Incendies
Une série d’incendies s’est déclenchée à travers le pays, causant d’importants dégâts
À l’aube du lundi 9 mai, un important incendie s’est déclaré dans un quartier commerçant d’Attaba, dans le centre du Caire. Le feu a pris dans l’Hôtel Andalous, se propageant très rapidement à quatre immeubles adjacents. Les immeubles, en grande majorité non résidentiels, abritaient plusieurs entreprises, des entrepôts, des magasins, et d’innombrables stands de marchands ambulants qui sont partis en fumée. Pas moins de 90 personnes ont été légèrement blessées à cause de l’inhalation des fumées, et trois morts sont à déplorer.
Suite à son passage sur le site, le gouverneur du Caire, Mohamed Aiman Abdel Tawab, a déclaré qu’une compensation à hauteur de 5000 LE serait octroyée aux personnes les plus touchées par l’incendie. Selon les commerçants, ce montant est très loin des pertes subies, à l’image d’un propriétaire qui estime son préjudice à près de 750 000 livres égyptiennes. Il dénonce la lenteur et le manque de matériel des secours lors de l’intervention et accuse les autorités de laisser brûler ces immeubles afin de moderniser le quartier.
Attaba est un quartier populaire et historique très commerçant qui attire les citadins à faibles et moyens revenus. Ce n’est pas le premier incident de ce type dans le secteur. Un incendie s’était déclaré quelques jours plut tôt dans la zone de Roweiy, détruisant la boutique Sednawy et les stands de dizaines de vendeurs ambulants.
Enfin, jeudi 12 mai, un incendie a éclaté au siège du gouvernorat du Caire à Abdeen. Le feu a embrasé deux étages. Cinq personnes ont souffert de suffocations et de contusions. Selon Al-Ahram, deux personnes ont été arrêtées, elles sont suspectées d’être à l’origine d’un incendie criminel. La liste des sinistres s’est allongée au cours du mois de mai, avec plus de six incendies déclarés dans différents endroits de la ville.
Les défaillances du système de sécurité égyptien ont été pointées du doigt par les députés, notamment les mesures de préventions contre le risque d’incendie, l’efficacité des pompiers lors des interventions, mais également la conformité aux normes techniques des activités commerciales.
Cette succession d’évènements dramatiques a conduit à des spéculations sur l’origine des incendies, qui pourrait être criminelle. Cette vision est alimentée par le parlementaire Fouad Badrawy, qui évoque une main invisible à l’origine de ces incidents. À l’exception des arrestations concernant l’incendie d’Abdeen, les responsables étatiques ont déclaré que des courts-circuits électriques étaient à l’origine des feux.
Espace Public
Nouvelle capitale : Le ministère de l’Intérieur déménage
Début mai, le président Abdel Fattah El-Sissi a inauguré le nouveau quartier du Ministère de l’Intérieur. Le ministère est désormais installé au sein d’un complexe luxueux s’étendant sur 200 000m2 à New Cairo.
Cible d’attaques depuis la révolution, l’ancien Ministère de l’intérieur était placé sous haute sécurité. Les accès menant au site dans le centre-ville avaient été fermés par des murs en béton et des barrages de fer, bloquant en partie la circulation dans cette zone vitale. Le 5 mai, les agents du gouvernorat du Caire ont donc procédé au démantèlement du cordon cimenté de la rue Sheikh Rihan, menant à l’ancien quartier du Ministère. Partie intégrante du paysage depuis 2012, le barrage avait été construit en réponse aux heurts intensifs opposant les forces de sécurité aux manifestants. Selon les autorités, cette opération devrait permettre le rétablissement d’un trafic plus fluide.
Fermeture des cafés pour réduire le trafic ?
Le gouvernorat du Caire poursuit sa répression contre les cafés. Les autorités ont annoncé la fermeture de onze d’entre eux à Zamalek au motif de réduire la congestion du trafic. L’opération a concerné les rues de Mohamed Mazhar, El-Sayed Bakry, Ahmed Heshmat, Bahgat Ali et Abu el-Feda. Les rapports de police accusent les cafés de violer des normes environnementales et de provoquer des embouteillages.
