Coronavirus
La mise en quarantaine complète de certains villages se poursuit en Egypte en raison de l’apparition de clusters de COVID-19. Cette quarantaine consiste en la fermeture de tous les lieux à l’exception des magasins alimentaires et des pharmacies, l’interdiction des déplacements vers et hors des villages sauf pour les travailleurs des secteurs alimentaire et de la santé ainsi que la mise en place d’un cordon autour du village par les forces de l’ordre. En avril, onze villages ont été soumis à cette quarantaine. Le gouvernorat de Daqahlia a mis également 45 maisons dans 14 villages en quarantaine.
Les prières collectives, les rassemblements, les voyages entre gouvernorats ont été suspendus durant Eid al-Fitr et le gouvernement a enjoint les Égyptiens à pratiquer cette fête chez eux. Le couvre-feu a démarré à 17 heures. Un article de Egypt Independent rend compte aussi de ces mesures dans les différents gouvernorats égyptiens.
Après une fermeture pour Eid du 24 au 29 mai, le métro reprend du service à partir du 30 mai. Le gouvernement a annoncé des mesures renforcées dans le métro : port du masque obligatoire, marquage au sol devant les billetteries pour maintenir les distances de sécurité.
Le tourisme domestique a repris sur les côtes de la mer Rouge et en particulier à Hurghada. Le ministère du Tourisme et des Antiquités a annoncé que les hôtels peuvent accueillir les touristes jusqu’à un taux d’occupation de 25 %. A partir du 1er juin, ce taux pourra atteindre 50 %. La réouverture des établissements hôteliers est conditionnée par la détention d’un certificat de sécurité sanitaire : à la mi-mai, dix-huit établissements du Sinaï, de la Mer Rouge ou de Matrouh en disposaient.
Un article évoque les effets bénéfiques du confinement sur la qualité de l’air au Caire : la réduction drastique du trafic routier a permis une diminution de la pollution. L’arrêt des activités n’étant pas une solution soutenable économiquement, d’autres solutions (étendre le réseau de métro par exemple) sont prévues par le gouvernement pour réduire le trafic routier qui représente au Caire trois millions de voitures, bus et camions par jour.
Des villes en mutation dans l’ensemble du pays
Le Caire, du centre à la périphérie
Le Conseil National de la Population a publié quelques chiffres sur la croissance démographique du Grand Caire depuis 1980. L’agglomération comptait à l’époque 7 349 000 habitants, 13 626 000 habitants en 2000, 15 174 000 en 2015 et 20 901 000 en 2020. Les prévisions estiment qu’un quart de la population nationale vivra dans le Grand Caire en 2035, soit environ 30 millions de personnes.
Après plusieurs mois de travaux, la place Tahrir fait enfin peau neuve : les béliers ont été installés, des espaces verts ont été aménagés, les façades des principaux bâtiments ont été ravalées et débarrassées des enseignes publicitaires, elles bénéficient également d’un nouvel éclairage.
La deuxième phase du projet de développement du Triangle de Maspero débute. Les trois tours prévues comprendront des parkings souterrains, des rez-de-chaussée commerciaux et une quinzaine d’étages résidentiels.
Les travaux se poursuivent à New Cairo et dans la Nouvelle Capitale : logements de luxe, logements sociaux, desserte routière des zones résidentielles et industrielles. Le Premier ministre suit les procédures de déplacement des ministères vers la Nouvelle Capitale. Lors du discours d’inauguration du projet « Bashayer Al-Khair 3 » à Alexandrie, le Président Abdel Fattah al-Sissi a assuré qu’il portait attention à toutes les régions du pays, et en particulier que Le Caire n’avait pas été négligé au profit de la Nouvelle Capitale. Il a d’ailleurs inspecté un certain nombre de projets dans la capitale début mai, notamment à Fustat, à Nasr City, à Héliopolis et à Al-Rehab.
