Une actualité sous tension
Le 20 septembre, des manifestations se sont propagées dans plusieurs villes du pays (en particulier Suez, Mahalla, Mansoura et Damiette). Répondant à l’appel lancé par Mohamed Ali, ancien entrepreneur en BTP qui a publié une série de vidéos sur internet dénonçant des pratiques de corruption impliquant le Président – notamment la révélation de propriété privées acquises avec l’argent public – quelques centaines de personnes sont descendues dans les rues. Si ces mobilisations n’ont pas rassemblé un nombre spectaculaire de manifestants, leur émergence dans un tel contexte – interdiction et répression sévère de toute manifestation – est exceptionnelle.
De nouveaux appels à manifester le 27 septembre se sont répandus sur les réseaux sociaux. Les arrestations se sont alors multipliées et les forces de l’ordre se sont déployées pour effectuer des contrôles à tous les axes stratégiques de la ville, bloquant ainsi leur accès. Dans le même temps, des rassemblements en soutien au régime ont été organisés dans certains quartiers.
De nombreux journalistes, militants des droits de l’homme (comme Mahienour al-Masri, ‘Alaa ‘Abd al-Fattah), ou encore des avocats (notamment Mohamed al-Baqer, avocat de ‘Alaa ‘Abd al-Fattah, arrêté alors qu’il rendait visite à son client) figurent parmi les personnes arrêtées.
Le 25 octobre, le Centre Egyptien pour les droits économiques et sociaux publiait sur le nombre d’arrestation sur sa page soit 3763 personnes (dont une majorité dans les villes du Caire, d’Alexandrie, de Suez et de Damiette).
La vague de répression s’est prolongée durant les mois suivants, avec notamment les arrestations de nombreux activistes, journalistes et avocats.
Le site d’information indépendant Mada Masr a également été visé, d’abord par l’arrestation du rédacteur en chef Shady Zalat, puis par un raid des forces de sécurité dans les bureaux du journal, qui s’est finalement soldé par la libération des journalistes.
En juillet, une vague d’arrestations s’était abattue sur membres de la « Coalition de l’Espoir » – députés, chefs de partis politiques, journalistes – qui projetait de présenter une liste aux prochaines élections législatives prévues pour 2020, accusés de participer à un complot fomenté par les Frères musulmans
En réaction aux accusations de violation des Droits de l’Homme en Egypte portées par plusieurs ONG et organisations internationales, notamment concernant les mauvais traitements infligés aux détenus dans les prisons, les autorités ont organisé des inspections. En effet, suite à la mort en détention, survenue le 17 juin, de l’ancien président Mohamed Morsi, les conditions de détention ont été dénoncées, en juillet, par des détenus qui ont lancé une grève de la faim, ainsi que par des médias internationaux. Une équipe mandatée par le Procureur public Hamada al-Sawy a inspecté la prison de Tora en octobre. D’après leur rapport, toutes les conditions sont adéquates aux nécessités des prisonniers. Une délégation de la Commission parlementaire aux Droits de l’homme s’est également rendue dans la prison de Minya, ainsi que dans des commissariats de police à Alexandrie. Suite à un nouveau rapport établi par des experts des Nations-Unies attribuant la mort de Mohamed Morsi aux conditions de détention, une visite de la prison de Tora a été organisée le 11 novembre par le ministère de l’Intérieur pour les journalistes égyptiens et étrangers.
Dans le même temps, dénonçant une forme d’ingérence dans les affaires égyptiennes, le Parlement égyptien a fermement condamné une résolution du Parlement européen sur l’état des Droits de l’homme dans le pays, adoptée en réaction aux arrestations ayant fait suite aux manifestation de septembre.
En réaction à ces manifestations, le gouvernement a annoncé, début octobre la réintégration de 1,8 millions de personnes à la liste des bénéficiaires des subventions gouvernementales pour les produits alimentaires de première nécessité. En effet, dans le cadre du prêt reçu par le FMI, le gouvernement a engagé une série de réformes des politiques économiques et sociales, dont notamment le ciblage des subventions alimentaires sur les foyers pauvres et modestes seulement. Dans le cadre de ces réformes, des millions d’égyptiens ont été retirés du programme de subventions. Le gouvernement a également annoncé la diminution du prix du carburant, qui était en constante augmentation depuis 2014 du fait de la réduction des subventions à l’énergie.
Hausse rapide de la pauvreté
Fin juillet, le CAPMAS (l’Agence centrale égyptienne pour la mobilisation publique et les statistiques) a annoncé l’augmentation de la proportion d’Egyptiens vivant en dessous du seuil national de pauvreté, passant de 27,8 % en 2015 à 32,5% en 2018.. Selon cette même enquête du CAPMAS sur la consommation des ménages en 2017/2018, la dépense annuelle moyenne des familles est aujourd’hui établie autour de 51 000 EGP, alors qu’elle était évaluée à 36 000 EGP en 2015.
Augmentation des salaires dans la fonction publique
Une décision concernant l’augmentation des salaires minimum de la fonction publique, annoncée par le Président Al Sissi en mars, a été réitérée par le Premier Ministre Mostapha Madbouli en juillet puis en octobre. Appliquée en théorie dès novembre, elle prévoie une augmentation de 1 200 EGP à 2 000 EGP pour les salaires les plus bas, et d’un minimum de 7 000 EGP pour les employés des grades les plus élevés.
