Principaux indicateurs économiques
Réserves de devises étrangères
Les réserves de devises étrangères continuent d’augmenter et s’élèvent à 26,5 milliards de dollars en février, soit une augmentation de 2 milliards depuis le mois de décembre. D’après la Banque centrale, les réserves sont désormais suffisantes pour couvrir six mois d’importations. Si de nombreux Égyptiens expatriés ont été encouragés à rapatrier leurs revenus suite à la dévaluation de la monnaie, c’est principalement la vente record d’euro-obligations pour un montant de 4 milliards de dollars, fin janvier, qui a permis de renforcer une nouvelle fois les réserves étrangères. Les euro-obligations sont des titres boursiers que l’acheteur est « obligé » de revendre après une certaine durée. Elles sont émises par un pays dans une monnaie différente de la monnaie nationale, ici le dollar au lieu de la livre égyptienne.
Balance commerciale
Les exportations égyptiennes ont bondi de 25% au mois de janvier, ramenant le déficit de la balance commerciale à 3,5 milliards de dollars.
Inflation et taux de change
Le taux d’inflation a de nouveau battu un record au mois de janvier, atteignant 29,3% pour le taux global et presque 31% pour l’inflation sous-jacente, soit les niveaux les plus hauts depuis la dévaluation du 3 novembre 2016. Selon le ministre des Finances l’inflation devrait ralentir au mois d’avril, prévision partagée par le FMI qui table sur une accalmie au cours de l’année 2017. Ces prévisions expliquent en partie le choix de la Banque centrale de ne pas remonter le taux d’intérêt directeur (une mesure permettant de compenser l’inflation). Elle s’est aussi justifiée en expliquant que la cause principale de cette flambée des prix était la faiblesse de la monnaie. Dans cette optique, toucher au taux d’intérêt n’aurait qu’un effet négligeable. Il est donc préférable d’attendre que la livre reprenne de la valeur, sous l’effet des réformes structurelles engagées par le gouvernement.
Le phénomène s’est vérifié fin février quand la livre égyptienne valait environ 16 dollars : à cette occasion les institutions ont fixé le dollar douanier à 15,75 LE. Cependant, la tendance ne s’est pas encore confirmée et, au 7 mars 2017, la livre est déjà remontée à 18 dollars.
Chômage
D’après le CAPMAS (Institut national égyptien des statistiques), le nombre de chômeurs a diminué de 49 000 personnes au dernier trimestre de l’année 2016. Le taux de chômage s’élève à 12,4% au cours de cette période, avec une différence très nette entre les hommes (8,9%) et les femmes (25,4%).
Retour de l’impôt sur le capital et réforme de l’impôt sur le revenu
Le droit de timbre est un impôt sur les titres achetés et vendus en bourse, le principe étant de taxer les gains du capital qui circule sur les places financières. Il a été appliqué de mai 2013 à juin 2014 (générant 350 millions de LE de revenus) puis remplacé par une taxe de 10%, elle-même suspendue en mai 2015, sous la pression des investisseurs. Alors que cette suspension venait d’être prolongée, le gouvernement égyptien est sur le point de faire marche arrière et étudie la possibilité d’un retour des droits de timbre, jugeant que l’afflux de capitaux depuis la dévaluation lui permet désormais d’appliquer cette mesure sans crainte. Les recommandations du FMI, après l’attribution du prêt de 12 milliards de dollars, auraient joué un rôle dans ce revirement.
Le Parlement égyptien a voté une loi visant à élever le seuil d’exemption de l’impôt sur le revenu. Jusqu’ici, tous les Égyptiens gagnants moins de 13 500 LE par an ne payaient pas cet impôt : la loi propose d’élever ce niveau à un revenu de 24 000 LE par an. Le gouvernement est en théorie obligé d’appliquer les lois votées par le Parlement. Cependant, d’un point de vue pratique, il faudra attendre la confirmation de l’exécutif pour que la loi soit validée. Cette mesure pourrait s’avérer populaire et, associée au retour de la taxe sur le capital, donner le sentiment d’une plus grande justice sociale aux citoyens.
Le gouvernement parviendra-t-il à minimiser l’impact des mesures d’austérité sur les classes moyennes et pauvres de la population ?
Plusieurs mois après le lancement du programme de réformes structurelles engagé par le gouvernement, avec pour mesures emblématiques la dévaluation de la livre (3 novembre 2016), la taxe sur la valeur ajoutée et la baisse des subventions de carburant, les réactions de la société civile affluent. Elles alimentent le débat qui se limitait jusqu’alors à un dialogue entre le gouvernement égyptien et les experts du Fonds monétaire international (FMI). Le rapport de l’institution financière concernant le prêt de 12 milliards a été publié : il donne les conditions d’attribution du prêt et détaille comment l’argent devra être utilisé.
Parmi les multiples études sur le sujet, un rapport récent de l’Initiative égyptienne pour les droits individuels (IEDI) montre que la forte hausse des prix de l’électricité est ressentie en premier lieu par les personnes pauvres. L’État met en œuvre plusieurs programmes pour compenser l’effet des réformes structurelles sur une partie de la population : subventions sur les denrées alimentaires, assurance santé, et enfin deux fonds de soutien créés en 2015 (« Fonds dignité » et « Fonds solidarité »). Ces organismes ont reçu en tout 6 milliards de LE pour l’année fiscale 2016-2017 et le ministre des Finances prévoit d’étendre leur champ d’action à 1,5 million de familles dans les trois années à venir. Cependant, d’après Heba al-Leithy, professeure de statistiques à l’université du Caire et responsable au CAPMAS, ce programme est loin de couvrir la totalité des familles pauvres dont le nombre est estimé à 5 ou 6 millions.