Un grand projet pour Alexandrie
Après deux ans et demi de travaux, le Président Abdel Fattah al-Sissi a inauguré la troisième phase du projet « Bashayer Al-Khair » à l’emplacement de l’ancien quartier de bidonvilles de Maawy al-Siadin au Sud-ouest d’Alexandrie, entre la mer et le lac Mariout. Le projet comprend 11 000 logements qui abriteront 53 000 personnes, trois pôles de services accueillant entre autres des établissements scolaires, 2 hôpitaux, 6 mosquées, une église, un centre pour jeunes, un bureau de poste, une zone commerciale et des activités récréatives. Le journal Al Masri al-Youm reprend l’historique du projet qui a débuté en 2015 et qui comprend en tout 8 phases. Ce projet vise notamment à fournir des services divers (électricité, eau courante, gaz, Internet) à une population défavorisée et à résorber l’habitat informel – 40 % des habitants d’Alexandrie vivraient dans ce type de quartiers. Il s’inscrit donc dans une dynamique nationale, puisque fin mai, le ministre du Développement local a annoncé un durcissement législatif vis-à-vis des constructions informelles : la délivrance des licences de construction et d’expansion pour des logements privés est suspendue pour une durée de 6 mois dans les gouvernorats du Grand Caire et d’Alexandrie et dans toutes les grandes villes du pays à l’exception des villes nouvelles.
Habitat : du logement social au complexe de luxe
La construction de logements sociaux se poursuit dans plusieurs villes du pays, notamment à Port-Saïd, à Badr et à 6 Octobre. Les aménageurs prévoient que les futurs habitants trouvent tous les services nécessaires sur place. La ville de Badr accueillera en outre près de 9 000 logements à destination des employés de la Nouvelle Capitale. À New 6 Octobre, 24 888 logements sont prévus. À 10 de Ramadan, des travaux sont en cours pour aménager des voies d’accès entre les grands axes de la ville et les quartiers de logements sociaux en construction. À Medinat Al-Salam, au nord de l’aéroport du Caire, des immeubles sont en construction pour reloger les habitants des quartiers informels. Le Fonds pour le logement social a par ailleurs lancé sa propre page Facebook pour communiquer plus facilement avec les citoyens.
À l’inverse, ce sont des logements de luxe sécurisés avec piscine qui sont en construction à New Damiette dans le cadre du projet « JANNA ». Ce dernier prévoit également des logements à Cheikh Zayed, à 6 Octobre, à Obour, à Shorouk et à New Minya. Les complexes résidentiels de luxes (compounds et gated-communities) ont été au cœur d’une polémique sur les réseaux sociaux au mois de mai suite à la diffusion de la nouvelle publicité du complexe Madinaty au moment de la rupture du jeûne de Ramadan. Les internautes ont souligné le fossé social et culturel et la déconnexion entre ces villes fermées sur elles-mêmes et le reste du pays.
Embellissement des villes
Des travaux sont en cours à New Mansoura pour aménager la Corniche. Une passerelle, des cafés, des pistes cyclables, des espaces verts, des aires de jeux et des points d’accès à Internet sont prévus. À Mansoura également, les autorités encouragent un meilleur entretien de la Corniche. Dans plusieurs villes du gouvernorat de Sharqiyya, notamment Zagazig et Kafr Saqr, places, rues principales et façades sont embellies. Des portes sont prévues aux entrées de ville, des arbres ont été plantés et la présence des marchés dans l’espace public sera régulée. Les autorités souhaitent ainsi rétablir le caractère esthétique et culturel des villes du gouvernorat. Des travaux semblables sont menés à Kafr el-Cheikh.
Transports : vers plus de fluidité. Grands projets et difficultés économiques
Construction d’infrastructures et sécurité routière
L’Égypte est engagée dans un vaste projet de construction de routes (7 000 kilomètres supplémentaires pour 175 milliards de livres). Une route côtière internationale est en cours de développement dans le Nord du pays. L’Égypte aurait gagné 90 places dans le classement mondial pour la qualité de ses axes de transport.
Pour améliorer la sécurité routière, de nouveaux radars automatiques ont été installés sur la route de Suez et sur l’avenue du 26 Juillet. Ils sont capables de détecter les excès de vitesse et le non-port de la ceinture. Une campagne de prévention contre les accidents de la route a aussi été mise en œuvre par le ministère de l’Intérieur.
