Attentat meurtrier contre des touristes vietnamiens à Gizeh
Le 28 décembre 2018, un car transportant des touristes a été la cible d’une attaque terroriste dans le quartier Al-Marioteya de Gizeh, à l’ouest du Caire. Trois touristes vietnamiens ainsi qu’un guide égyptien ont été tués lorsqu’une bombe artisanale a explosé au passage de leur véhicule. Douze personnes ont également été blessées. C’est le premier attentat contre des touristes depuis juillet 2017.
Interrogé sur les répercussions possibles de ce nouvel attentat sur le secteur du tourisme, le premier ministre égyptien, M. Madbouli, a indiqué qu’en matière de contre-terrorisme le risque zéro n’existait pas et que « les circuits touristiques étaient très bien protégés ». Il a aussi ajouté que, peu avant l’attaque, le car transportant les touristes vietnamiens avait quitté l’itinéraire officiel et sécurisé sans en notifier les autorités.
Le tourisme est traditionnellement une source conséquente de revenus pour l’Égypte mais depuis la révolution de 2011, le secteur s’est effondré. En sept ans, le nombre de touristes annuel est passé de presque 15 millions à 8,2 millions. La sécurité des vacanciers est donc un enjeu important pour les autorités égyptiennes qui comptent notamment sur le tourisme pour relancer l’économie nationale.
Quelques heures après l’attaque, le parquet national égyptien a ordonné le lancement d’une enquête et dès le lendemain le ministère de l’Intérieur a annoncé l’élimination de « 40 terroristes » par la police et l’armée. Dix d’entre eux ont été tués dans le Sinaï du Nord, région en proie à de violents combats opposant l’armée égyptienne aux combattants de l’État Islamique. Les trente autres terroristes présumés ont été tués à Gizeh, à quelques kilomètres seulement du lieu de l’attentat, au cours d’un « échange de tirs avec la police », selon l’agence de presse officielle de l’État égyptien.
Cette grande opération anti-terroriste n’est officiellement pas liée à l’attaque du bus. Le ministère de l’Intérieur égyptien a annoncé dans un communiqué que celle-ci avait été lancée après la découverte d’informations établissant que des terroristes présumés « prévoyaient d’attaquer des bâtiments officiels, des zones touristiques, des policiers et militaires ainsi que des lieux de culte chrétiens ». Les photos diffusées par les autorités égyptiennes montrent la présence de nombreuses armes et explosifs à proximité des corps.
Plusieurs journalistes ont cependant remis en cause la version officielle des autorités et évoquent de possibles exécutions extra-judiciaires sous couvert d’une opération anti-terroriste. Ils justifient leurs soupçons par la rapidité avec laquelle les autorités sont intervenues et par une possible mise-en-scène des photos publiées. Ce n’est pas la première fois que les autorités égyptiennes sont accusées d’exécutions extra-judiciaires. Depuis plusieurs années, des rapports de l’ONG Human Right Watch (HRW) affirment que plusieurs civils de la région du Nord Sinaï ont été exécutés sous couvert d’opérations anti-terroristes.
Ouverture du premier salon de l’armement égyptie
Le premier salon de l’armement égyptien, l’Egypt Defense Expo (EDEX 2018) s’est tenu au Caire du 3 au 5 décembre 2018, et a été inauguré par le président égyptien Al-Sissi. Environ quarante délégations étrangères ainsi que 400 entreprises du secteur de l’armement, pour un total de 10 000 visiteurs, étaient attendues.
L’organisation de cet évènement, premier du genre en Afrique, était l’occasion pour les autorités égyptiennes de montrer leur volonté de devenir une puissance régionale de premier plan. Grands importateurs d’armement, les Égyptiens ont pour la première fois présenté plusieurs produits destinés à l’exportation. Les organisateurs du salon ont particulièrement mis en avant le Temsah, un véhicule de transport de troupes fabriqué entièrement en Égypte.
La ministre française des Armées, Florence Parly, qui a accompagné la délégation des entreprises françaises de l’armement, a assisté à l’inauguration du salon. Depuis 2015, de nombreux contrats d’armement ont été conclus entre la France et l’Égypte, qui représente l’un de ses plus importants clients.
