TRANSPORTS
Le feuilleton du trio Uber, Careem et taxis
Le début du mois de septembre a été marqué par des annonces de la part de deux concurrents Careem et Uber. Le premier a fait connaître son désir d’incorporer à son système les fameux « taxis blancs » de la capitale égyptienne. Plus de 42 000 chauffeurs de taxi seraient dans le viseur de l’entreprise dubaïote. En proposant aux taxis classiques d’obtenir une course via son application en échange d’une commission, Careem espère étendre son emprise sur le marché des taxis égyptiens, et probablement calmer la colère des « taxis blancs » manifestée au printemps dernier à l’encontre des deux entreprises (lire la revue de presse de mars 2016). Les chauffeurs de « taxi blanc » toucheront cependant une rémunération plus basse que les chauffeurs privés.
De son côté, Uber connaît un grand succès, avec plus de 30 000 usagers cairotes, un an après son lancement dans la capitale. Le Directeur Général de l’entreprise américaine en Égypte a d’ailleurs annoncé un nouvel investissement de 500 millions de livres égyptiennes. Ces deux annonces illustrent l’enjeu des transports dans la mégapole égyptienne. Le gouvernement a rappelé à cette occasion son soutien à l’initiative Uber, en soulignant l’apport de l’entreprise dans la diversité de services existant en Égypte.
Cette rentrée 2016 est en effet marquée par l’annonce du lancement prochain de Go-Go Car, une application qui permet de partager ses trajets à travers l’Égypte. À la différence d’Uber qui propose ce service à l’échelle locale, la nouvelle application Go-Go Car se concentre exclusivement sur les trajets inter-urbains. Le fondateur, Ibrahim Khater, travaille encore à la mise en place de profils et de procédures de vérification pour les chauffeurs comme pour les passagers afin de garantir un maximum de sécurité pour les usagers de l’application. Pour l’heure, l‘initiative peut être suivie sur Facebook.
Métro
Au cours du mois d’août, la compagnie égyptienne pour la gestion et le fonctionnement du métro a annoncé l’augmentation des amendes pour ceux qui violeraient le règlement intérieur propre au métro et à ses installations. Ainsi, la mendicité, le vandalisme, la vente à la sauvette, la marche sur les voies ou le collage des affiches publicitaires sont désormais frappés d’une amende de 100 LE. La fraude, la consommation de cigarettes ou l’utilisation des voitures de femmes pour un homme sont, eux, punis d’une amende de 50 LE au lieu de15 LE auparavant. On ne sait cependant pas qui est en charge de faire appliquer ce règlement.
La question du prix du ticket de métro a encore été discutée pendant l’été. Le porte-parole du Premier ministre, Hossam Qawish, a annoncé qu’une hausse du prix du ticket de métro d’au moins 0,50 LE était à prévoir, sans donner pour autant d’indication sur la date. La stratégie à appliquer est encore en débat : faut-il préférer une augmentation générale ou un tarif variable en fonction de la longueur du trajet ? Hossam Qawish a fait savoir que les étudiants, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap ne seraient pas concernés par cette augmentation.
Actuellement, les tickets sont subventionnés à 96% par l’État et coûtent 1 LE. Sans subventions, le prix du ticket atteindrait donc 25 LE. Cette situation entraîne chaque mois la perte de 22 millions de livres pour la la compagnie égyptienne de gestion du métro, ce qui a un impact négatif sur l’entretien du réseau. Le métro, utilisé quotidiennement par plus de 3,5 millions de Cairotes, est une corde sensible que le gouvernement doit manipuler avec précaution. Le projet de hausse du prix fait l’objet de rumeurs régulières dans la presse locale.
Le 23 août dernier, le ministre des Transports, Galal Said, a fait savoir la détermination du gouvernement à construire une station de métro sur l’île de Zamalek, et ce en dépit des nombreuses contestations des habitants qui ont monté une association pour contrer ce projet. Cette station fait partie de la ligne 3 qui doit relier l’aéroport à Imbaba, et qui devrait coûter 2 milliards de livres.
Au cours de sa visite sur les sites de construction du métro, le ministre a confirmé qu’il n’était pas question de supprimer la station de Zamalek. Les travaux qui devaient commencer en septembre ont été légèrement repoussés. Le 22 septembre, Galal Said a annoncé qu’ils ne commenceraient que début octobre.
Les habitants luttent contre la construction de cette station par peur qu’elle endommage irréversiblement un nombre important de bâtiments. Le creusement des tunnels fragiliserait dangereusement les sols, une crainte exprimée en 2013 par l’association de Zamalek auprès de la Banque Européenne d’Investissement (BEI) qui finance le projet à hauteur de 15%. Suite à une étude, la BEI a fait part de son inquiétude au sujet de la stabilité de nombreux immeubles de la zone impliquée en cas de réalisation du projet. Elle a d’ailleurs formulé des recommandations, invitant le gouvernement égyptien à opérer des réparations et le renforcement des fondations des bâtiments. Le rapport de la BEI précise que chaque bâtiment et chaque sous-sol doivent être vérifiés afin d’éviter des problèmes inextricables, mais il ne juge cependant pas nécessaire de revoir le tracé de la ligne de métro. Un procès est actuellement en cours contre la construction du métro. La prochaine session aura lieu le 18 octobre au tribunal administratif du Caire.
