Transports
Accident à la gare centrale
Un accident de train a fait 22 morts et 45 blessés à la gare centrale du Caire, le 27 février 2019. L’évènement tragique a provoqué quelques protestations et de nombreuses arrestations. Alors que le ministre des Transports tentait de souligner la responsabilité du conducteur, certains médias comme Mada Masr se sont emparés de l’accident pour relancer le débat sur l’investissement insuffisant dans les infrastructures de chemins de fer, et sur la détérioration des services publics en général.
Cet article invite ainsi à replacer l’accident dans un contexte macro-économique d’austérité à marche forcée, de désengagement de l’Etat et de sous-investissement public. La démission du ministre des Transports, Hesham Arafat, remplacé le 10 mars par le général Kamal el-Wazir, ne constitue bien sûr pas une réponse suffisante à ces critiques qui ont été largement étouffées.
Vers l’ouverture de nouvelles lignes de chemins de fer
Dans le même temps, le développement d’une ligne de chemin de fer entre l’Egypte et le Soudan a été annoncé. Ce projet doit participer au renforcement des relations diplomatiques entre les deux pays et faciliter le transport de biens et de personnes. Egyptian Streets a pour sa part relayé l’ouverture, prévue pour 2022, d’une ligne à haute vitesse entre les cités balnéaires de Aïn Al-Sokhna, sur la mer Rouge, et de New Alamein City, à l’ouest d’Alexandrie, en desservant notamment la Nouvelle Capitale, la ville du 6 Octobre et Alexandrie.
On observe ainsi une politique qui tend à l’ouverture de nouvelles lignes de chemins de fer, en partenariat avec des acteurs privés et au profit de relations diplomatiques de voisinage ou des espaces touristiques, plutôt qu’à la rénovation du réseau existant, comme l’ont réclamé plusieurs opposants politiques.
Les chauffeurs d’Uber et de Careem en grève
Les entreprises Uber et Careem, qui seraient sur le point de fusionner, ont été confrontées à la grève d’une partie de leurs chauffeurs pendant 4 jours, fin février. S’il n’y a pas eu d’interruption visible des deux applications, Uber a envoyé un message à ses conducteurs précisant qu’il y aurait peut-être une augmentation des demandes, alors que Careem a promis des contreparties en nature aux chauffeurs qui effectuaient des courses pendant la période de grève.
Quelques groupes de chauffeurs grévistes se sont formés sur Facebook à l’occasion de ce mouvement social, en rappelant entre autres qu’ils s’opposaient à l’augmentation de la commission prise par les entreprises sur les courses. Le problème de la non-propriété des voitures a également été soulevé, mais sans conséquences concrètes jusqu’à présent. Enfin, cette grève a été l’occasion d’évoquer la renégociation du statut des chauffeurs et la possibilité pour ces derniers de se constituer en syndicat.
Unifier la ville…
… ses façades
Comme mentionné précédemment (Revue de presse Ville – décembre 2018), la loi sur l’unification architecturale des villes est entrée en vigueur, en imposant à tous les gouvernorats de repeindre toutes les façades de ses bâtiments selon un schéma de couleurs défini (blanc pour les gouvernorats côtiers, beige clair pour la Haute-Egypte et beige foncé pour le Caire).
Al-Monitor rappelle néanmoins que cette volonté d’unification ne se fait pas sans contestation d’une partie de la population, qui dénonce notamment le coût d’une telle décision. Le gouvernement met au contraire en avant l’intérêt de cette harmonisation en termes d’embellissement des villes.
… ses lieux de culte
En parallèle de ce projet d’unification par la couleur, le ministère des Waqfs, en charge des lieux de culte, a annoncé, le 7 février, la préparation d’un code unique pour l’architecture des mosquées, selon « un style unique et distinctif, à l’échelle du pays ». Ce code devra être respecté pour toute construction de nouvelle mosquée, comme cela a été le cas avec la mosquée Al-Fatah Al-Aleem dans la Nouvelle Capitale.
Toujours dans cette politique de modernisation des villes égyptiennes, cette unification architecturale doit contribuer à l’élaboration d’une image positive du pays vis-à-vis des touristes étrangers. Néanmoins, les détracteurs du projet critiquent l’investissement massif dans la construction de nouvelles mosquées, selon ce nouveau code, plutôt que dans la restauration des lieux de culte déjà existants.
