La lutte contre le coronavirus
Les mesures pour faire face au coronavirus évoluant de jour en jour, nous concluons cette revue de presse avec les dernières informations et annonces disponibles, qui sont susceptibles d’évoluer rapidement.
Quelles sont les mesures prises pour lutter contre le Covid-19 ?
Alors que les premiers cas de personnes infectées par le coronavirus en Égypte sont apparus mi-février, les autorités ont lancé mi-mars une « seconde phase » de mesures visant à limiter la propagation du virus.
Tout d’abord, le 15 mars les écoles et universités ont été fermées, ainsi que les jardins d’enfants. Tous les évènement sportifs ont été annulés, les centres d’apprentissages privés et les cafés de jeux vidéo ont été fermés. Les églises et les mosquées sont également fermées. Ces décisions se sont accompagnées d’une aide gouvernementale de 100 milliards de livres égyptiennes pour lutter contre les impacts économiques causés par le Covid-19.
Les vols internationaux ont été suspendus, mais le trafic aérien interne ainsi que les vols de frets n’ont pas été interrompus.
Couvre-feu partiel
Un couvre-feu partiel a été décrété le 25 mars, interdisant tout mouvement sur les axes principaux entre 19h et 6 heures du matin (il a depuis été repoussé à 20h). Tous les magasins doivent désormais fermer de 15h jusqu’à 6h du matin, avec une fermeture totale les week-ends. Les boulangeries, supermarchés, épiceries et pharmacies sont exemptées de cette mesure. Les bars, cafés, casinos, boites de nuit et restaurants sont totalement fermés, mais les livraisons sont autorisées. Tous les clubs de sports et salles de gym sont fermés. Les services gouvernementaux comme le renouvellement de licence ou les actes de notariats sont suspendus. Des amendes allant jusqu’à 4000 EGP et des peines de prisons peuvent être appliqués en cas de violation de ces mesures. Le couvre-feu a été prolongé le 8 avril pour deux nouvelles semaines. Des interrogations substituent quant à l’évolution de ce couvre-feu, alors que les festivités du mois de Ramadan commencent le 23 avril. Il est prévu que les mosquées restent fermées et que les « tables de charité » soit interdites durant ce mois.
Une troisième phase ?
Une « phase 3 » devait être lancée après que le palier d’un millier de personnes contaminées par le virus soit atteint, le ministère de la santé estimant qu’une fois ce stade franchi, l’épidémie deviendrait incontrôlable. Cette phase aurait notamment compris un couvre-feu total et une quarantaine dans tous les gouvernorats ; les écoles auraient été utilisées comme zones de quarantaines.
Néanmoins, à l’heure où l’Égypte a atteint plus de 3000 cas de contaminations à la mi-avril, cette phase n’a pas été lancée, et le couvre-feu partiel débute désormais à 20h au lieu de 19h. Ceci peut être partiellement expliqué par la pression exercée par certains hommes d’affaires, qui ont appelé à lever les restrictions de mouvement et de travail afin d’éviter « une banqueroute » qui serait à leurs yeux plus fatale que le virus.
Des mises en quarantaine ciblées
Les gouvernorats touristiques de la Mer Rouge, d’Aswan, de Louxor et du Sud-Sinaï ont été placés en quarantaine mi-mars, dans le but d’isoler ces zones à risques du reste du pays, marquant ainsi un arrêt du tourisme domestique. D’autres mises en quarantaines ciblées ont également été déclarées dans plusieurs villages et grosses bourgades (notamment Al Moatamadeyah dans le gouvernorat de Giza, Mit Badr Halawa dans le gouvernorat de Daqahlia, Ezzbet Abo Rabie dans le gouvernorat d’Ismaïlia, Beni Mazar dans le gouvernorat de Minya, et le village d’Al-Hayatem dans le gouvernorat de Gharbia où des manifestations ont d’ailleurs eu lieu contre la mise en quarantaine) après que des habitants aient été testés positifs au virus. Des familles ont également été placées en quarantaine dans les gouvernorats de Daqahlia, et à Assiout après que certains de leurs membres aient été testés positifs, ainsi que des immeubles entiers à Port-Saïd. Les travailleurs de l’usine de filature et de tissage à al-Mahalla al Koubra dans le gouvernorat de Gharbiya ont été exhortés à s’auto-confiner jusqu’à début avril, après que deux habitant du village voisin aient été testés positifs au virus.
Tracer les malades
La stratégie employée par l’Égypte a d’abord été celle du traçage des personnes infectées. Des personnes de retour de pays infectés ont été également approchés par le Ministère de la Santé pour suivre l’évolution de leur état sanitaire. Par ailleurs, le Président al-Sissi lui-même aurait été placé en quarantaine après avoir été en contact avec le Général Shafea Dawoud, décédé fin mars du Covid-19. Un second Général de l’armée, Khaled Shaltout, est également décédé du coronavirus.
Parallèlement, le Ministère de la Santé a lancé une application pour tracer les cas de Covid-19. Sur cet outil, les utilisateurs renseignent leurs coordonnées, leurs historiques de voyages, ainsi que toutes visites dans des zones avec des cas confirmés de coronavirus. Leurs données de localisation sont également accessibles. Cette application vise également à désengorger les hotlines du ministère de la Santé mise en place pour répondre aux questions concernant le virus.