Le 10 octobre, le ministère de l’Électricité a annoncé que les stations de Ghamra et Dermerdash allaient êtres équipées de générateurs à énergie solaire. Cette décision répond à un objectif de rationalisation de la consommation en électricité et de transition vers une énergie verte.
PLANIFICATION
La Chine mise sur la nouvelle capitale égyptienne
Début octobre, le gouvernement égyptien a signé un contrat de 20 milliards de dollars avec l’entreprise étatique chinoise China Fortune Land Development (CFLD). La CFLD remplace les deux firmes, émiratie Capital Partners Company (Abu Dhabi) et chinoise China State Construction Engineering Corporation, initialement contactées et qui se sont rétractées. La CFLD devra gérer et développer la nouvelle capitale égyptienne, soit les phases 2 et 3 du projet. La première phase de développement qui a commencé en mars 2016, doit créer un million et demi d’emplois (voir Revue de presse – ville, avril 2016).
D’après le gouvernement, l’alliance sino-égyptienne inclut également, aux côtés de la CFLD, Arab Contractors, the Petroleum Projects et la Technical Consultations Company. Suite à la signature du contrat, le Président égyptien a annoncé que la première phase du projet devrait être achevée d’ici deux ans. Cette nouvelle capitale doit devenir un modèle de ville durable en Égypte, une « ville du futur, dessinée par la nature » mettant à l’honneur les énergies renouvelables.
New Toshka, une nouvelle ville dans le désert
Le 12 août dernier, le Président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a annoncé l’allocation de près de 4 millions de kilomètre carrés par l’État égyptien au projet de ville nouvelle New Toshka. Ce projet a été créé en parallèle à un méga-projet agricole dans le sud-est du désert égyptien. Il est géré par la New Urban Communities Authority, en charge des villes nouvelles. Le projet était au point mort avant que le Président égyptien ne le relance. Yahia Shawkat, un membre du collectif 10Tooba, souligne l’incohérence de la construction d’une nouvelle ville. En effet, les ouvriers agricoles de Toshka sont déjà tous logés à proximité du site. Qui souhaiterait venir s’installer au beau milieu du désert ? En dépit de ces critiques, le gouvernement égyptien poursuit ce projet. Le ministre du Logement, Moustafa Madbouly a affirmé durant l’été que 612 unités de logements sociaux et autant de logement « modérés » étaient en construction, ainsi qu’une école, un centre commercial, une mosquée et un centre de soin. Le Premier ministre, Sherif Ismail, a fait savoir que New Toshka devrait à terme, permettre l’accroissement de 20% des terres agricoles égyptiennes.
Alexandrie, un compound au milieu de l’informel ?
À la fin du mois de septembre, Abdel Fattah el-Sissi a inauguré la première phase du projet de nouveaux logements « Bashayer al-Kheir » à Alexandrie. Le projet, qui compte 1632 unités de logements, s’élève au centre des constructions informelles de briques rouges du quartier de Gheit al-Enab. Le projet a été supervisé par l’Autorité du génie (d’ingénierie) des Forces Armées (FA) et financé par la Banque nationale Al-Ahly. Les FA sont censées transmettre la gestion du projet à une autorité exécutive civile, mais ce n’est pas encore le cas.
Les FA soignent les nouveaux arrivants, puisque chaque appartement est intégralement meublé et dispose du nécessaire, du mixeur aux tasses de thé. En guise de bienvenue, les repas sont même offerts aux habitants les deux premiers jours de leur emménagement. D’après le brigadier général, Ayman Abdallah, en charge de la gestion du projet, le quartier de Gheit al-Enab a été choisi pour combattre le trafic de drogues. L’expansion du projet est prévue sur la surface libérée par la destruction des maisons, afin de transformer tout le quartier. Un compound est ainsi en formation au cœur d’Alexandrie, permettant l’expulsion des moins fortunés vers d’autres quartiers et l’arrivée d’une classe aisée dans un quartier central. Une belle opération de gentrification en somme.
Une citée des sciences à Alexandrie
Les architectes britanniques Weston Williamson + Partners ont remporté le concours de la nouvelle cité scientifique d’Alexandrie. D’après Ismail Serageldin, directeur de la Bibliotheca Alexandrina, le complexe doit accueillir un musée de la science, une salle d’exposition, un centre de conférence, un planétarium, un parc scientifique, un centre de recherche et un observatoire. La Bibliotheca Alexandrina est la principale initiatrice du projet.