Le congrès inaugural de la « Campagne populaire contre les politiques d’appauvrissement », mouvement aussi connu sous le nom « Nous voulons vivre », s’est tenu à la mi-janvier. Cette initiative regroupe des partis politiques, des ONG, ainsi que des organisations comme l’Union égyptienne des travailleurs pétroliers ou le Front de défense des journalistes. Ils dénoncent le prêt du FMI accordé à l’Égypte et le programme de réformes qui l’accompagne. Le groupe pointe notamment la responsabilité du gouvernement qui a fait « le choix politique » de l’appauvrissement de la population.
Investissements
Investissements étrangers
Les promesses et les réalisations d’investissements étrangers en Égypte n’ont pas manqué au début de l’année 2017. Voici un tour d’horizon des pays concernés, de l’Extrême-Orient à l’Europe.
La Chine et la Russie ont toutes deux signé des contrats pour développer des activités dans le cadre de la nouvelle Zone économique du canal de Suez (voir rubrique suivante).
L’entreprise émiratie Majid Al Futtaim a inauguré le « Mall of Egypt », situé sur Wahat road près de la ville de Six-Octobre, le 2 mars. Il représente un investissement de 6 milliards de LE.
Pour la première fois depuis trois ans, une délégation turque s’est rendue dans le pays, le dimanche 29 janvier. Composée d’entrepreneurs dans l’agroalimentaire, l’énergie et le tourisme, la délégation ne comprenait aucun membre du gouvernement turc. Les deux pays sont en froid depuis la chute de Mohammed Morsi en juillet 2013.
La chancelière allemande Angela Merkel est venue début mars pour inaugurer la première phase d’un plan de construction de centrales électriques par l’entreprise Siemens. C’est sa première visite en Égypte depuis 2007. Le contrat, signé en 2015 (8 milliards d’euros), prévoit la construction de trois centrales électriques et de douze installations éoliennes, pour arriver à une augmentation de 50% de la production d’électricité en 2018. Les centrales seront construites à Béni Suef, au lac de Burullus, et dans la nouvelle capitale administrative.
Investissements nationaux
La dévaluation de la livre ne profite pas à tous : ainsi, l’entreprise Juhayna a annoncé qu’elle réduira ses investissements en 2017 en raison de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat des Égyptiens.
Un groupe de promoteurs immobiliers égyptiens a décidé la suspension d’un projet de construction (10 000 à 15 000 logements) en Arabie Saoudite, en raison des tensions entre les deux pays.
Canal de Suez
Les revenus engendrés par la voie de navigation ont atteint 395 millions de dollars en janvier, soit 40 millions de moins qu’au même mois l’année précédente.
Une délégation russe emmenée par le ministre de l’Industrie Gleb Nikitin, et comptant quelques 35 entreprises, s’est rendue en Égypte début mars. Les deux pays doivent signer en mai un contrat pour l’établissement d’une zone industrielle à Port-Saïd. De son côté l’entreprise chinoise Goodsense va investir 100 millions de dollars pour construire une usine d’aluminium dans la zone industrielle d’Ataqa (Suez), en association avec la firme égypto-saoudienne Wellbond. Une surface de 16 000 m² a été réservée. Ces deux projets s’inscrivent dans le développement de la Zone économique du canal de Suez.
Tourisme
La célèbre agence de voyage Thomas Cook a affirmé début février que les demandes de séjour touristiques en Égypte étaient en hausse, tout en réitérant les recommandations de sécurité relatives à la circulation dans le pays. La Royaume-Uni maintient le bannissement des vols charters à destination de Charm-el-Cheikh. Le sujet a été abordé lors de la visite au Caire du ministre de Affaires Étrangères britannique, Boris Johnson, mais aucune déclaration dans le sens d’un retour officiel des touristes d’outre-manche n’a été faite.
À l’occasion des vacances de la mi-année, de nombreux Égyptiens se rendent dans la station balnéaire d’Hurghada qui a enregistré une hausse des réservations. Beaucoup d’Ukrainiens ont également fait le voyage : le gouverneur a déclaré que leur nombre était en hausse de 20% par rapport au même mois de l’année précédente.
Le ministre russe des transports Maxim Solokov a déclaré qu’il donnera son accord au mois de mars pour la reprise des vols russes vers l’Égypte. Après le crash d’octobre 2015, les deux pays se sont engagés dans un partenariat visant à renforcer la sécurité des aéroports et de l’aviation civile égyptienne.
La foire « Le Marché », dont l’annulation était évoquée dans la précédente revue de presse, a finalement été reportée au mois d’avril par le ministère de l’intérieur, sans toutefois préciser de date exacte pour sa tenue.
ERRATUM – Revue économie décembre 2016
Nous avions écrit que l’État égyptien avait acheté des obligations européennes. L’article cité affirme en fait que l’Égypte est sur le point d’émettre des euro-obligations, c’est-à-dire des obligations émises dans une monnaie différente de la monnaie du pays émetteur.
Pierre Crésut