Le coronavirus en Égypte ?
Rapatriement d’étudiants égyptiens de la province du Wuhan
Comme dans le reste du monde, la peur face aux dangers présentés par la pandémie du coronavirus agite l’Égypte. Environ 350 étudiants égyptiens et leurs familles ont été rapatriés de la province chinoise du Wuhan début février. Ils ont été transférés par les autorités égyptiennes pendant 15 jours dans un centre de quarantaine à Marsa Matrouh, afin d’éviter un risque de potentielle infection. Aucun cas n’a finalement été détecté parmi les rapatriés.
Tensions entre le Syndicat des médecins et le Ministère de la Santé
Un membre du syndicat des médecins aurait rapporté que le staff envoyé sur le site de Marsa Matrouh n’avait pas été suffisamment formé pour diagnostiquer l’infection au virus, et que certains n’auraient pas été informés des raisons pour lesquels étaient envoyés sur le site. Ces accusations interviennent dans un contexte tendu entre le syndicat des médecins et le Ministère de la santé. En effet, mi-janvier un accident de bus ayant couté la vie à trois jeunes diplômées en médecine avait fait scandale, les victimes ayant été poussées à se rendre de toute urgence au Caire pour une formation, sous peine de renvoi de leur Université. Le Syndicat des médecins avait annoncé qu’il attenterait une action contre le Ministère de la Santé pour demander une indemnisation pour les victimes et leurs familles.
En réaction aux accusations professées par le syndicat concernant la gestion de la mise en quarantaine par les autorités, le Ministère de la Santé a déposé une plainte contre le syndicat auprès du Procureur Général, l’accusant de perturber la sécurité publique en fabriquant des rumeurs et des crises qui auraient pour conséquence un gaspillage des fonds publics. Le ministère a également reproché au syndicat de chercher à retourner l’opinion publique contre lui, en poussant les médecins à s’abstenir de travailler dans les services de quarantaine des coronavirus.
Premières rumeurs de coronavirus en Égypte
Après qu’un premier cas d’infection du coronavirus a finalement été annoncé en Égypte mi-février, des rumeurs continues ont agité le pays, notamment la diffusion du virus dans les écoles ou encore dans un centre commercial. Certains médias ont été jusqu’à accuser les Frères musulmans d’être à l’origine de ces rumeurs pour déstabiliser le pays. Le Conseil Suprême de Régulation des médias a émis 11 avertissements à l’égard de 16 sites web et pages de médias sociaux après la diffusion de présumées fake news sur la propagation du virus en Égypte. Le Conseil Suprême a rappelé aux différents médias et réseaux sociaux la nécessité de respecter les données officielles publiées par le Ministère de la Santé.
Des touristes infectés ?
Plusieurs cas ont ensuite été détectés après un séjour en Égypte, notamment des touristes français et canadiens. Il n’apparait pas encore clairement si la contamination a eu lieu sur le sol égyptien, ou lors du voyage de retour, les autorités égyptiennes effectuant un contrôle d’entrée seulement sur les personnes en provenance de pays fortement infectés, tels la Chine, l’Iran, l’Italie et la Corée du Sud.
La réaction des autorités
Malgré ces doutes, les autorités ont affirmé qu’il n’y avait plus de coronavirus en Égypte après que le premier patient infecté soit rétabli. Quelques jours plus tard, début mars, le Ministère de la Santé a annoncé conjointement avec l’Organisation Mondiale de la Santé la détection d’un deuxième cas d’infection au virus. Les autorités ont lancé début mars un site web pour informer les citoyens sur le virus et les mesures à prendre pour empêcher sa propagation, et un comité spécial sous l’égide du 1er ministre a été créé spécialement pour mettre en place des mesures.
Malgré le faible nombre officiel de contamination, ce dossier représente plusieurs enjeux pour les autorités égyptiennes. Tout d’abord, une crainte que la diffusion du virus fasse chuter le tourisme, activité longtemps en crise qui connaissait dernièrement une certaine reprise.
Des critiques internes ont également émergé sur la gestion de la crise par les autorités, notamment de la part de Magdy Morshid, membre du Comité sur la Santé du Parlement, dénonçant le fait que mesures de contrôles à l’aéroport se soient essentiellement concentrés sur les voyageurs asiatiques. D’autres critiques ont porté sur le manque de contrôles à l’aéroport, notamment rapportés par la députée Inas Abdel Halim après un retour de voyage.
En réaction à ce qui est présenté comme un manque de vigilance, certains pays ont restreint leurs relations avec l’Égypte, comme le Koweït qui a suspendu ses visas pour les Égyptiens, et le Qatar qui a interdit l’entrée sur son territoire aux citoyens égyptiens. Par ailleurs, l’Arabie Saoudite a également annoncé la suspension des vols et des visas pour les pèlerins étrangers.
