Le mirage du 11 Novembre
Le vendredi 11 novembre, tôt dans la journée, la police anti-émeutes ainsi que des véhicules armés ont pris possession des principales rues du Caire. Emblème de la contestation politique, la place Tahrir s’est remplie de dizaines de militaires. La station de métro Anouar Al-Sadate a été fermée.
Ces manœuvres ont été effectuées afin de contenir d’éventuelles manifestations contre la détérioration de la situation socio-économique égyptienne. Des appels à la contestation avaient été formulés dès le mois d’août, principalement sur les réseaux sociaux. Quelques jours avant le 11 novembre, le mouvement de contestation a semblé gagner de l’importance, après l’augmentation générale des prix et l’annonce de la flottaison de la livre égyptienne qui a diminué le pouvoir d’achat des Égyptiens.
Pourtant, « le mouvement des pauvres » n’a pas eu lieu. Interrogé par le Cairo Post, un chauffeur de taxi justifiait cet échec par la peur de la répression. Ce mouvement a par ailleurs reçu le soutien des Frères Musulmans. La confrérie fait l’objet d’une intense répression et de représailles depuis la destitution du Président Mohamed Morsi. Cette répression a redoublé d’intensité après que le Ministre de l’intérieur a parlé des possibles manifestations du 11 novembre comme d’un « complot des Frères Musulmans ».
Les jours précédents, de nombreuses personnes proches ou faisant partie de la confrérie ont été arrêtées au Caire ainsi que dans le Gouvernorat de Al-Beheira (nord de l’Egypte) et dans la province de Fayoum. Des armes et de nombreuses munitions ont d’ailleurs été saisies dans l’oasis le 11 novembre.
RELIGION
L’article 98 du code pénal remis en cause
L’article 98 du code pénal égyptien stipule que “toute personne qui dénigre l’une des religions monothéistes (islam, christianisme et judaïsme) ou l’unité nationale, encourt entre six mois et cinq ans de prison ainsi qu’une amende de 500 L.E. au minimum”. En vertu de cet article, le présentateur de télévision Islam Al-Beheiri, ainsi que l’écrivaine Fatima Naoot ont récemment été condamnés pour “outrage à la religion”. Ces décisions ont suscité de vifs débats au sein du milieu culturel et politique égyptien. Ouvertement contre l’article 98, Amna Nosseir, Professeure à l’Université d’Al-Azhar, a proposé sa suppression car il brime “la nature des choses qui veut que les gens soient différents les uns des autres”.
Bien que la commission des lois ait refusé d’annuler cet article, plusieurs professeurs et intellectuels ont appuyé la proposition d’Amna Nosseir. Ces soutiens mettent en lumière les nombreuses contradictions de l’article 98 avec d’autres articles de la Constitution qui garantissent la “liberté de la création artistique et littéraire” (article 67), ou stipulent qu’il est “interdit de censurer, confisquer, suspendre ou fermer de quelque manière que ce soit les journaux et les médias égyptiens.”. Face à ces critiques, de nombreux parlementaires affirment que l’annulation de l’article 98 mettrait en danger les musulmans et les chrétiens d’Égypte, les exposant à des insultes ou à la discrimination contre leurs religions respectives.
Toutefois, l’activiste copte Rami Kamel est convaincu que cet article 98, destiné officiellement à protéger la religion contre d’éventuelles insultes, est un instrument utilisé par l’Etat à l’encontre des coptes. Le débat reste vif, tandis qu’un rapport de l’Initiative égyptienne pour les droits civiques révèle que 81 citoyens auraient été condamnés pour insulte à la religion entre 2011 et 2015.
SANTE
L’Institute for Health Metrics and Evaluation publie un rapport inquiétant
En septembre dernier, l’IHME (Institute for Health Metrics and Evaluation) a publié un nouveau rapport sur l’état sanitaire en Méditerranée orientale, six ans après le précédent.
Selon Madamasr, Ali Mokdad, co-auteur du rapport, sonne l’alerte face au sérieux manque de moyens pour faire face aux nouvelles maladies présentes en Égypte. En effet, l’ouverture économique, gage d’une circulation accrue de biens, s’est aussi traduite par le développement de maladies longtemps considérées “propres” aux pays occidentaux, comme l’obésité, le diabète ou les problèmes cardio-vasculaires.
Le rapport propose de traiter ce problème sanitaire par plusieurs actions. Accroître les investissements dans le domaine de la santé est indispensable, d’autant que l’Article 18 de la Constitution égyptienne stipule qu’au moins 3% du PIB doivent lui être alloués. Encourager les citoyens à aller rapidement consulter un médecin en cas d’obésité ou d’hypertension est aussi nécessaire pour le Ministère de la Santé, afin de prévenir des maladies plus graves. La population égyptienne étant jeune, il est crucial de la sensibiliser vite.
Ali Mokdad préconise une approche plurielle, dépassant le strict domaine sanitaire. Ainsi, tout Égyptien devrait pouvoir se procurer des légumes et des fruits à un prix abordable, tandis que les programmes scolaires devraient mettre davantage l’accent sur les activités sportives. De même, les rues pourraient selon lui être rénovées de façon à faciliter la marche. Enfin, Mokdad suggère au gouvernement de mettre en place des mesures pour restreindre progressivement la consommation de tabac dans les lieux publics.
FEMMES
Bientôt un test de virginité pour entrer à l’université ?
L’idée de rendre obligatoire les tests de virginité pour les femmes souhaitant entrer à l’université a été proposée le 30 septembre dernier par Elhamy Agina, membre du Parlement égyptien. Ce député suggère que “toute fille qui entre à l’université doit être examinée afin de prouver qu’elle est vierge” et il propose d’informer les parents des jeunes femmes ayant échoué aux “tests”. Cette proposition a été moquée sur de nombreux réseaux sociaux. Le député a indiqué ultérieurement que ses propos avaient été mal interprétés et qu’il ne répondrait plus aux questions des médias : “C’était une simple suggestion, pas une demande officielle”, s’est-il défendu.