Les armes françaises vendues à l’Égypte sont censées être utilisées exclusivement à des fins militaires, comme le dispose le droit européen. Certaines ONG comme Amnesty International ont cependant dénoncé la présence officielle de la France et l’utilisation par les autorités égyptiennes d’armes françaises pour réprimer la population civile.
Une économie égyptienne au ralenti
Le premier ministre Mostafa Madbouli a annoncé que la dette extérieure égyptienne avait atteint 92,64 milliards de dollars soit 36,8% du PIB en 2018, soit une augmentation de 17% par rapport à l’année passée. Cette situation est aggravée par une dette intérieure qui s’élève à 3,4 milliards de livres égyptiennes, soit 12% de plus que l’an passé. De même, le paiement des intérêts de la dette pèse lourd sur le budget égyptien (31% du budget annuel pour l’année 2016-2017).
La dévaluation de la livre égyptienne en novembre 2016 qui devait doper l’économie n’a pas eu les effets escomptés et n’a fait qu’empirer le poids de la dette extérieure. La croissance du PIB est elle aussi au ralenti (4,1%). Cette stagnation s’explique par une baisse des exportations qui sont passées de 26 milliards de dollars entre 2013 et 2014 à 21,6 milliards de dollars.
Face à l’explosion de la dette publique, le gouvernement a mené une politique d’austérité, avec une diminution des subventions sur l’énergie, notamment le gaz, le pétrole et l’électricité, la mise en place d’une nouvelle TVA et l’augmentation du prix du ticket de métro cairote par exemple. Ces mesures ont renforcé la pression fiscale sur les foyers les plus défavorisés. Les recettes fiscales provenant de la TVA représentent aujourd’hui 41,5% du budget égyptien alors qu’elles ne représentaient que 34,5% entre 2014 et 2015. Dans le même temps, la part des recettes fiscales provenant du revenu des entreprises est passée de 30% entre 2014 et 2015 à 21,8%.
Une armée égyptienne qui pèse lourd dans l’économie
L’une des raisons de la situation économique égyptienne s’explique par le rôle de son armée, de ses dépenses publiques et de la concurrence quelle impose aux différents acteurs du marché égyptien. Depuis l’accession d’al-Sissi au pouvoir, l’armée a vu ses prérogatives économiques s’accroitre considérablement. Les institutions militaires ont contracté d’importants emprunts auprès de bailleurs étrangers pour la construction de projets non productifs comme l’extension du Canal de Suez (estimé à 8 milliards de dollars) ou la construction de la nouvelle capitale administrative (chiffrée à 300 milliards de dollars). Ces projets pèsent lourd dans la dette publique et ne viennent pas, pour l’instant, redynamiser l’économie.
Grâce à un soutien actif de l’Etat, l’armée égyptienne a réussi s’implanter dans de nombreux secteurs économiques, concurrençant aussi bien des acteurs privés que des acteurs publics. L’armée bénéfice de nombreux privilèges : elle ne paye ni droits de douane ni impôts, et l’emploi des conscrits lui permet de bénéficier d’une main d’œuvre peu onéreuse.
Dans le domaine de la cimenterie, l’armée s’est imposée en quelques années comme le premier producteur de ciment égyptien, détrônant un à un ses concurrents. Elle a inauguré, le 15 aout 2018, la cimenterie de Beni-Suef, la plus grande du monde, dont la production pourrait atteindre 12,8 millions de tonnes par an (MT/an). Depuis 2015, l’armée s’est investie pleinement dans ce secteur. Elle a augmenté sa production de 4 MT/an pour atteindre plus de 22 MT/an. Du fait de ses avantages fiscaux et humains, l’armée a pu à produire un ciment en dessous des prix du marché (860 LE la tonne contre 940 LE proposés par ses concurrents). La concurrence « déloyale » qui s’en est suivie a entrainé la fermeture du groupe étatique Al-Quomia en mai 2018. De même, l’entreprise Al-Suez détenue par l’allemand Heidelberg et l’italien Italcementi, a perdu 54 millions d’euros en 2017.
Loin de se cantonner à la cimenterie, l’armée investit dans divers secteurs économiques : acier, marbre, cuir, agroalimentaire, médicaments. L’ensemble des bénéfices lui reviennent directement et sont donc pour l’Etat un manque à gagner considérable.
Alexandre d’Espinose de Lacaillerie et Pierre de Basquiat