La mort de Moubarak
Après avoir été une nouvelle fois en soin intensif, l’ancien président égyptien Hosni Moubarak est mort le 26 février. Décédé à l’âge de 91 ans, il a dirigé l’Égypte de 1981 à 2011, date à laquelle il a été évincé par un soulèvement populaire massif.
De nombreuses questions ont immédiatement émergé pour savoir quelle serait la teneur de ses funérailles, étant donné les circonstances dans lesquelles il a quitté le pouvoir. Après avoir écopé de la prison à vie en 2012, Moubarak avait été finalement acquitté en 2017 au terme des procès dans lesquels il était jugé pour sa responsabilité dans la mort de centaines de manifestant lors du soulèvement de 2011. Il avait été également condamné en 2015, ainsi que ses fils Gamal et Alaa, à trois et quatre ans de prison pour détournement de fonds publics, la peine prononcée tenant compte du temps déjà effectué en prison, ses deux fils avaient été remis en liberté . Ces derniers ont d’ailleurs été acquittés dans une autre affaire de corruption quelques jours avant le décès de leur père, fin février.
La présidence a finalement décrété trois jours de deuil national, ainsi que la tenue d’une cérémonie militaire. Celle-ci, menée par le Président al-Sissi et les fils du président déchu, aux côtés de responsables politiques et militaires, a été largement couverte par les chaînes télévisées égyptiennes. Les médias ont largement insisté sur le rôle « héroïque » de l’ancien président dans la guerre d’Octobre 1973 contre Israël, au détriment de ses années au pouvoir, évoquées plus discrètement.
Les mahraganat interdits
Le Syndicat des musiciens, chargé de délivré les autorisations pour la production de spectacles musicaux, a publié mi-février une déclaration dans laquelle il interdit les chanteurs du genre musical du mahraganat (festivals) de donner des représentations en Égypte. Cette décision intervient après qu’un concert de Hassan Shakoosh et Omar Kamal ait provoqué un scandale : en cause, des paroles de leur tube à plus de 100 millions de vues « Bent el giran » jugées indécentes.
Les mahraganat, également connu sous le nom de electro shaabi (électro populaire), sont un genre qui mélange la musique électronique avec la musique traditionnelle jouée pour les mariages. Né dans les années 2000, ce genre musical s’est largement répandu pendant la Révolution de 2011. Souvent composées par des jeunes des quartiers populaires, autoproduites et diffusées sur des plateformes musicales en ligne, ces musiques connaissent un succès immense en Égypte.
« L’obscénité » de ce genre musical a également été pointée par le Ministère de l’Éducation qui a interdit la diffusion de ces musiques dans les écoles et les universités, et par Dar al-Ifta, l’organisme gouvernemental en charge d’énoncer ce qui est moral au regard de l’islam. Dénonçant un style vulgaire, responsable d’un déclin moral parmi la population avec des paroles indécentes, les médias ont globalement soutenu l’offensive du Syndicat des musiciens, qui affirme vouloir soutenir « l’art véritable ».
Cette décision des autorités interdit l’octroi de licences aux musiciens du genre, qui ne peuvent ainsi plus monétiser leurs spectacles, souvent autoproduits. Le syndicat des musiciens a étendu l’interdiction d’organiser de tels concerts à toutes les installations touristiques, les croisières sur le Nil et les boîtes de nuit.
En réponse à cet assaut, le chanteur Hamo Bika, qui s’était vu refuser plusieurs fois l’inscription au Syndicat des musiciens, et son condisciple Hassan Shakoosh ont engagé un procès au tribunal administratif pour faire annuler l’interdiction mise en œuvre par le Syndicat.
La superstar de cinéma, Mohamed Ramadan, chanteur de mahraganat à ses heures, n’a pas été épargné par la décision et est également interdit de scène.
L’impossible accord sur le GERD – suite
L’Égypte a finalement signé seule l’accord sur le « Grand Ethiopian Renaissance Dam » (GERD). Après de nouveaux allés retours entre les représentants égyptiens et éthiopiens, l’Éthiopie s’est retirée des pourparlers de Washington DC, sous prétexte que l’Égypte était favorisée dans les négociations. L’Éthiopie a également annoncé qu’elle remplirait de toute façon le réservoir du Grand barrage éthiopien de la Renaissance cet été.
Le ministère éthiopien de l’eau et de l’énergie a également déclaré fin février que l’Éthiopie ne pouvait pas participer aux négociations pour le moment “en raison de consultations inachevées avec les parties prenantes nationales au sujet du barrage”.
Début mars, une déclaration conjointe du Ministère de l’irrigation et du Ministère des affaires étrangères égyptiens a accusé l’Éthiopie d’entraver “délibérément” le cours des négociations, l’exhortant à revenir et à signer le projet d’accord des États-Unis, qui, selon la déclaration, résoudrait la crise de manière juste et équilibrée.