Santé
L’exemple de la campagne égyptienne de lutte contre l’hépatite C
“Pratiquement toutes les familles égyptiennes sont touchées par l’hépatite C” déclarait il y a quelques années le représentant de l’OMS en Égypte, docteur Henk Bekedam. Avec environ 5 millions de personnes infectées par le virus, l’Égypte affiche un des taux de prévalence les plus élevés au monde. Environ 40,000 Égyptiens meurent chaque année des suites de la maladie, faisant du VHC la cause d’environ 7,6% de l’ensemble des décès. Mais les récentes avancées de l’Égypte dans la lutte contre l’hépatite C ouvrent de nouvelles perspectives.
Nombre des infections à l’origine de l’épidémie ont eu lieu dans les années 1960-80 dans le cadre d’une campagne d’éradication de la schistosomiase (bilharziose), un ver parasite trouvé dans le Nil pouvant provoquer cancers et défaillance des organes en l’absence de traitement. Plus de 6 millions de personnes avaient alors été traitées par injection, souvent avec des aiguilles réutilisées et insuffisamment stérilisées. L’hépatite C, découverte à la fin des années 1980, s’est rapidement propagée à la suite de cette campagne. La variation du taux de prévalence au sein des différentes tranches d’âge reflète aujourd’hui cet héritage : alors que moins de 1% des enfants et des adolescents sont concernés, le taux pour la génération du début des années 1980 est de 7%, et s’élève à environ 33% pour les populations nées avant 1960. Si la maladie est plus fréquente dans les milieux populaires et ruraux, en particulier dans la région du Delta, il n’y a pas de segment de la société égyptienne qui n’ait été touché.
Mais cette explication historique et particulière à l’Égypte n’est pas la seule cause de la propagation du VHC puisque près de 150 000 nouvelles infections ont été déclarées en 2016. Comme dans le cas du sida (cf. Revue de presse – société, avril 2018), et malgré la mise en œuvre de politiques plus strictes dans les hôpitaux et autres établissements de santé, l’importante population d’individus porteurs de la maladie combinée à l’absence de procédures de stérilisation et de désinfection systématiques des dispositifs médicaux augmentent considérablement le risque de transmission. En témoigne le cas d’Ahmed Nada, 31 ans, qui a contracté le virus des suites d’un don de sang en 2017. Les populations les plus à risques sont les consommateurs de drogues par injection et les personnes ayant recours à des transfusions sanguines ou à des injections médicales fréquentes.
L’hépatite C est une infection chronique, souvent dormante, c’est-à-dire qu’un individu peut vivre avec le VHC pendant plusieurs décennies avant d’en voir apparaître les symptômes et de développer des complications. Ces dernières sont donc de plus en plus fréquentes à mesure que la population infectée vieillit. Sur les 35 000 cas d’insuffisance hépatique et 5 000 cas de cancer du foie annuels, peu d’individus bénéficieront d’une greffe de foie, procédure encore rare en Égypte, faisant ainsi de l’hépatite C la troisième cause de mortalité, tous décès confondus, derrière les maladies cardiovasculaires et les AVC.
Les impacts économiques et budgétaires de l’épidémie sont importants. Les ménages de personnes séropositives au VHC sont affectés par la perte de revenus, le coût des soins et le risque de mort prématurée. Au niveau macro-économique, les efforts de lutte contre l’hépatite C absorbent des ressources qui pourraient être utilisées autrement en l’absence d’épidémie. L’Égypte dépense plusieurs centaines de millions de dollars par an dans le traitement des cas d’hépatite C. Les estimations de la Banque mondiale indiquent que l’Égypte aurait dépensé environ 463 millions de dollars en 2017 et prévoient environ 4 milliards de dollars de dépenses supplémentaires d’ici 2030. Or, ces coûts ne reflètent que les dépenses de santé directes. La productivité réduite des personnes infectées et les conséquences démographiques du virus se répercutent aussi sur le PIB par habitant. Un autre rapport de la Banque mondiale stipule que l’Égypte aurait perdu près d’un milliard de dollars sur son PIB pour l’année 2015.
Jusqu’en 2013, le traitement standard reposait sur des injections d’interféron, qui, en plus d’effets secondaires débilitants, affichaient un taux de réussite relativement faible, de l’ordre de 19 à 60% en fonction du génotype du patient. L’arrivée de nouveaux médicaments sur le marché, connus sous le nom d’agents antiviraux à action directe (AAD), marque un tournant décisif dans la lutte contre l’hépatite C. Malgré le taux de réussite sans précédent de la nouvelle thérapie, leur prix prohibitif de 84,000 dollars par patient aurait coûté à l’Égypte près de 500 milliards de dollars pour traiter l’ensemble de sa population, soit presque le double du produit intérieur brut du pays. Suite aux fructueuses négociations avec l’entreprise Gilead Sciences en 2014, le gouvernement égyptien a obtenu le médicament avec une réduction de 99% par rapport au prix américain. Cet accord a permis à l’Égypte de mettre en place une remarquable campagne de lutte contre le VHC et de traiter un nombre record de patients. Avec l’ouverture de nouveaux centres de traitement, un portail électronique a été mis en place. En l’espace de 3 jours, 200,000 personnes se sont enregistrées. En plus de négocier à la baisse le prix des médicaments importés des États-Unis, l’Égypte a obtenu l’autorisation de produire localement une version générique d’AAD à un coût encore moindre. Le nombre de personnes traitées par AAD est passé de 30,000 en 2014 à 700,000 en 2016, pour un atteindre un total cumulé d’un million et demi de patients en 2017. En 2016, l’Égypte comptait à elle seule près de 40% des personnes ayant commencé le traitement du VHC dans le monde.