Les femmes et le sport en Egypte : un vent nouveau
Hedaya Malak, 23 ans, a rapporté une médaille de bronze en taekwondo aux Jeux Olympiques de Rio. Lors de cette dernière édition, l’Egypte a remporté trois médailles en tout, dont deux ont été décrochées par des femmes. Les athlètes égyptiennes ont largement participé au palmarès des médailles des Jeux paralympiques, puisqu’elles ont décroché cinq des huit médailles totalisées par l’Egypte.
Hedaya Malak et Sara Ahmed, deux athlètes ayant décroché le bronze aux JO de Rio, ont été couvertes de louanges sur les réseaux sociaux après leur victoire. Les femmes égyptiennes étant nettement moins mises en valeur que les hommes dans le milieu sportif, cela ravive les espoirs des jeunes athlètes féminines, et leur rappelle qu’il y a de la place pour de nouvelles championnes.
Difficultés pour les femmes seules de réserver une chambre d’hôtel
Selon une enquête menée par Madamasr, il est extrêmement difficile pour une femme égyptienne seule de réserver une chambre dans un hôtel, que ce soit à Alexandrie, au Caire ou dans plusieurs villes de Haute Egypte. D’après de nombreux témoignages, ces dernières se voient refuser la réservation d’une chambre si elles ne sont pas accompagnées d’un homme de leur famille, ou de leur mari. Les hôteliers demandent même parfois une lettre “d’autorisation” signée par un membre masculin de la famille, ou par l’entreprise s’il s’agit d’un voyage d’affaire.
Ces comportements discriminants semblent le fait d’hôtels “moyens”, ce qui est d’autant plus étonnant qu’ils subissent de plein fouet la crise touristique et la désertion de leur établissement. Ces agissements sont vécus comme une humiliation par les femmes qui se voient contraintes de se tourner vers des hôtels luxueux. Ces derniers, bien que difficile d’accès financièrement, continuent d’accepter la présence de femmes seules.
EDUCATION
Partenariat public – privé pour la construction d’écoles
En janvier dernier, M. Yousry Abdallah, chef de l’Autorité Générale du Ministère de l’Education, évoquait, dans le journal pro-gouvernemental Al-Ahram, l’un des problèmes majeurs de la société égyptienne : le fort taux d’analphabétisme (28%). Cette situation découle en premier lieu du faible nombre d’écoles à l’échelle nationale, et de la surpopulation de beaucoup d’entre elles. Afin de remédier à ce problème d’envergure, le Ministre de l’Education M. Al-Helaly al-Sherbiny a annoncé, en septembre 2016, la création d’un nouveau partenariat public – privé pour assurer la construction, dès 2017, de 20 000 salles de classe et garantir « une bonne éducation aux frais de scolarité abordables ».
La première étape du projet, qui comprend la construction de 200 écoles, doit être réalisée grâce à l’appel d’offre lancé par le gouvernement en août dernier pour « le financement, la conception, la construction, l’exploitation, l’utilisation et l’entretien » de ces établissements.
Ce projet a pour but d’aider les classes moyennes à trouver une école financièrement abordable et vise à désengorger les écoles publiques existantes. Interrogés par MadaMasr, certains pensent que le programme, dirigé vers les milieux sociaux aisés, n’affectera en aucune manière les classes moyennes et que l’objectif de ramener les effectifs de classe à 35 élèves maximum (effectifs atteignant parfois 100 élèves) ne sera pas atteint.
Parallèlement, l’éducation à domicile se développe peu à peu en Égypte. La possibilité de choisir les thématiques abordées et la volonté de certains parents d’offrir à leurs enfants un enseignement de qualité, les poussent à opter pour cette solution qui n’est pas sans poser question, notamment au sujet de la socialisation de l’enfant.
Restrictions des libertés universitaires
Le 2 novembre 2016, MadaMasr révélait que le Ministre de l’Enseignement Supérieur M. Achraf Al-Shihy avait publié une déclaration obligeant les universités à examiner et contrôler tous les documents de recherches et les thèses des étudiants afin de s’assurer que ceux-ci ne comportent pas « d’insultes directes ou indirectes envers des sociétés ou des individus appartenant à des pays-frères ou des pays-amis ».
Un professeur d’une des universités privées du Caire désireux de garder l’anonymat, dénonce la dangerosité de cette restriction des libertés universitaires étant donné l’évolution permanente des relations extérieures de l’Égypte. Il prend notamment l’exemple des relations égypto-saoudiennes hier au beau fixe, et désormais sujettes à tensions.
Cette décision s’inscrit dans une plus large série de réformes liées à l’université et vouées à contrôler plus strictement la jeunesse universitaire.
SPORT
Dimanche 13 novembre, l’équipe nationale de football égyptienne a battu l’équipe du Ghana (2 buts à 0) à l’occasion des éliminatoires pour la Coupe du Monde de football prévue en Russie en 2018. Les Pharaons occupent la première place de leur groupe, et affronteront l’Ouganda lors du prochain match, en août 2017.
CULTURE
Mahmoud Abdel Aziz, légende du cinéma égyptien, est décédé le 12 novembre, à 70 ans. « Le Magicien » a tourné dans 84 films et plus de 15 séries. Ses rôles dans Al-Hafeed (1974), Raafat El-Hagan (1983) ou El-Kit Kat (1991) ont marqué des millions d’Egyptiens.
B.F. et A.G.