Politique intérieure
La constitution bientôt amendée ?
Alaa Abed, président de la commission des droits de l’Homme du Parlement, a défendu le projet d’amender la Constitution égyptienne afin d’étendre les prérogatives et la durée du mandat du chef de l’État. Ce rallongement du mandat présidentiel, actuellement de 4 ans, devrait permettre, selon Abed, la mise en œuvre des politiques publiques nécessaires au « redressement de l’Égypte ». Reste à savoir si ces débats parlementaires auront des conséquences sur la tenue de la prochaine élection présidentielle en 2018. De son côté, le gouvernement égyptien a affirmé n’avoir aucune intention de modifier l’actuelle constitution, adoptée en 2014 par référendum.
Vers l’élection présidentielle de 2018
Une loi de 36 articles, ratifiée le 7 août, est à l’origine de la création de la Commission électorale nationale (CEN – al-Hay’a al-wataniyya li-l-intikhabat) dont les missions sont la révision des listes électorales, l’organisation et la supervision des référendums et des élections (présidentielles, législatives et municipales) ainsi que le contrôle de leur régularité. La formation de cette nouvelle autorité, officiellement indépendante et neutre, intervient moins d’une année avant le prochain scrutin présidentiel, qui devrait se tenir avant le début du mois de Ramadan, le 11 mai 2018. Conformément à l’article 5 de la loi, les dix membres du conseil d’administration du CEN, ont été élus par le Conseil supérieur des juges avant d’être approuvés par le chef de l’État en octobre, pour un mandat de 6 ans. La CEN remplace la Commission électorale suprême et la Commission des élections présidentielles et réforme en profondeur le système de supervision des urnes par les juges.
Si le président Al-Sissi n’a fait aucune déclaration officielle quant à sa participation au prochain scrutin, il a appelé tous les Égyptiens à se rendre aux urnes lors de la Conférence nationale de la jeunesse qui s’est tenue à Alexandrie le 24 juillet.
Prison à perpétuité pour Mohamed Morsi
La peine de prison à perpétuité du président déchu Mohamed Morsi a été confirmée le 16 septembre par la cour de Cassation, dont les décisions ne peuvent entraîner de recours. Issu du parti politique Liberté et Justice des Frères musulmans et premier président élu démocratiquement en 2012, Mohamed Morsi est condamné pour avoir dirigé une organisation qualifiée d’illégale et de terroriste par les autorités égyptiennes. Dans le système pénal égyptien, la peine à perpétuité correspond à 25 ans de prison ferme. L’ancien président est aujourd’hui âgé de 66 ans.
L’état d’urgence prolongé pour trois mois
L’état d’urgence a été renouvelé pour la seconde fois par décret présidentiel pour une durée de 3 mois, le 12 octobre. L’état d’urgence, approuvé par le Parlement égyptien en avril dernier à la suite des attentats terroristes perpétrés contre la communauté copte à Tanta et Alexandrie (cf. revue de presse – Politique, avril 2017), avait été prorogé une première fois le 10 juillet. En vertu de l’état d’urgence, les prérogatives de la police sont étendues en matière d’arrestation, de surveillance et de restriction de la liberté de mouvement.
Les forces de police prises au piège dans une embuscade terroriste
Une fusillade entre les forces de sécurité égyptiennes et des activistes présumés a causé la mort de plus d’une dizaine de policiers dans la nuit du 20 octobre. Cette violente escarmouche, qui a eu lieu dans l’oasis d’Al-Bahariya située dans le désert occidental égyptien, est survenue lors d’une tentative de perquisition des forces de l’ordre dans un repère soupçonné d’appartenir au groupe Hasm, bras armé des Frères musulmans, organisation interdite depuis 2013. Cependant, aucune organisation n’a revendiqué l’attaque et la confrérie dément les accusations qui lui sont faites.
Quelques jours plus tard, le gouvernement a annoncé le remplacement de hauts responsables de la sécurité dont le chef d’état-major des armées et le chef de la direction de la sécurité nationale. Ce remaniement au sein de l’appareil sécuritaire égyptien survient après la parution de rapports contradictoires sur le nombre de victimes lors des affrontements. Alors que le ministère de l’Intérieur a fait état de 16 morts dont 11 officiers et 5 conscrits, des sources alternatives au sein même des forces de sécurité mais restées anonymes ont annoncé au moins 54 morts parmi le personnel dont 20 officiers et 34 conscrits.
Charm El Cheikh accueille le Forum Mondial de la Jeunesse 2017
Le Forum Mondial de la Jeunesse qui se tient à Charm El Cheikh reçoit la jeunesse du monde entier du 4 au 10 novembre. Organisé par le gouvernement égyptien et parrainé par le président Al-Sissi, l’édition 2017 réunit des représentants de la jeunesse de plus de 113 pays différents autour de diverses thématiques telles que l’emploi, le développement durable, l’entreprenariat et les migrations.