Ces progrès rapides ont attiré l’attention de la communauté internationale, certains prédisant que l’approche égyptienne pourrait servir de modèle pour d’autres pays à revenus faibles ou intermédiaires. La réussite égyptienne en matière de lutte contre l’hépatite C a même pu profiter à d’autres secteurs: la campagne Tour n’ Cure vise ainsi à capitaliser sur ce succès en invitant les patients séropositifs au VHC à visiter l’Égypte pour recevoir un traitement abordable tout en offrant à l’économie du tourisme ainsi qu’à l’industrie pharmaceutique locale de nouveaux revenus. La compagnie aérienne Egyptair, partenaire de l’initiative, annonçait à l’occasion du lancement de la campagne en 2017 une réduction sur le prix des billets pour motiver le tourisme médical. Bien que l’approche actuelle continue d’avoir un impact positif majeur sur la santé publique, le dernier rapport de l’Organisation mondiale de la Santé rappelle que le principal défi en Égypte aujourd’hui est d’identifier et de diagnostiquer les quelques millions d’individus ignorant leur séropositivité au VHC. La capacité des autorités à éradiquer l’épidémie de VHC dans les délais espérés devrait donc dépendre de l’ampleur, de l’efficacité et de la vitesse de déploiement de son nouveau programme de dépistage.
Éducation
Mise en place d’un système informatique de correction des épreuves universitaires
Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Khaled Abdel Ghafar, a annoncé la mise en place d’un programme d’enseignement informatisé ainsi que d’un système électronique de correction des épreuves dans les universités pour la prochaine année académique. Ce dernier aurait pour but de mettre un terme aux pratiques abusives qui surviennent parfois pendant les examens, et d’améliorer la fiabilité du processus d’évaluation.
Développement de l’enseignement technologique et de la coopération scientifique entre universités
Un nouveau projet de loi visant à créer 8 nouvelles universités technologiques dans le pays a été approuvé. Trois sont déjà en cours de construction dans le Nouveau Caire, à Qesna et à Beni Suef. Un autre projet de loi en cours d’examen mentionne la possibilité d’ouvrir 5 autres universités, dont un institut privé.
Par ailleurs, le ministre d’État à la Production militaire, Mohamed Saeed el-Assar, et le président de l’Université égypto-chinoise, Ashraf Shehy, ont récemment signé un accord de coopération scientifique entre l’Académie égyptienne pour l’ingénierie et la technologie avancée et l’Université égypto-chinoise.
Religion
Rapatriement des corps des 21 chrétiens coptes tués en Libye
Les corps des 21 chrétiens coptes tués en Libye en 2015 ont été rapatriés en Égypte. Une grande messe a été organisée pour l’occasion à l’église des Martyrs de Minya construite en leur mémoire en février dernier (cf. revue de presse – Société, mars 2018).
Un projet de loi permettant une modification du statut et de l’usage des dotations
Al-Azhar s’oppose au projet de loi annoncé en début d’année visant à permettre au ministère des Dotations religieuses (waqf) de réinvestir certains biens pour une meilleure utilité publique, et d’en modifier éventuellement les conditions de propriété. La plupart des mosquées égyptiennes, dont environ 80,000 dépendent du ministère, sont à l’origine des bâtiments légués à l’État par leurs propriétaires à condition qu’ils ne soient ni vendus ni loués, mais généralement transformés en mosquées, en églises, en écoles, en hôpitaux ou en orphelinats. Les dotations comprennent le don de biens immobiliers à usage public, mais aussi le don de terres agricoles, de parcelles ou d’argent au profit d’une personne, d’un groupe de personnes ou d’une communauté.
Annonce de la nomination de deux femmes dans chaque mosquée
Le porte-parole du ministère égyptien des Dotations religieuses, Gaber Tayie, a annoncé que deux femmes seront nommées dans toutes les mosquées du pays pour administrer la prière auprès des femmes. D’après Tayie, cette annonce s’inscrit dans le cadre d’une campagne ayant pour but d’améliorer l’accessibilité des lieux de culte pour les femmes, et visant à accorder plus d’attention aux affaires familiales.
Genre
#AnaKaman, la version égyptienne de la campagne #MeToo
L’Égypte a rejoint la campagne mondiale #MeToo qui cherche à sensibiliser et exposer l’ampleur du phénomène de harcèlement sexuel en encourageant les femmes à se manifester et à partager leurs expériences. Le harcèlement sexuel a été officiellement désigné comme une épidémie par ONU-femmes. Malgré la criminalisation des actes de harcèlement, l’étendue du problème en Égypte est régulièrement rappelée, comme au cours des dernières semaines avec les vidéos devenues virales d’abus verbaux et physiques.
Sean Comiskey