Santé
L’épidémie de sida en Égypte
Tandis que l’épidémie du sida dans le monde tend à se réduire, le taux d’infection au VIH en Égypte est croissant. En décembre 2017, l’Organisation des Nations Unies faisait ainsi part de son inquiétude face à la propagation du rétrovirus. D’après Ahmed Khamis, le directeur de ONUSIDA Égypte, le nombre de nouveaux cas augmenterait de 25 à 30% par an. Ces chiffres placeraient l’Égypte, dont la population s’élève à près de 95 millions de personnes, en 4è place au Moyen-Orient pour le taux de propagation de l’épidémie. Si les estimations du nombre de personnes atteintes du VIH varient de 7 000 à 11 000 personnes, l’augmentation du nombre de nouvelles infections n’est, elle, pas discutée, en particulier au sein des populations à risques.
Ces chiffres pourraient toutefois être plus élevés. La pratique du dépistage, quand bien même anonyme et gratuit, est très peu répandue et ce, malgré les efforts de l’État qui annonçait en juin 2017 l’ouverture de 23 nouveaux centres de dépistage. Par ailleurs, le pourcentage de personnes séropositives suivant un traitement antirétroviral n’était que de 27% en 2016. Cela représente tout de même une augmentation de 300% du taux de couverture des patients par rapport à 2010.
L’Égypte faisant face à de nombreux défis en terme de développement, la lutte contre le sida ne fait pas l’objet des priorités budgétaires. Le faible niveau d’investissement domestique est le premier obstacle à la pérennité et au bon déroulement des programmes de prévention et de sensibilisation, et génère ainsi une dépendance croissante à l’égard des financements extérieurs.
D’après un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé, l’un des principaux freins à la lutte contre l’épidémie serait la stigmatisation liée au VIH, ainsi que la discrimination dont les personnes porteuses du VIH sont victimes. Les populations les plus à risques étant les professionnel(le)s du sexe, les hommes ayant des relations sexuelles avec des individus du même sexe et les consommateurs de drogues par injection, la transmission du virus est associée à des comportements jugés déviants ou immoraux au sein de la société égyptienne. La peur d’être discriminé engendre une réticence au dépistage, les porteurs potentiels préférant parfois ne pas savoir plutôt que de faire face aux conséquences sociales d’un résultat positif au test du sida.
De nombreux témoignages viennent corroborer cette hypothèse dont les effets sont multiples. D’une part, cela entrave les efforts d’analyse et de collecte de données sur l’ampleur et les tendances de l’épidémie. Une base d’information plus fournie permettrait la mise en place d’approches plus adaptées et plus ciblées, et donc plus efficaces. Mais surtout, l’accès au traitement étant lié au dépistage, le phénomène d’évitement du dépistage participe à la propagation du virus. Un individu ignorant sa séropositivité est effectivement susceptible de transmettre l’infection à sa famille, qu’il s’agisse de sa femme, de son mari ou de ses enfants.
En décembre 2017, le journal Egypt Independent, rapportait qu’une femme égyptienne s’était suicidée peu de temps après avoir découvert qu’elle avait contracté le sida par son mari. Malgré ses efforts pour garder secret sa séropositivité, ses voisins l’ont découverte et l’ont forcée, elle et sa famille, à quitter leur foyer. De la même manière, le journal Arab Weekly rapportait en janvier 2018 qu’une jeune femme atteinte du virus avait été reniée par sa famille. Elle disait avoir découvert son infection lorsqu’elle était sur le point d’accoucher. Son fils est également séropositif. Dans un autre témoignage anonyme donné à l’ONUSIDA et rapporté par Associated Press, une femme racontait avoir été infectée par son défunt mari et détaillait les difficultés auxquelles elle avait ensuite dû faire face. Elle disait avoir été battue par certains membres de sa famille qui auraient également refusé de lui accorder l’héritage auquel elle et ses enfants avaient légalement droit lorsque son mari est décédé. Par ailleurs, le manque de formation du personnel de santé constitue un autre facteur du développement de l’épidémie en Égypte, qu’il s’agisse des procédures de stérilisation et de désinfection des dispositifs médicaux ou de l’approche vis-à-vis des patients infectés par le VIH. Plus récemment, il a été constaté qu’une tranche plus jeune de la population serait exposée au virus. “Nous n’avons pas de chiffres exacts, mais c’est ce que suggèrent les preuves que nous voyons sur le terrain”, précise Khamis, expliquant que le manque de fonds entrave la capacité de l’Égypte à produire des chiffres précis. Un rapport de l’OMS postule que les comportements à risque seraient plus répandus que ce qui est communément rapporté. Le contexte socio-économique incertain du pays, dont l’un des effets apparents est le recul de l’âge du mariage, participerait de cette tendance.