PATRIMOINE
Zamalek s’ouvre au 7ème art
Depuis septembre 2016, il est possible d’aller au cinéma à Zamalek, une première pour l’île centrale de la capitale. Le bâtiment, racheté à l’armée par l’Osman Group Cinemas, a ouvert le 11 septembre dernier, rue du 26 juillet. Selon le propriétaire Hussein Osman, le cinéma diffuse principalement des films grand public, égyptiens et anglophones. L’établissement, ouvert de 10h à minuit, s’adresse au premier chef aux habitants de l’île et aux classes aisées, la place coûtant 60 livres égyptiennes. En dépit de ce tarif élevé, la nouvelle a été accueillie avec joie à Zamalek. Si ce cinéma comble un manque, il isole les habitants qui ont de moins en moins de raisons de quitter leur île.
Le dôme de l’université du Caire : réparation d’un symbole
L’université du Caire est connue pour le dôme centenaire de son bâtiment central. Au cours de l’été, le président de l’université du Caire, Gaber Gad Nassar, a pris la décision de faire changer les tuyaux du système d’air conditionné (AC) du Grand Celebration Hall qui supporte le dôme. Nassar a précisé que la structure du dôme ne serait pas touchée, seuls les anciens tuyaux seraient remplacés par d’autres de la même taille, ce qui ne devrait pas engendrer de dégradation du bâtiment. Le système d’AC ne fonctionnait plus depuis au moins dix ans car il présentait des risques d’incendie trop importants.
La réalisation des travaux a créé un scandale suite à la publication de photos dans la presse montrant d’énormes tuyaux d’AC blancs. Ces clichés ont déclenché de vives réactions, comme celle de l’architecte Abbas Mahmoud Abbas : « what happened to Cairo University’s dome is a crime against history [..]. There are hundred of ways to install air-conditioners ». Suite aux débats suscités, des réunions ont été organisées à l’université : 90% des tuyaux seront installés de façon à ne pas être visibles, quant au reste, il sera dissimulé au mieux. Les travaux doivent s’achever dans un mois
Le phare de Ras Ghareb
Début octobre, le ministère des Antiquités a inscrit sur la liste des monuments islamiques le phare tripode de Ras Ghareb. Construit en 1871 par Gustave Eiffel à
la demande du Khédive Ismaïl, le phare de 50 mètres est considéré comme l’un des plus vieux au monde. Il pouvait être vu à 30 000 nautiques et il a permis de guider les navires passant par le golfe de Suez jusqu’à son abandon en 1987. Sauvé de l’érosion par les habitants de la ville suite à la campagne « Notre phare est en danger », le sémaphore est à présent protégé en tant que patrimoine national.
ESPACE PUBLIC
Massacre de chèvres
Cet été, la ville de Marsa Alam a connu une situation étrange : des cadavres de chèvres ont parsemé les rues de la ville. C’est le résultat d’une mesure prise par les autorités. Afin d’empêcher les chèvres appartenant aux chevriers locaux de manger les arbres nouvellement plantés dans l’espace public, les autorités ont fait recouvrir les feuilles de poison, entraînant la mort de nombreuses bêtes et la colère de leurs propriétaires. Ceux-ci réclament une compensation car ils n’ont pas été prévenus que leurs animaux gênaient. Quant aux dépouilles des chèvres, elles sont restées pourrir dans l’espace public au grand dam des habitants. La sévérité de la mesure tient en partie au fait que la ville Marsa Alam s’est portée volontaire dans un programme de reboisement. En dépit de la banalité de la présence de chèvres dans l’espace public, les autorités ont réagi violemment contre la destruction des arbres, une première en Égypte.
Fliquer les flics
L’autorité générale de la circulation a fait savoir le 26 août dernier qu’elle prévoyait de faire porter des caméras à ses agents. Selon Adel Zaky, le directeur du département de la circulation du ministère de l’Intérieur, le but est de « réglementer la conduite des agents de la circulation et de maintenir la discipline ». Les supérieurs hiérarchiques des agents auront donc la possibilité de visionner l’exact contenu des échanges entre leurs hommes et les civils. À terme, Adel Zaky espère faire diminuer les altercations entre civils et agents de circulation.
« Al-Borollos pour la peinture sur les murs » : 3ème édition
La ville d’Al-Borollos, située au nord du Caire sur le littoral méditerranéen, accueille pour la troisième année consécutive la rencontre « Al-Borollos pour la peinture sur les murs », organisée par l’association Abdel-Wahab Abdel-Mohsen qui promeut la culture et les arts. Ces rencontres débouchent sur la réalisation, par différents artistes, de peintures murales qui recouvrent à présent de nombreux bâtiments de la ville. La corniche a ainsi été transformée en musée à ciel ouvert. D’une année sur l’autre, les habitants conservent les œuvres qui gagnent petit à petit du terrain dans la ville.
M.P.