été blanchi.
Par ailleurs, Saeed Abdel Hafez, membre du nouveau Conseil national pour les droits de l’homme, a affirmé que la société civile devait travailler en collaboration l’État et jouer un rôle de médiation entre ce dernier et les citoyens, estimant que 90% des demandes d’enregistrement d’associations ont été approuvées d’après la nouvelle réglementation, et fustigeant les quelques « 10 associations » qui désireraient travailler indépendamment.
De nouvelles libérations
Le fondateur du mouvement Boycott Désinvestissement Sanction (BDS) en Égypte, Ramy Shaath a finalement été libéré après avoir passé 2 ans édemis en détention provisoire. Il a néanmoins été contraint de renoncer à sa nationalité égyptienne afin d’être libéré. Après avoir été déporté à Amman, il a finalement atterri à Paris. Shaath avait été accusé d’appartenance à un groupe terroriste et de divulgation de fausses informations, sans jamais avoir été inculpé officiellement. D’après Shaath, son arrestation serait entre autres liée à son opposition au « Deal du siècle », le plan de Donald Trump visant à résoudre le conflit israélo-palestinien.
En réaction aux interviews données par Ramy Shaath dans les médias depuis sa libération et à son témoignage devant le Parlement Européen, le ministère de l’Intérieur a réagi sur les réseaux sociaux, qualifiant l’activiste d’agitateur, et estimant qu’il avait reçu toutes les visites et les soins médicaux nécessaires durant son temps en détention.
Le militant pour les droits des coptes Ramy Kamel, membre fondateur de l’Union de la jeunesse de Maspero, a également été libéré en janvier, après avoir passé plus de deux années en détention provisoire. Également accusé d’appartenir à un groupe terroriste et de répandre de fausses nouvelles, il aurait été reçu un avertissement des autorités après avoir publié des images de violences sectaires dans le sud de l’Égypte.
Scandales
Début janvier, cinq enseignantes de Mansoura ont été déférées devant parquet administratif pour avoir “dansé à bord d’un bateau du Nil” lors d’un voyage du syndicat des enseignants. Des plaintes ont été déposées après la diffusion d’une vidéo montrant une des enseignantes danser. Le comité ministériel qui a enquêté sur l’affaire a qualifié cet incident « de comportement déshonorant qui insulte le prestige de l’enseignant et le processus éducatif ». Un débat autour de la limitation entre vie privée et vie publique a émergé sur les réseaux sociaux, certains estimant que les professeures n’étaient pas en faute car pas en « service ».
L’affaire a finalement prit une autre tournure, après que le ministère de l’éducation Tarek Shawky soit intervenu personnellement auprès de la professeure qui a été la cible principale de l’affaire pour lui garantir un nouvel emploi dans un école près de chez elle. L’enquête initiale aurait en effet été menée par le directeur de l’éducation du gouvernorat de Daqahlia.
L’encre a également coulé autour de la diffusion de la version arabe sur Netflix du film italien « Perfect Strangers », dans lequel joue, entre autres, l’actrice égyptienne Mona Zaki. Le député Mustafa Bakry a soumis au Président du parlement Hanafy el-Gebaly une déclaration concernant l’aspect moral du film. Le député, qui travaille à un projet de loi visant à criminaliser l’homosexualité, a accusé le film de promouvoir l’homosexualité et l’infidélité. Un avocat a également déclaré vouloir porter plainte contre le ministère de la Culture pour empêcher la diffusion du film. Néanmoins, le Syndicat des acteurs a défendu la liberté de création ainsi que l’actrice Mona Zaki. Le Syndicat a par ailleurs déposé une plainte auprès du Procureur contre le YouTuber Ahmed Wagih qui aurait insulté plusieurs artistes dans une vidéos à propos du film.