Sécurité
La mort de l’étudiant italien Giulio Regeni a provoqué de vives réactions de la part du gouvernement italien. Cet étudiant, qui poursuivait des recherches sur les mouvements ouvriers égyptiens, a été retrouvé mort dans une banlieue du Caire plusieurs jours après sa disparition. Le décès de Giulio Regeni intervient alors que le nombre de disparitions suite à une arrestation policière ne fait qu’augmenter en Égypte (encore très récemment, deux frères turcs n’ont pas réapparu après leur arrestation par la police égyptienne le 14 février dernier). Le ministre des Affaires étrangères italien a déclaré qu’il attendait de connaitre toute la vérité sur cette affaire et qu’il ne se contenterait pas de réponses évasives. De son côté, le gouvernement égyptien, par le biais de son ministre de l’Intérieur Magdy Abdel-Ghaffar, a rappelé l’investissement total de l’Égypte dans l’enquête sur la mort du jeune étudiant. Il a d’ailleurs jugé injustifiables les informations de la presse italienne expliquant que la mort du ressortissant italien impliquait les services de sécurité égyptiens, qui le prenaient pour un espion. Les deux pays ont néanmoins insisté sur le fait que leurs services respectifs collaboraient ensemble sur l’enquête et que leurs relations diplomatiques demeureraient inchangées. Cependant, les autorités égyptiennes s’attendent déjà à une très forte baisse du nombre de touristes italiens dans un contexte touristique déjà difficile pour le pays.
Le ministère des Affaires étrangères Sameh Shoukri a entamé une visite de trois jours aux États-Unis le 7 février dernier pour rencontrer le secrétaire d’État John Kerry ainsi que des membres du Congrès. Les discussions ont été transversales, mais ont principalement porté sur les questions de sécurité internationale et sur les enjeux politiques en Libye. A cet égard, Sameh Shoukri a déclaré au Washington Post qu’une intervention militaire en Libye serait inopportune et que la communauté internationale devait reconnaître et soutenir le général Khalifa Haftar en Libye dans « sa lutte contre le terrorisme ». Il a insisté sur le fait que la lutte contre l’Organisation de l’État islamique devait être menée d’abord par la Libye. Cette déclaration intervient au moment même où l’idée d’une intervention militaire en Libye progresse dans les couloirs de la Maison Blanche et des chancelleries européennes pour faire face à la présence grandissante de l’OEI dans le pays. La visite s’est terminée par une conférence de presse au cours de laquelle John Kerry a insisté sur le rôle important de l’Égypte dans la région et sur les liens forts qui unissaient les deux pays. Cette visite a été suivie par celle d’une délégation américaine au Caire où a été soulignée une fois de plus par le président Sissi la nécessité pour les États-Unis de resserrer ses liens avec l’Égypte afin de répondre aux défis stratégiques de la région.
Le chef de l’armée des Émirats Arabes Unis s’est rendu au Caire le 8 février dernier pour discuter de la coopération militaire entre les deux pays. Faisant partie de la coalition militaire contre les rebelles houthis au Yémen, l’Égypte a aussi participé le 8 février à des manœuvres militaires avec l’Arabie Saoudite. Impulsés par cette dernière, ces exercices militaires semblent s’inscrire dans la récente proposition saoudienned’intervenir militairement au sol contre l’Organisation de l’État Islamique. Symbole de cette coopération militaire accrue avec les pays du Golfe, le président Sissi a récemment affirmé qu’il n’hésiterait pas à envoyer des troupes dans les pays du Golfe alliés s’ils étaient dangereusement menacés.
Les discussions entre l’Égypte et le Royaume-Uni se poursuivent quant à la sécurité des aéroports égyptiens d’après l’ambassadeur anglais John Casson. En effet, après le crash du vol russe qui a décollé de Sharm el-Sheikh en octobre dernier, le Royaume-Uni avait suspendu ses vols vers l’Égypte. Les britanniques pourraient accepter de rouvrir le trafic aérien vers l’Égypte si les conditions de sécurité des aéroports égyptiens sont rehaussées, comme l’avait aussi demandé la Russie et les États-Unis. Le fait notable est que, lors d’un discours retransmis à la télévision égyptienne, le président Abdel Fattah al-Sissi a déclaré que l’avion russe s’est écrasé dans le Sinaï à cause d’une attaque terroriste. C’est la première fois qu’un officiel égyptien valide de manière officielle l’hypothèse terroriste pour ce crash.