…et ses moyens de transport
Enfin, dans l’optique d’une modernisation et d’une unification de la ville, le gouvernement tente de soumettre le système informel des tuks-tuks à une législation fiscale. L’objectif de ces taxes serait avant tout la sécurité des habitants, étant donné le nombre d’accidents liés à ce moyen de transport, et la réglementation du statut des chauffeurs, comme nous l’avions déjà évoqué (cf. Revue de presse Ville – Décembre).
Aménagement de la ville
Déplacement et relogement des populations des quartiers informels vers les compounds
Sur le modèle du triangle de Maspero, à proximité de la place Tahrir, les déplacements de population continuent dans plusieurs quartiers du Caire. L’annonce de la volonté de l’Etat de récupérer et développer l’ensemble de ce qu’il considère comme des terrains publics a récemment été renforcée par la promesse de Khaled Seddiq, directeur de l’agence gouvernementale ISDF (Fonds de développement des zones informelles), d’éradiquer tous les bidonvilles en Egypte d’ici à 2030.
Dans ce contexte, les habitants de quartiers informels comme Manshiyat Nasr ou Nazlet El-Semman (Giza) sont relogés à l’extérieur de la ville, dans des gated cities (Al-Asmarat…). Si le gouvernement mobilise surtout le prétexte de l’insécurité de leur logement, liée à l’insalubrité et aux nombreux glissements de terrain, il s’agit surtout d’une campagne contre le bâti informel, sans titre de propriété officiel, sur les terrains étatiques. Cela représente, comme dans le cas de cet habitant contraint de faire un aller-retour quotidien entre son lieu de travail, Manshiyat Nasr, et son nouveau logement, à plus de 10 kilomètres, un dommage financier, mais aussi social.
Le développement de la Nouvelle capitale, miroir d’un Caire exclusivement patrimonial et touristique
Au-delà de ces politiques d’expropriation, les plans d’aménagement du gouvernement s’articulent toujours autour de deux axes et espaces principaux : la rénovation du centre historique du Caire (Caire khédival, Al-Ezbekya, Caire islamique) et l’édification de la Nouvelle capitale administrative, à 45km à l’est de l’actuelle capitale égyptienne.
Le Premier ministre, Mostafa Madbouly, a ainsi réaffirmé cette volonté de redonner sa splendeur au Caire historique tout en le vidant de ses fonctions administratives, destinées à être intégralement déménagées vers la Nouvelle capitale. Le Caire n’est donc plus considérée que comme un centre touristique et patrimonial à préserver, éventuellement à rénover, alors que tous les nouveaux investissements se concentrent dans la Nouvelle capitale, à l’instar du projet de « Rivière verte » qui, pour un coût de 500 millions de dollars, doit garantir la dimension verte, environnementale et smart de cette capitale dans le désert.
Conclusion
Les exemples développés ci-dessus reflètent une politique de la ville tournée vers les nouvelles constructions, plutôt que vers la restauration ou l’entretien des infrastructures existantes. Cette orientation, qui s’inscrit dans la lignée des politiques de grands travaux menée depuis Nasser, reste très critiquée et ce notamment par les acteurs locaux qui en sont l’objet, et qui sont exclus du processus de décision.
En bref
Alors que le débat sur le traitement des chiens errants est toujours d’actualité, le gouvernorat du Sud Sinaï a annoncé une rémunération de 20 LE pour les chasseurs de chiens dans la ville d’Al-Tur.
La construction de la troisième ligne de métro du Caire, dont l’ouverture est prévue en novembre 2021, a provoqué un semblant de tremblement de terre autour de l’hôpital El-Galaa, érigé en 1934, et pose de nouveau la question de la relation entre développement urbain et préservation du patrimoine.
Orient XXI a ici publié un récapitulatif du conflit juridique opposant les habitants de l’île agricole de Warraq au gouvernement depuis 2017 et l’annonce de la volonté d’exproprier l’ensemble des habitants insulaires du Caire (cf Revue de presse — Février).
Corten Pérez Houis