Le slogan « We Need To Talk », lancé dans la vidéo promotionnelle de l’événement, a été l’objet de détournements de la part de journalistes et activistes égyptiens afin d’attirer l’attention sur de graves problèmes que doit affronter la jeunesse égyptienne en raison de la dureté du régime politique comme les disparitions de journalistes, la torture ou les violentes interpellations de militants par les forces de l’ordre.
Politique extérieure
L’Afrique au cœur de la politique étrangère égyptienne
Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a débuté sa tournée africaine le 14 août en Tanzanie. Il s’est successivement rendu au Rwanda et au Gabon avant de terminer au Tchad le 18 août. Cette série de visites officielles sur le continent africain avait pour objectif la consolidation de la coopération économique et de la lutte antiterroriste. Le président égyptien a en effet réaffirmé sa volonté de multiplier les projets au travers de l’Agence égyptienne du partenariat pour le développement (EAPD), organisation gouvernementale créée en juillet 2014 afin de renforcer la présence de l’Égypte dans les pays africains et musulmans.
Al-Sissi à la tribune des Nations-Unies
Le président égyptien s’est rendu à New York du 21 au 25 septembre afin d’assister à l’Assemblée générale des Nations Unies. Dans un discours prononcé à la tribune, Abdel-Fattah Al-Sissi a énoncé les grandes orientations de la politique étrangère égyptienne. En Syrie comme en Libye, il s’est prononcé en faveur d’une solution politique inclusive afin de favoriser un climat d’unité et de combattre le terrorisme. S’en est suivi un plaidoyer en faveur de l’établissement d’un État palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale. Le chef d’État égyptien en a aussi profité pour rencontrer officiellement le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou afin de relancer le processus de paix entre les parties israélienne et palestinienne.
Le président égyptien en France
Le président Abdel-Fattah Al-Sissi était en visite officielle à Paris du 23 au 26 octobre et a été reçu pour la première fois par son homologue français Emmanuel Macron au Palais de l’Élysée. Les relations commerciales ainsi que la lutte antiterroriste ont constitué le cœur des discussions entre les deux chefs d’État. Une série d’accords bilatéraux d’une valeur de 400 millions d’euros visant à renforcer la coopération franco-égyptienne a par ailleurs été signée pour le financement de centres de soins, l’agrandissement de la station d’épuration d’Alexandrie et la construction de centrales solaires en Égypte.
Depuis 2015, l’Égypte a fait l’acquisition de 24 avions de combat Rafale, deux porte-hélicoptères Mistral, une frégate et des missiles.
Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont protesté contre la venue d’Al-Sissi et exhorté Macron à dénoncer les violations des droits de l’Homme en Égypte, ce à quoi ce dernier a répondu qu’il ne souhaitait « pas donner de leçons » à ce sujet « hors de tout contexte ».
Human Rights Watch sur le banc des accusés
Le Parlement égyptien a déposé une plainte, le 13 octobre, contre l’organisation Human Rights Watch (HRW) pour diffamation et manipulation à l’Union parlementaire internationale suite à son dernier rapport sur la torture sous la présidence d’Al-Sissi. Ce document dénonce des violations flagrantes des droits de l’Homme. Il évoque notamment le recours généralisé et systématique à la torture à l’encontre des prisonniers politiques, ce qui pourrait constituer un « crime contre l’humanité ». Au lendemain de la publication de ce rapport accablant, le 7 septembre, les autorités égyptiennes ont décidé de bloquer le site internet de l’ONG internationale.
Les députés à l’origine de cette plainte dénoncent un « complot » fomenté par Human Rights Watch, une « organisation soutenant les Frères musulmans et le régime qatari et visant à nuire à la réputation et à la stabilité de l’Égypte ».
En visite officielle à Paris, le président Abdel-Fattah Al-Sissi a déclaré qu’aucun prisonnier politique n’était détenu en Égypte lors d’une entrevue télévisée pour France24.
Fin de la course à l’UNESCO
La candidate égyptienne Mouchira Khattab s’est inclinée devant la Française Audrey Azoulay dans la compétition pour le poste de directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Malgré de bonnes chances de l’emporter (cf. revue de presse – Politique, mai 2017), l’ancienne diplomate, en concurrence avec des représentants du Liban, de l’Irak puis du Qatar en dernière ligne droite, a souffert de la dispersion des voix arabes. L’espoir de porter une personnalité arabe au plus haut poste de l’organisation pour la première fois de son histoire n’a ainsi pas permis d’établir un consensus entre les États arabes autour d’une candidature unique. Après l’élimination de Mouchira Khattab, l’Égypte a officiellement apporté son soutien à la candidate française face au candidat qatari Hamad bin Abdoulaziz Al-Kawari. Les relations diplomatiques entre Le Caire et Doha sont gelées depuis juin dernier.
Orane Nozi