Une délégation du Fatah s’est rendue au Caire le 10 février pour des pourparlers de quelques jours avec son rival le Hamas. Les points en discussion sont nombreux mais concerne en particulier la gestion des frontières de Gaza que se disputent les deux factions depuis quelques années déjà. Le président Sissi, qui défend l’idée selon laquelle le Hamas devrait céder la gestion les frontières de Gaza au Fatah, a d‘ailleurs autorisé la réouverture pendant deux jours du passage de Rafah à partir du 13 février. Prolongée pour une journée de plus, cette ouverture a permis à presque 3000 personnes de quitter Gaza pour rejoindre l’Égypte, tandis que plus d’un millier sont entrées sur le territoire palestinien.
Économie
L’Égypte voit depuis plusieurs semaines la valeur de sa monnaie diminuer par rapport au dollar. Cela a d’ailleurs amené General Motors à brièvement suspendre ses activités en Égypte pour les reprendre quelques jours après. C’est pour sortir d’une situation économique plutôt difficile que le gouvernement égyptien multiplie les partenariats économiques et financiers avec plusieurs pays. Suite à la visite fin janvier du président chinois au Caire, la banque centrale égyptienne a reçu près de 900 millions de dollars de la Banque de développement de Chine pour contrecarrer la baisse sévère des réserves de dollars détenues par l’Égypte. Début février, c’est avec la Russie que l’Égypte a souhaité négocier un accord de libre échange autour de l’Union économique eurasiatique. L’Arabie Saoudite est aussi un partenaire important de l’Égypte, puisque ses investissements sont estimés à plus de 9 milliards de dollars. Elle a notamment promis de fournir au pays ses besoins en pétrole pour les cinq prochaines années. L’Égypte a également participé pour la première fois au G20 des ministres des finances en Chine les 26 et 27 février.
Le forum « Africa 2016 : Business for Africa, Egypt and the World » s’est tenu à Sharm El Sheikh les 20 et 21 février. Plus de 1200 délégués venus de plusieurs pays africains, dont les présidents du Soudan, du Nigéria, du Togo, du Gabon et de la Guinée Équatoriale, discuteront des enjeux économiques de l’Afrique, avec au programme des discussions le pacte de libre-échange entre 26 pays africains, signé l’an dernier. C’est un rendez-vous important pour l’Égypte qui, dans une conjoncture économique difficile, souhaite devenir une porte d’entrée pour les investissements en Afrique. La Banque africaine de développement a d’ailleurs octroyé un prêt de 500 millions de dollars à l’Égypte pour faire face aux multiples difficultés économiques que traverse le pays.
Droits de l’homme
L’ONG Human Rights Watch a publié une lettre adressée au Président égyptien Abdel-Fattah el-Sissi le 8 février dernier, l’appelant à condamner les propos de son ministre de la justice Ahmed al-Zind. En effet, celui-ci a récemment déclaré qu’il ne serait satisfait que si 10 000 membres des Frères Musulmans étaient tués pour chaque mort parmi les forces armées égyptiennes. Human Rights Watch souligne l’attitude répressive de l’État égyptien face aux opposants politiques, qu’ils soient des militants de gauche ou des membres des Frères musulmans, qui se traduit notamment par des atteintes à la liberté d’expression et d’organisation, et par des arrestations massives. Très récemment, l’AFTE (Association for Freedom of Thought and Expression) a publié un rapport montrant que les autorités égyptiennes empêchaient de plus en plus les chercheurs étrangers d’entrer en Égypte, sans donner de motifs ou sous prétexte « de menaces pour la sécurité nationale ». Par ailleurs, l’ONG Nadeem, qui s’occupait des victimes de violences et de tortures a été ferméetemporairement pour des « violations ». En guise de réponse, le ministre des affaires étrangères Sameh Shoukri a déclaré lors de sa visite à Washington que le nombre de prisonniers politiques qui circule depuis quelques semaines était « un mensonge ». Dans le même temps, le nouveau budget présenté par l’administration d’Obama s’oriente vers la fin de la conditionnalité de l’aide financière accordée à l’armée égyptienne quant au respect des droits humains.
Politique
Les Frères Musulmans de Jordanie ont annoncé le 14 février dernier leur rupture avec les leaders de l’organisation en Égypte. Cette décision a été principalement motivée par le fait de vouloir prouver que l’organisation ne recevait pas ses ordres du Caire et qu’elle n’était pas qu’une branche de l’organisation égyptienne. Celle-ci est d’ailleurs en proie à de violentes tensions internes mais aussi externes depuis la destitution du président Morsi, tensions décrites dans un article de Jadaliyya. A cet égard, le président Abdel Fattah al-Sissi a déclaré à Jeune Afrique qu’il était encore trop tôt pour parler d’une grâce présidentielle pour l’ancien président Mohamed Morsi, parce que la justice ne s’était pas encore prononcé sur son sort.
M. H.