Ces derniers mois, une douzaine de boîtes de nuit ont fermé pour des raisons variées : infractions liées à leurs licences, non-respect des règles de sécurité ou suite à un incendie qui a fait 17 morts dans le sous-sol d’un restaurant.
Habitat et planification
Habitat informel : l’ambition du président
Lundi 30 mai, au cours de l’inauguration d’un projet immobilier dans le quartier du Moqqatam, le président Abdel Fattah el-Sissi s’est engagé à supprimer l’habitat informel, d’ici deux ans. Un programme bien ambitieux… Le projet du Moqqatam prévoit la construction de 16 000 logements pour les plus démunis. L’ambition du président se traduit également à travers le programme lancé en 2014, qui vise la construction d’un million de logements sur une période de cinq ans. Plus récemment, le ministre du logement a annoncé le lancement de trente-deux projets sous l’égide de l’État pour permettre la construction de 656 000 logements à prix abordable, pour un coût total de 97 milliards de LE.
Ces projets devraient répondre à la demande accrue en logements, et lutter contre l’habitat informel. La question du logement rend la situation sociale difficile en Egypte, ce qui s’illustre par un accroissement des quartiers informels. Selon l’économiste et urbaniste David Sims, pas moins de deux tiers des Cairotes vivent dans de l’habitat informel où les conditions de sécurité ne sont pas respectées.
L’expulsion se poursuit à Sayyeda Zeinab
Lundi 23 mai, les forces de sécurité ont procédé à l’évacuation de Tal Al-Aqareb, situé dans le quartier de Sayyeda Zeinab dans le centre du Caire, dans le cadre de l’opération de démolition de plusieurs bâtiments.
Le ministre du logement a assuré que la zone avait été évacuée en concertation avec les résidents, et qu’ils seraient relogés temporairement dans la ville du 6 Octobre, le temps que les opérations de gentrification et de réaménagement aient lieu à Tal Al-Aqareb. Mais, selon les témoins oculaires, aucune de ces mesures n’a été respectée. Les services d’eau et d’électricité ont été coupés afin de les pousser à quitter les lieux, et les habitants sont entassés à plusieurs familles dans un appartement prévu pour une seule.
Effondrement d’un bâtiment à Alexandrie
Samedi 28 mai, un immeuble résidentiel a été évacué à Ezbet Abdel Moneim Riyadh dans le quartier méditerranéen d’Alexandrie, suite à son effondrement partiel. Le site a été sécurisé afin d’examiner le bâtiment délabré. Un homme de 65 ans a été blessé. Le mois dernier, une femme a perdu la vie dans l’effondrement de son immeuble à Manshiya dans l’est d’Alexandrie.
On compte de nombreux effondrements en Egypte, pour des raisons de non-conformité des constructions, d’agrandissements illégaux, d’utilisation de matériaux de mauvaise qualité ou de manque de maintenance.
Townhouse, une mémoire préservée
Le 6 avril dernier, la galerie Townhouse s’effondrait partiellement (lire la RP Ville d’avril 2016). Pour des raisons de sécurité, le bâtiment devait être entièrement démoli, ce qui a entraîné la protestation de ses occupants. Malgré le soutien apparent du NOUH (National Organization for Urban Harmony) afin de classer le bâtiment en tant que site historique, les forces de l’ordre sont revenues à la charge, appuyées par un mandat de démolition, et ont procédé à l’évacuation du bâtiment.
Le 13 avril, une équipe du bureau du gouverneur a déclaré illégales toutes les dispositions de démolition, car il n’y avait pas eu d’ordre écrit officiel. Le lendemain, le tribunal a jugé qu’aucun acte de démolition ne serait engagé. Alors qu’en Egypte ce type de procédures est extrêmement long, la vitesse à laquelle la plainte des résidents de Townhouse et la décision du tribunal ont été traitées demeurent un point d’ombre.
