Les élections parlementaires
Après le rejet de nombreuses candidatures pour des motifs variés, l’Autorité Nationale Électorale (ANE) a annoncé tardivement la liste des candidats aux prochaines élections parlementaires, qui se dérouleront en deux phases, chacune de deux tours. La première, qui concerne Giza, Fayoum, Beni Suef, Sohag, Minya, Assiout, Nouvelle Vallée, Qena, Louxor, Assouan, la Mer Rouge, Alexandrie, Beheira et Matrouh se déroulera entre le 21 et le 25 octobre. La seconde phase, qui concerne Le Caire, Qalyubia, Daqahlia, Menufiya, Gharbiya, Kafr al-Sheikh, Sharqiya, Damiette, Port Saïd, Ismaïlia, Suez, le Nord et le Sud Sinaï se déroulera entre les 4 et 8 novembre. Les seconds tours auront lieu entre le 21 et le 25 novembre pour la phase 1, et entre les 5 et 8 décembre pour la phase 2.
Suite aux amendements votés en juin qui introduisent le scrutin par listes fermées dans le système électoral parlementaire, 284 députés seront désormais élus par listes, et 284 autres seront élus via le traditionnel scrutin uninominal.
Par ailleurs, les circonscriptions électorales ayant été modifiées par une loi votée en août dernier, les candidats qui se présentent sur le scrutin uninominal seront désormais élus dans 143 circonscriptions et non plus 205. Concernant le scrutin par liste, quatre circonscriptions ont été créées : Le Caire et le delta central et du Sud ; le Nord, le Centre et le Sud de la Haute Égypte ; le Delta du Nil oriental ; et le Delta du Nil occidental et Alexandrie. Les listes finalement autorisées à se présenter par l’Autorité Nationale Électorale varient dans les quatre circonscriptions.
Les tractations pour établir les listes, menées entre autres par l’imposant Hizb Mostaqbal Watan (ou « Parti du Futur de la Nation ») avec sa liste Min Agl Misr (« Pour l’Égypte »), ont généré de nombreuses tensions, notamment au sein de certains partis. Ainsi, des dissensions ont secoué l’historique parti Wafd : plusieurs membres du Haut Comité du parti ont demandé à retirer leur parti de la liste Min Agl Misr en protestation contre les 19 sièges alloués au Wafd, contre les 40 garantis. Certains de ces sièges étant, d’après le vice-président du parti Mohamed Abdo, réservés à des candidats qui ne seraient pas du parti. Cette demande de retrait a été déposée auprès de l’Autorité Nationale Électorale alors que le leader du parti Abu Shoka s’y est opposé – sa propre fille étant par ailleurs inscrite sur la liste, parmi les 19 sièges. En conséquence, le Wafd a annoncé la tenue d’élections internes anticipées, et sa participation sur cette liste n’est toujours pas claire.
Une situation similaire s’est produite avec le Parti de la République et du Peuple, pourtant proche du Hizb Mostaqbal Watan, qui a vu seulement 6 de ses candidats être inscrits sur la liste Min Agl Misr.
D’autre part, à l’approche des élections le Hizb Mostaqbal Watan a annoncé qu’il payerait les amendes relatives aux déclarations de constructions informelles actuellement exigées par le gouvernement pour 27 000 familles à faibles revenus. L’homme d’affaires Abou El Enein aurait fait la même offre aux familles de Giza, où il candidate désormais par scrutin uninominal après s’est retiré de la liste Min Agl Misr suite à des désaccords avec le Hizb Mostaqbal Watan, dont il est le Vice-Président de la Commission des affaires parlementaires.
Un avocat a d’ailleurs été arrêté fin septembre pour avoir dénoncé sur les réseaux sociaux l’existence de tractations monétaires pour permettre aux candidats de se présenter. Tarek Gamil est notamment l’avocat d’un des accusés du « crime du Fairmont », une affaire de viol collectif qui secoue l’Égypte depuis plusieurs semaines.
Quant au Sénat fraichement élu, il devrait tenir sa première session le 18 octobre prochain.
Le crime du Fairmont : victimes ou accusés ?
Dans la continuité des révélations d’agressions sexuelles et de harcèlement qui avaient agité l’Égypte en juillet, avec notamment l’affaire Ahmed Bassem Zaki et les nombreuses accusations d’agressions sexuelles qui ont surgit sur les réseaux sociaux, le « crime du Fairmont » a été révélé sur les réseaux sociaux début août.
Parmi les neufs accusés de ce viol collectif, qui aurait eu lieu en février 2014 dans une suite de l’hôtel Fairmont Nile City après une soirée, sept ont tenté de fuir l’Égypte avant que la victime ne porte plainte. Un mandat d’arrêt international a permis l’arrestation et l’extradition de trois d’entre eux, qui s’étaient réfugiés au Liban, tandis que deux autres étaient déjà détenus en Égypte.