À Gizeh, la construction de l’autopont de Zumar a fait scandale sur les réseaux sociaux. Il s’emboîte comme des légos au milieu des immeubles non réglementaires, allant jusqu’à toucher certains balcons. Les images impressionnantes ont été rapidement diffusées sur Internet et sur les réseaux sociaux où elles ont été détournées de façon humoristique (memes) et ont même été reprises par les médias étrangers. À terme, les immeubles contrevenants devraient être détruits. Une commission parlementaire a été chargée d’enquêter sur ce projet qui devient un problème public et de définir les conditions d’indemnisation pour les habitants. L’axe de deux fois quatre voies devrait relier le Sud et le Nord de Gizeh, faisant gagner plus d’une heure de temps de trajet.
Encourager le transport fluvial
Le ministre des Transports promeut le développement du transport fluvial afin de diminuer la pression exercée sur les axes routiers. Des projets de ports fluviaux modernes sont à l’étude ainsi que la construction de voies navigables entre Le Caire et Alexandrie et Le Caire et Damiette. Un nouveau système d’information (le River Information System) est mis en place pour assurer la sécurité de la navigation sur le Nil.
Transports intra-urbains
Le ministère des Transports prévoit la mise en place du système BRT (Bus Rapid Transit) sur la Ring Road du Caire. Les travaux porteront le nombre de voies sur le périphérique à 8 et une d’entre elles sera réservée à des bus électriques. Des stations fixes et des parkings seront aménagés. Le ministère est en négociation pour obtenir un prêt de la Banque Mondiale afin de mener à bien ce projet qui s’inscrit dans la volonté de fluidifier le trafic.
Le ministère des Transports étudie également la possibilité d’un ticket unique et d’une carte à puce dans le métro cairote. Ce système devrait éviter les files d’attente dans les stations pour acheter des tickets et faciliter la collecte des revenus liés aux transports par l’État. Par ailleurs, le Parlement a adopté une décision de coopération entre l’Égypte et la Banque européenne d’investissement pour réhabiliter la deuxième ligne de métro et en augmenter la capacité. Le Premier ministre a quant à lui supervisé l’avancement de la troisième ligne de métro.
Les entreprises de VTC (Voiture de Transport avec Chauffeur) sont durement frappées par la crise du Coronavirus. Uber a ainsi licencié 40 % de son personnel égyptien, soit environ 700 employés. Careem a pris des mesures semblables tout en lançant un service de livraison à domicile.
Territoire national : développer et intégrer les marges
Début mai, le président Abdel Fattah al-Sissi a demandé la poursuite des projets de développement du Sinaï. Le gouverneur du Nord-Sinaï annonce que les investissements publics dans les infrastructures (routes, ponts, raccordement électrique) s’élèvent à 600 milliards de livres égyptiennes. L’État souhaite également soutenir le secteur agricole par la construction de maisons et l’attribution de terres à ceux qui voudraient les cultiver. L’usine de désalinisation évoquée dans la revue de presse du mois d’avril permettra notamment d’irriguer ces cultures. Des encouragements à l’investissement industriel, en lien avec les ressources minières de la région, comme des exonérations fiscales, sont aussi prévus. Des projets d’urbanisme sont également en cours dans le Sud-Sinaï. Le ministre du Logement a déclaré qu’entre 2014 et 2020, les villes du Canal et du Sinaï avaient bénéficié d’un plan de 16 milliards de livres pour financer 230 projets de logements.
L’intégration se fait aussi au niveau énergétique, que ce soit au Sinaï, ou à Marsa Alam qui a été reliée pour la première fois au réseau électrique national en mai.
Tourisme : l’Égypte investit dans son patrimoine
À l’occasion de la Journée Internationale des Musées, le CAPMAS a publié quelques chiffres sur les musées d’Égypte en 2019. Ils sont 77 sur tout le territoire, dont plus du tiers dans le gouvernorat du Caire. Les musées régionaux, avec 229 500 visiteurs en 2019 voient une augmentation de 20,4 % de leur fréquentation par rapport à l’année précédente. Le même jour, le Musée National Égyptien de la place Tahrir a été déclaré deuxième musée le plus influent d’Afrique sur Twitter. Les travaux du Grand Musée de Gizeh se poursuivent avec des mesures de précaution. Le transfert des antiquités depuis le musée originel du centre-ville suit également son cours. Le Musée de la Civilisation égyptienne à Fustat se prépare à sa réouverture.
