Politique intérieure
Élections présidentielles 2018
Ahmed Shafiq a renoncé à se présenter à l’élection présidentielle. Il a déclaré que son exil aux Émirats Arabes Unis ces six dernières années l’avait éloigné des réalités égyptiennes et qu’il se sentait par conséquent inapte à la fonction présidentielle. Suite à l’annonce de sa candidature en novembre dernier (cf. revue de presse – politique, décembre 2017), Shafiq avait été la cible d’importantes pressions politiques. Il avait par ailleurs publiquement demandé aux autorités de clarifier les raisons de l’arrestation de certains de ses partisans.
Le colonel Ahmed Konswa, qui avait été placé en détention provisoire peu après avoir déclaré son intention de se porter candidat (cf. revue de presse – politique, décembre 2017), a quant à lui été condamné à six ans de prison pour violation des règles militaires relatives à l’expression d’opinions politiques. Le tribunal a jugé que son éligibilité était conditionnée à son retrait de l’institution militaire (celle-ci aurait jusqu’à présent refusé sa démission).
Le lieutenant général Sami Anan s’est déclaré candidat le 19 janvier, quelques jours avant la date butoir du dépôt des candidatures. Chef d’état-major (2005 – 2012) et membre du Conseil suprême des forces armées (CSFA) (février 2011 – juin 2012), il a été rapidement placé en détention provisoire avant d’être jugé non-éligible pour violation des règles militaires, au même titre qu’Ahmed Konswa. Le procureur militaire Mohamed Al Rowieny a annoncé l’interdiction de toute couverture médiatique de l’enquête dont Anan fait l’objet.
Khaled Ali, le prétendant le plus crédible de l’opposition au Palais d’El Orouba, s’est quant à lui retiré de la course le 24 janvier. Le célèbre avocat a dénoncé des actions nuisant au bon déroulement de sa campagne et a fustigé des pratiques de corruption en faveur du président sortant Al-Sissi.
Mohamed Esmat Anouar El Sadate, dirigeant du Parti de la Réforme et du Développement et neveu de l’ancien président égyptien, a également renoncé à sa candidature en raison du manque de transparence et d’impartialité du processus électoral.
Le premier tour du scrutin se tiendra du 26 au 28 mars, en vertu du calendrier fixé par la nouvelle Commission Nationale Électorale (CNE). Les candidats aux prochaines élections présidentielles pouvaient déposer leur candidature du 20 au 29 janvier. Le 31 janvier, la CNE a publié la liste des candidats à la présidence : Abdel Fattah Al-Sissi est officiellement candidat à sa propre succession et Moussa Moustapha Moussa, chef du parti Al Ghad, fera figure d’opposant. Partisan d’Al-Sissi, ce dernier avait participé à sa campagne électorale en 2014. La campagne électorale a débuté le 24 février et s’achèvera le 23 mars.
Cinq personnalités d’opposition ont appelé au boycott de l’élection présidentielle et dénoncé les pratiques visant selon eux à « empêcher toute compétition loyale ». Al-Sissi a mis en garde contre toute tentative de déstabilisation du pays et de boycott des élections, affirmant que « ce qu’il s’est passé il y a sept ou huit ans n’arrivera plus jamais en Égypte », en référence à la révolution du 25 janvier 2011.
Une militante des droits humains emprisonnée
Le tribunal correctionnel d’Alexandrie a condamné le 26 décembre dernier l’avocate et militante des droits humains Mahienour Al Masry à deux ans de prison pour participation à une manifestation non-autorisée contre la cession des îles Tiran et Sanafir à l’Arabie Saoudite. Ces îles, situées à la sortie du golfe d’Aqaba entre la péninsule du Sinaï et la péninsule arabique, sont passées sous souveraineté saoudienne le 24 juin 2017. L’accord a été ratifié par le président Al-Sissi malgré la très grande impopularité de cette décision, considérée comme un acte de soumission à Riyad et à ses pétrodollars.
L’état d’urgence prorogé pour trois mois supplémentaires
Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a signé un décret présidentiel afin de prolonger l’état d’urgence de trois mois supplémentaires à compter du 13 janvier. Il était entré en vigueur sur l’ensemble du territoire égyptien en avril 2017, à la suite d’une vague d’attentats contre la communauté copte (cf. revue de presse – politique, avril 2017).
Remaniement ministériel à deux mois de l’échéance présidentielle
Le Parlement égyptien a approuvé le 14 janvier un remaniement limité du gouvernement. Quatre nouveaux ministres ont été nommés : Abu Bakr Al Gendi au ministère du Développement local, Khaled Badawy au ministère de l’Entreprenariat public, Rania Al Mashat au ministère du Tourisme et Enas Abdel Dayem, première femme à se hisser à la tête du ministère de la Culture depuis sa création en 1958.
Avec six femmes simultanément en poste, la représentation féminine au gouvernement égyptien atteint à ce jour 17,6%. Il s’agit d’un record dans l’histoire de l’Égypte. Les quatre autres ministres en poste sont Saha Nasr, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale, Ghada Wali, ministre de la Solidarité sociale, Nabila Makram Abd El Shaheed, ministre de l’Immigration et des Égyptiens expatriés, et Hala al-Saeed, ministre du Plan.