Présidentialisation de la justice
Début juin, le Parlement égyptien a approuvé des amendements qui transforment le mode de sélection des dirigeants des principaux organes judiciaires du pays, accordant au chef de l’Etat un pouvoir accru sur le processus de nomination. Avant, celui-ci approuvait seulement la nomination du membre le plus âgé par les assemblées générales de chaque institution. Le chef de l’Etat a désormais le droit de choisir les chefs des organes judiciaires, y compris la Haute Cour constitutionnelle, la Cour de cassation et le Conseil d’État, ainsi que celui de nommer le procureur de la République parmi trois juges nommés par le Conseil supérieur de la magistrature. Ces amendements stipulent que chacune des principales institutions judiciaires du pays doit nommer sept de ses membres les plus anciens pour le poste suprême. Le président en choisit alors un pour diriger l’institution, et ce pour un mandat de quatre ans. Le président de la Haute Cour constitutionnelle est choisi parmi les cinq députés les plus anciens.
Des amendements similaires avaient été approuvés par le Parlement en avril 2017, puis rejeté par le Conseil d’Etat, considérant ces modifications comme étant inconstitutionnelles, au regard du pouvoir discrétionnaire conféré au Président.
Cependant, la réforme constitutionnelle, approuvée par un référendum en avril dernier, donnait déjà un pouvoir accru au chef de l’Etat dans la nomination des chefs des organes judiciaires. Ces modifications lui permettaient de choisir parmi les sept juges les plus anciens de chaque organe, sans qu’il ne soit mentionné que ces organes aient un rôle à jouer dans le processus de sélection. Ces derniers amendements semblent ainsi redonner un rôle aux organes judiciaires dans la nomination des candidats.
Dès juillet, de nombreuses nominations ont eu lieu, notamment celle du nouveau président de la Cour de la Cassation et du Conseil supérieure de la magistrature, le juge Abdallah Amin Asr. La présidence du Parquet administratif est désormais assurée par le juge Essam Eddin Eddin Mohamed Fahmy al-Manshawy. Le juge Saeed Marie a quant à lui été nommé à la tête de la Cour Constitutionnelle, tandis que Abu Bakr al-Seddiq Amer est nommé en tant que nouveau chef de l’Autorité des Litiges de l’Etat. Le conseiller Mohamed Mahmoud Farag Hossam al-Din a prêté serment le 16 septembre tant que nouveau président du Conseil d’État.
En effet, les chefs précédents de la majorité des entités judiciaires, y compris le Procureur général, seront remplacés d’ici 2020, – soit parce qu’ils ont atteint l’âge de la retraite, soit parce qu’ils ont terminé leur mandat de quatre ans.
La vie intranquille des ONG
En juillet également, un amendement à la loi promulguée en mai 2017 qui régit et restreint le fonctionnement des ONG a été voté. L’amendement stipule notamment que les peines d’emprisonnements initialement prévues en cas de non-conformité à la loi– et qui pouvaient s’étendre jusqu’à 5 ans – seront remplacées par des amendes allant de 200 000 à 1 million de livres égyptiennes. L’amendement crée une Unité au sein du Ministère de la solidarité sociale, chargée du suivi et de la supervision des ONG nationales et étrangères. Elle remplace l’Agence nationale de régulation du travail des ONG étrangères, créée par la loi de 2017, et qui comprenait des représentants des services de renseignement et des ministères de la Défense et de l’Intérieur. L’amendement comprend également des modifications sur les possibilités de financements étrangers des ONG. Celles-ci peuvent recevoir des financements et les déclarer sous 30 jours, l’autorité administrative en charge est tenue de répondre dans les 60 jours. Si elle ne répond pas, le financement est approuvé. La loi de 2017 prévoyait que, à l’inverse, l’absence de réponse signifiait un rejet de la demande. L’amendement a été vivement critiqué par les ONG internationales et les Nations Unies, l’accusant d’être une tentative supplémentaire de pénalisation du travail humanitaire en Egypte.
La santé en campagnes
La campagne médicale « 100 millions de vies saines », lancée en octobre 2018 pour soigner les porteurs de l’hépatite C, s’achèvera en mai 2020. Soutenue par les Etats-Unis et la Banque Mondiale, cette campagne s’est déroulée en trois phases, échelonnées à travers les différents gouvernorats d’Egypte. Le ministère de la santé a annoncé en septembre que 49,9 millions d’Egyptiens et 65 000 résidents étrangers avaient effectué des examens médicaux dans le cadre de cette campagne. Plus d’un million de patients ont été traités au cours de la campagne. Celle-ci visait également à détecter des maladies non transmissibles comme le diabète, l’hypertension artérielle et l’obésité, et à fournir des traitements aux personnes diagnostiquées. D’après la Banque Mondiale, la réussite de cette campagne fait de l’Egypte un exemple en matière de lutte contre le virus pour d’autres pays de la région.
Un programme pilote d’assurance maladie universelle a été lancé à Port Saïd en juillet. Ce système est sensé fournir des services médicaux basés sur un système de cotisation progressive, en fonction des revenus. En octobre, 506 000 personnes avaient été enregistrées à Port-Saïd pour bénéficier de l’accès au programme. Les autorités prévoient d’étendre la mise en place de ce système dans tous les gouvernorats d’ici 2032. Le programme doit être lancé en Ismaïlia en janvier 2020 et dans les gouvernorats de Louxor et du Sinaï du Sud en mars 2020.
Le ministère de la santé a également annoncé le lancement d’une campagne de planning familial dans 9 gouvernorats en décembre. Cette campagne s’inscrit dans la politique gouvernementale qui vise à réduire le taux de natalité à 3,1 enfants par femme d’ici la fin de 2020 et à 2,4 enfants par femme d’ici la fin de 2030.
En juin, une étude des Nations-Unies annonçait un boom démographique au cours des trente prochaines années en Egypte, avec une augmentation de 2% de la population par année, allant jusqu’à atteindre une augmentation de 60 millions de personnes d’ici 2050.
Le CAPMAS annonçait également en juillet que la population égyptienne vivant sur le territoire national atteignait désormais les 99 millions de personnes.