Quelles mesures économiques ?
Soutien aux entreprises et au secteur touristique
Les autorités ont annoncé des mesures mi-mars afin de soutenir les industries et les entreprises pendant la pandémie. Il a notamment été décider de réduire le prix du gaz naturel et de l’électricité fournis aux industries. Une aide d’un milliard d’EGP (environ 63 milliards de dollars) pour couvrir une partie des cotisations payées par les entreprises exportatrices en mars et avril a été annoncée par le gouvernement. Une autre série de mesures est venue renforcer ce soutien début avril: l’État va payer 30% des cotisations des exportateurs au Fonds de soutien aux exportations, soit environ 5 millions d’EGP pour chaque exportateur.
Ces mesures comprennent également le report du payement des taxes foncières des usines et des installations touristiques de trois mois. Les entreprises affectées par le coronavirus ont également un délai de deux mois pour payer leurs taxes. Le payement de taxes recommencera fin juin et sera réparti en trois étapes, sans frais de retard.
Des aides ont également été mises en place pour soutenir le secteur touristique, particulièrement touché par la crise sanitaire. La Banque Centrale d’Égypte a incité les banques à accorder des crédits spéciaux aux hôtels et installations touristiques avec un plan de remboursement sur deux ans, et a accordé aux entreprises touristiques un délai de 6 mois sur leurs remboursements de prêts déjà en cours. Le ministère du tourisme a également annoncé un soutien aux travailleurs de ce secteur en couvrant leurs salaires, alors que les pertes dans ce domaine sont estimées autour de 1,5 milliards de dollars. Un prêt remboursable sur deux ans a été accordé aux compagnies aériennes.
Soutien aux travailleurs du secteur informel
Le ministère de la main d’œuvre a également mis en place une plateforme d’enregistrement pour les travailleurs du secteur informel, afin qu’ils bénéficient d’une aide monétaire. 1,5 million de travailleurs vont recevoir 500 EGP (30€), grâce à l’obtention d’une carte de retrait. Le lieu de retrait de l’argent est communiqué par SMS, afin d’éviter l’encombrement des bureaux de poste. Ce payement sera renouvelé les trois prochains mois.
Restrictions des retraits bancaires
Début avril, la Banque centrale d’Égypte a annoncé une limitation des retraits d’argent liquide dans les banques afin d’éviter une inflation. La limite quotidienne de retrait est de 10 000 EGP (635 dollars) pour les individus et de 50 000 EGP pour les entreprises. Les entreprises sont exemptées des limites de retrait si l’argent est utilisé pour payer les employés. La banque centrale a également limité les retraits et les dépôts quotidiens dans les distributeurs automatiques à 5 000 EGP.
Personnel médical et infections dans les hôpitaux
Après l’infection d’une vingtaine de membres du personnel hospitalier de l’Institut national de cancérologie ainsi que de nombreux médecins dans plusieurs hôpitaux du pays, le syndicats des médecins a appelé les autorités à délivrer des tests pour tous les travailleurs médicaux. Le syndicat a également dénoncé le manque d’équipements de protection, ce qui a été réfuté par le gouvernement.
Après de nombreuses dénonciations sur leurs conditions de travail, les primes de risque attribuées au personnel médical vont enfin être augmentés. Le syndicat des médecins a annoncé que les familles de médecins qui décèdent du Covid-19 recevront une compensation de 100 000 EGP, et 20 000 EGP seront distribués aux médecins qui sont contaminés par le virus.
Campagne contre les fake news
Une campagne a été lancée par les autorités pour éviter la propagation de rumeurs et de fausses informations sur le coronavirus. Diffuser de fausses informations sur le coronavirus est désormais passible de deux ans de prison, et d’une amende allant jusqu’à 300 000 EGP.
Une journaliste britannique a été expulsée du pays après avoir publié dans un article pour The Guardian les résultats d’une enquête scientifique canadienne qui estimait 6 000 cas minimum de contamination en Égypte début mars, alors que les chiffres officiels de l’époque faisaient état de 3 cas seulement. Trois individus ont également été arrêtés mi-mars, accusés de répandre de fausses informations sur le nombre de personnes contaminées en Égypte sur les réseaux sociaux.
Des mesures punitives ont également été prononcées à l’encontre de sites internet, d’un show télévisé et de pages sur les réseaux sociaux, accusés de désinformation sur la pandémie du Covid-19. Deux sites internet ont également été bloqués. La chaine télévisée Al-Nahar qui a diffusé les conseils d’un médecin concernant une recette miracle contre le coronavirus, le« shalawlaw », s’est vue adresser un avertissement par le Conseil Suprême de Régulation des Médias.
Appels à libérer les prisonniers de conscience
Comme dans d’autres pays, les visites en prison sont interdites depuis la mi-mars. Face au risque de diffusion du Covid 19, des groupes de défenses des droits de l’homme ont publié de nombreux appels à libérer les prisonniers de conscience et les accusés en pré-détention. Des proches du prisonnier politique Alaa Abdel Fatah ont également manifesté pour les mêmes raisons, avant d’être détenues par les autorités puis relâchées. 15 opposants politiques qui étaient placés en pré-détention ont été depuis libérés, bien que le lien entre cette décision et les appels ne soit pas clair.