À Louxor, les béliers du temple de Karnak, dont l’état de conservation est jugé médiocre du fait de travaux datant des années 1970, sont en cours de restauration. Ces travaux, présentés par le Conseil Suprême des Antiquités comme le plus important projet de restauration mené depuis 50 ans, devraient s’achever d’ici mi-2021.
La Citadelle de Qait Bey à Alexandrie fait quant à elle l’objet d’aménagements pour la protéger des assauts des vagues et de l’érosion. La première phase des travaux, débutée en août 2018, vient de s’achever avec la construction d’un brise-lames. Les phases suivantes prévoient entre autres l’aménagement des quais et d’une plage de sable.
Environnement
En ce qui concerne la gestion des déchets, la lutte contre les décharges informelles se poursuit, notamment dans le gouvernorat de Menoufeyya où les autorités promeuvent des mesures environnementales et d’hygiène. Suivant l’exemple de Tanta, de nouvelles poubelles ont été installées dans toutes les autres villes du gouvernorat de Gharbeyya.
En Mer Rouge, les associations profitent de l’arrêt des activités touristiques pour vérifier les installations dédiées à la protection des coraux.
Géopolitique des ressources
Le Grand Barrage Ethiopien de la Renaissance
Les négociations entre l’Egypte et l’Ethiopie concernant le barrage sont au point mort depuis mars (voir Revue de presse Villes, mobilités, environnement – avril 2020). Début mai 2020, le ministre égyptien des Affaires Étrangères, Sameh Shoukry, a envoyé une lettre aux Nations Unies détaillant les impasses diplomatiques entre l’Ethiopie et l’Egypte et précisant que le remplissage du barrage pourrait remettre en cause « la sécurité pour l’eau, la sécurité alimentaire et en fait, l’existence même de plus de 100 millions d’Egyptiens, qui dépendent complètement du Nil pour leur conditions de vie ». Cette lettre demande également à ce que la communauté internationale impose à l’Ethiopie de ne pas remplir le barrage sans accord avec l’Egypte. Cette lettre fait partie des tactiques diplomatiques menées de manière unilatérale par l’Egypte et l’Ethiopie, à la suite du retrait de l’Ethiopie des négociations multilatérales (voir Revue de presse Villes, mobilités, environnement – mars 2020).
Le ministre éthiopien de l’Eau, de l’Irrigation et de l’Energie aurait annoncé dans une réunion que la construction du barrage était achevée à 73 %. L’Ethiopie planifie de remplir le barrage en juillet et enjoint l’Egypte a accepté les 18,4 milliards de mètres cubes mais cette dernière refuse un accord bilatéral et partiel. Le gouvernement soudanais poursuit des visites diplomatiques et des réunions à distance (en raison de l’épidémie de coronavirus) avec les parties égyptiennes et éthiopiennes afin de relancer des négociations trilatérales. L’Egypte a annoncé qu’elle souhaitait également relancer ces négociations.
Production de gaz naturel et relation avec la Turquie
Le ministre du Pétrole a annoncé le 21 avril que deux puits entreront en production de gaz : l’un sur le champ gazier de Zohr et l’autre sur celui de Baltim Sud-Ouest, permettant d’augmenter la production égyptienne de gaz de 7,4 %. Ces lancements de sites de production seraient une réponse à la crise économique liée à la pandémie du COVID-19. En effet, l’échec du relancement de la station de liquéfaction de Damietta ainsi que l’arrêt des exportations de gaz par Shell sont dus à une baisse des prix et de la demande de gaz dans le contexte de la pandémie.
Dans un article d’Al-Monitor, ces lancements sont perçus également comme un moyen de garantir les intérêts énergétiques et économiques de l’Egypte en Méditerranée. L’Egypte cherche à étendre sa production de gaz afin de devenir un hub gazier en Méditerranée (voir Revue de presse Villes, mobilités, environnement – février 2020) s’inscrivant ainsi dans une compétition pour les ressources gazières avec la Turquie. Cette dernière revendique des droits énergétiques en particulier dans les eaux chypriotes considérées comme lui appartenant. L’Egypte a signé des accords avec Chypre concernant le partage des eaux de la Méditerranée et a un lien diplomatique régulier avec ce pays. La Turquie a annoncé que tout accord entre pays méditerranéens sans la Turquie ne serait pas reconnu par elle.
Florian Bonnefoi et Laura Monfleur