L’arrestation de plusieurs témoins fin août a porté un coup fatal aux espoirs d’abord suscités par l’affaire. En effet, la plupart des accusés étant des fils de personnalités puissantes, riches ou célèbres perçus pendant longtemps comme intouchables, le mandat d’arrestation à leur encontre semblait mettre un terme à une forme d’impunité. Les témoins ont été arrêtés, après qu’une campagne de diffamation ait été orchestrée à leur encontre, divulguant notamment leurs données privées sur les réseaux sociaux. Certains d’entre eux ont subis des tests vaginaux et anaux et seraient menacés de poursuites pour « violation des valeurs de la famille égyptienne », « atteinte à l’image de l’Égypte » et « débauche ».
Ces accusations rappellent une histoire récente. Menna Abdel Aziz, une influenceuse sur le réseau social « TikTok », avait été arrêtée en mai pour « abus des réseaux sociaux », « incitation à la débauche et violation des valeurs familiales égyptiennes » après avoir déclaré sur les réseaux sociaux avoir été victime de viol. Cette dernière, qui a finalement été relâchée en septembre, fait partie de la liste grandissante de femmes arrêtées ces derniers mois après avoir publié des vidéos jugées immorales et indécentes sur « TikTok ».
Et le Conseil National pour les Femmes ?
Alors qu’en juillet un projet de loi garantissant la protection de l’identité des victimes d’agressions sexuelles qui portent plainte a été approuvé par le gouvernement, le Conseil National pour les Femmes n’a pas réagi après l’arrestation des témoins. Ce dernier avait pourtant encouragé toutes les victimes d’agressions à porter plainte et à dénoncer toute forme d’intimidation ou de menaces qu’elles pourraient subir, et était à l’origine de la première plainte déposée devant le Procureur dans l’affaire du Fairmont.
Climat de tension
Il est difficile de connaitre l’ampleur des réponses aux appels à manifester, lancés notamment par Mohamed Ali à l’occasion de « l’anniversaire » des manifestations du 20 septembre 2019, mais également en opposition à la campagne de démolition des logements informels. Probablement pour sensibiliser le public aux « fake news », les médias officiels ont publié une vidéo visant à montrer la facilité avec laquelle des images de « fausse » manifestation peuvent circuler. Cependant, plusieurs sources font états de mouvements de contestation, de nombreuses arrestations – notamment d’enfants, finalement relâchés – et d’affrontements avec les forces de l’ordre dans plusieurs gouvernorats.
La mort d’un jeune homme dans un commissariat de Mounib, suivie par celle d’un homme à Louxor, ont augmenté le climat de tension.
Vaccin(s) contre la Covid-19?
6000 personnes sont recrutées en Égypte pour tester deux vaccins en phase 3 d’essai, développés par la société publique chinoise Sinopharm. La Ministre de la Santé, Hala Zayed, s’est notamment portée candidate. Il est prévu que les vaccins soient administrés à des volontaires égyptiens sur une période de deux mois, suivie d’une période de 12 mois de surveillance médicale régulière. Quarante-cinq mille personnes à travers le monde devraient participer à la phase trois des essais de Sinopharm. Les tests effectués en Égypte seront menés sur la base de protocoles expérimentaux réalisés par la société émiratie G42, au passé trouble, chargée de gérer les essais dans la région.
Ces essais seront néanmoins encadrés en Égypte par un Comité national de supervision des essais cliniques. Dirigé par le Dr Mohamed Hassanani, vice-ministre de la santé, le comité comprend également des professeurs du Ministère de la Santé, des membres du service de santé des Forces armées, ainsi que du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, du Ministère de la Justice et de l’Autorité médicale égyptienne. Le contrôle des essais cliniques devrait être défini dans la loi sur les essais cliniques que la Chambre des Représentants a adopté en août dernier, et qui n’est pas encore ratifiée par le Président al-Sissi. En cas de succès, le vaccin sera produit par la société égyptienne VACSERA, la société affiliée au gouvernement qui produit les vaccins en Égypte. En effet, en juillet dernier, l’Égypte a été choisie par la Chine pour servir de pôle africain de production d’un vaccin contre la Covid-19, dans le cas où la Chine parviendrait à le développer.
Parallèlement, la Russie développe le vaccin Spoutnik V – également en phase d’essai 3 – et a ouvert des négociations avec les autorités égyptiennes pour réaliser des essais cliniques en Égypte et pour y développer la production du vaccin en cas de succès.