Cette résistance a été initiée par un travail de valorisation de l’histoire du bâtiment qui date de 1910 au moins, selon des documents. Par ailleurs, un des appartements inauguré en galerie en novembre dernier était condamné depuis les années 1950. L’appartement serait le dernier à abriter d’anciennes loges maçonniques au Caire.
Sara El Adl soutient dans un article une vision très juste de la richesse de l’histoire : « The peculiarity of oral history is that it can be rich, full of value, and none at all ». Cela interroge sur la valeur des décombres. Townhouse existe depuis presque 20 ans, mais est encore un nouveau-né, luttant perpétuellement pour sa survie.
Pour Mia Jankovitch, l’effondrement de l’immeuble illustre la décadence culturelle générale. L’art contemporain indépendant en Egypte est brimé et subi des agressions régulières venant des forces de sécurité. Cette situation révèle la crainte de l’Etat face à la liberté de pensée que peut offrir l’art.
Mogamma : le pari de la privatisation
L’évacuation totale du bâtiment dantesque, figure emblématique de l’administration cairote, est prévue pour le 30 juin 2017 (lire la RP Ville d’avril 2016). Cette opération s’inscrit dans la politique de renouvellement urbain du centre-ville du Caire.
Le 3 Mai, Le Mogamma, qui abrite près de 1310 bureaux et 30 000 employés, a commencé à être évacué. Selon son responsable, Osama Abdel Aal, chaque organisme gouvernemental est responsable de la relocalisation de son unité. Il a ajouté que le ministère de la Solidarité Sociale avait ainsi déjà déménagé.
Le vice-gouverneur du Caire, Mohamed Ayman Abdel Tawab, a annoncé que le bâtiment pourrait devenir un complexe hôtelier. Le responsable du Mogamma émet cependant des réserves quant à la transformation du site, indiquant que le bâtiment devra être entièrement démoli car il est peu fonctionnel pour accueillir des touristes. Par ailleurs, la crise du tourisme pose la question de la pertinence de cette reconversion.
L’enjeu est d’analyser au mieux les nouvelles modalités de réutilisation du bâtiment, afin d’améliorer l’aménagement du centre-ville. Le départ planifié des activités stratégiques vers les périphéries, répond à la volonté des pouvoirs publics de décongestionner le centre.
Selon Karim Shafei, président d’une société immobilière privée, l’Egypte devrait prendre en considération la reconversion des bâtiments gouvernementaux qui font partie de l’héritage architectural moderne du pays. Selon lui, la privatisation des biens immobiliers doit être menée avec une volonté de préserver la mixité sociale dans le centre-ville du Caire. Or, on peut se demander comment le développement de sociétés privées telles que les hôtels pourrait maintenir la présence d’une population à faibles revenus.
Transports
L’ancien tramway de Heliopolis va être remis en route. Ce dernier avait cessé de fonctionner en 2014 à cause d’un manque d’investissement et de maintenance. La Banque européenne a accepté d’apporter un financement à hauteur de 250 millions de dollars pour la réhabilitation de la ligne entre Almaza et Ramses au Caire sur un coût total de 500 millions de dollars. Le projet durera trois ans. Depuis 2012, la Banque européenne a investi près de 2 milliards de dollars en soutenant trente-quatre projets de reconstruction et de développement en Egypte. L’Agence française pour le développement (AFD) a également promis de participer au projet grâce à un apport de 88 millions de dollars.
Pendant les vagues de chaleur les plus importantes, le métro du Caire va ralentir sa vitesse à 50 et 60 km/h. En effet les 43 degrés attendus pourraient ajouter de la friction sur les rails et entraîner un déraillement du métro.
Par ailleurs, l’installation de 850 tourniquets français dans les lignes de métro 1 et 2 débutera dans six mois. Les tourniquets de ces lignes dataient des années 1980. L’Autorité nationale pour les tunnels (NAT) a signé un contrat de 160 millions de dollars avec l’entreprise française Thales pour mener ce projet qui devrait durer 18 mois.
M. D.