Famille
Un projet de loi visant à octroyer des prêts pour le mariage
Le comité de la Jeunesse et des Sports a approuvé le 11 février un projet de loi présenté par Atta Salim, membre du comité législatif du Parlement, visant à ouvrir un fonds qui permettrait aux jeunes couples aux moyens limités d’avoir recours à un prêt pour financer leur mariage.
Pour se marier, il est coutume en Égypte pour les hommes de fournir une dot à la famille de la mariée, d’offrir à cette dernière un cadeau de mariage sous la forme de bijoux et de fournir le logement du futur ménage, dont il couvre une partie des frais d’aménagement. Ces coûts, d’ordinaire importants, ont récemment été démultipliés en raison de l’inflation. La réduction d’un certain nombre de subventions, l’augmentation des taxes sur les biens de consommation, la hausse des prix ainsi que la dévaluation de la livre égyptienne ont affecté le pouvoir d’achat et le niveau de vie de nombreux ménages. Les segments les plus vulnérables de la société égyptienne ont été les plus lourdement touchés par le programme d’ajustement structurel signé entre le gouvernement égyptien et le Fonds Monétaire International (cf. Revue de presse – économie, novembre 2017). Ces mesures d’ordre économique ont eu un retentissement social, tels le recul de l’âge du mariage, voire l’incapacité sinon la réticence de certains à se marier. « Ce projet de loi […] offre une solution immédiate » déclarait Salim au journal Al-Monitor. « Compte tenu de la détérioration des conditions [économiques], le gouvernement devrait aider les jeunes égyptiens à obtenir un prêt ». Le fonds offrirait ainsi des prêts à taux zéro d’un maximum de 60 000 L.E., remboursables en versements mensuels de 400 L.E. Les hommes plus âgés ainsi que les personnes à faible revenu devraient être prioritaires pour l’obtention de prêts, bien qu’aucune directive n’ait été établie pour l’heure.
Éducation
La Banque Mondiale annonce participer à hauteur de 500 millions de dollars à un projet de soutien aux réformes de l’éducation en Égypte.
La Banque Mondiale souhaite investir 500 millions de dollars, sur les 2 milliards requis, pour financer un projet de soutien aux réformes du secteur de l’éducation en Égypte. Ce projet, qui devrait s’étendre sur 5 ans, s’inscrit dans le cadre de la stratégie de développement durable « Vision 2030 » de l’Égypte et doit permettre d’améliorer les conditions d’enseignement et d’apprentissage. Sahar Nasr, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, a déclaré que l’annonce de la Banque Mondiale serait la plus importante contribution financière au programme de réforme et de développement de l’éducation en Égypte.
Le projet vise à améliorer la qualité de l’éducation pour les plus jeunes et à étendre l’accès à l’école maternelle à environ 500 000 enfants supplémentaires, à développer un système fiable d’évaluation des élèves, à développer les compétences du personnel enseignant en formant 500 000 professeurs et professionnels de l’éducation, et à généraliser l’usage de la technologie au service de l’éducation (en fournissant notamment à 1,5 million d’élèves et d’enseignants des ressources d’enseignement numérique).
Les détails du financement du programme indiquent que 27% du budget sera dédié au secteur de l’éducation maternelle, 6% au secteur de l’éducation primaire, 31% au secteur de l’éducation secondaire et 36% à l’administration publique.
Parmi les thèmes abordés par le projet, dont la mise en oeuvre dépend du ministère de l’Éducation, figurent la question du genre et la sensibilisation aux questions environnementales.
Sean Comiskey