Le ministre du Logement Moustapha Madbuly est confirmé dans sa fonction de Premier ministre par intérim. Le Premier ministre titulaire Sherif Ismaïl est toujours en convalescence en Allemagne depuis novembre dernier suite à une opération chirurgicale.
Politique extérieure
Jérusalem capitale d’Israël : l’Égypte ambiguë
La décision unilatérale du président des États-Unis Donald Trump de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël le 6 décembre dernier a été unanimement condamnée par l’ensemble des nations arabes. En réponse, l’Égypte a présenté une résolution aux Nations Unies disposant que toute action qui altèrerait le statut de Jérusalem sera « nulle et non avenue » en vertu du droit international. Si quatorze des quinze membres du Conseil de sécurité ont voté favorablement à ce texte d’initiative égyptienne, la diplomatie américaine a opposé son veto. Le porte-parole du ministère égyptien des Affaires étrangères Ahmed Abu Zeid a solennellement exprimé les regrets de l’Égypte vis-à-vis de ce blocage.
Le New York Times a néanmoins mis la main sur quatre enregistrements, fournis par une source anonyme visiblement hostile au président Al-Sissi, qui ont souligné l’ambiguïté de la position égyptienne sur la question de Jérusalem. On y entend le capitaine Ashraf Al Kholi, officier de renseignement égyptien, affirmer que l’opposition à la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël nuirait aux intérêts nationaux de l’Égypte. Il répète à plusieurs reprises : « En quoi Jérusalem est-elle différente de Ramallah ? ». Ramallah, située en Cisjordanie, est actuellement la capitale administrative de l’Autorité palestinienne. L’authenticité de ces enregistrements a été niée par les officiels égyptiens, et le procureur général a ordonné le lancement d’une enquête contre le quotidien américain, accusé de « saper la sécurité et la paix publique en Égypte, et nuire aux intérêts publics du pays ».
Dégradation des relations diplomatiques avec le Soudan
La cession d’un bail sur une île du Soudan à la Turquie a conduit à la crispation des relations diplomatiques égypto-soudanaises. À l’occasion d’une visite officielle du président turc Recep Tayyip Erdogan le 26 décembre à Khartoum, le Soudan a annoncé l’octroi d’un bail de 99 ans sur la presqu’île de Suakin, ancienne possession ottomane, à la Turquie. Des rumeurs indiquent que le régime turc aurait pour ambition d’y installer une base militaire. Cet ancrage stratégique de la Turquie dans la région a provoqué l’ire des dirigeants et médias égyptiens. L’éditorialiste Emad Abeedd écrit dans une tribune publiée dans le journal Al Watan que « le Soudan viole les règles de l’histoire et de la géographie et conspire contre l’Égypte sous les ombres de la folie turque ».
Le Caire et Ankara entretiennent des rapports tumultueux depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi (cf. revue de presse – politique, décembre 2017) malgré une volonté de normalisation de leurs relations diplomatiques.
Les relations de l’Égypte avec le Soudan sont également tendues en raison du dossier relatif au triangle de Halayeb, région frontalière administrée par l’Égypte sur laquelle le Soudan revendique sa souveraineté, ainsi qu’en raison du projet de construction du barrage Renaissance en Éthiopie.
Rendez-vous au 30e sommet de l’Union africaine
Le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukry s’est rendu le 24 janvier à Addis Abada, la capitale de l’Éthiopie, afin de participer au 30e sommet de l’Union africaine. Cette organisation, créée à la suite de l’OUA en 2002 en application de la déclaration de Syrte, se compose de 55 États membres. Elle s’est donnée pour ambition le développement du continent africain sous tous ses aspects. Le slogan de l’édition 2018 est « Gagner la lutte contre la corruption : une approche durable de la transformation de l’Afrique ».
L’Égypte a présidé les réunions du conseil Paix et Sécurité, auxquelles le président Al Sissi a personnellement assisté à partir du 27 janvier. Son déplacement a également été l’occasion de tenir plusieurs rencontres bilatérales avec d’autres dirigeants africains.
Renaissance : le barrage de la discorde
Le projet du grand barrage de la Renaissance sur le Nil constitue une pomme de discorde entre l’Égypte et le Soudan. L’Égypte a récemment proposé à l’Éthiopie que le Soudan soit exclu des négociations et remplacé par une délégation de la Banque mondiale, afin de faciliter les discussions. L’Éthiopie a rejeté le 21 janvier dernier cet arbitrage par un tiers.
Le président égyptien Al Sissi a pu rencontrer son homologue soudanais Omar Bashir et le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn en marge du sommet de l’Union africaine afin de poursuivre les négociations autour du barrage de la Renaissance.
L’Égypte fait régulièrement part de ses préoccupations quant à la réalisation de ce projet d’envergure et la possible réduction de sa part annuelle en eau. Dans les négociations, le Soudan soutient l’Éthiopie au détriment de l’Égypte : le projet résoudrait en effet les problèmes d’inondations au Soudan et fournirait le pays en électricité.