Îles de Tiran et Sanafir
Le roi d’Arabie Saoudite, Salman Ben Abdel-Aziz, était en visite officielle de cinq jours à partir du 7 avril (Media round up on Egyptian economy – March/April 2016). Son séjour a été marqué par l’annonce de la rétrocession des deux îles égyptiennes de la mer Rouge, Tiran et Sanafir, à l’Arabie Saoudite. Ces îles inhabitées permettent au royaume saoudien de mettre la main sur les eaux territoriales alentours, très stratégiques car situées à l’entrée du golfe d’Aqaba. Le « transfert de souveraineté » a eu lieu à la surprise générale, alors que le roi saoudien aurait promis de nouveaux programmes d’aide et d’investissement s’élevant à plus de 60 milliards de rials (14 milliards d’euros) à son allié égyptien, dans la lignée de nombreux contrats et aides fournies par Riyad au Caire, ces dernières années.
Malgré les justifications historiques et légales avancées par le gouvernement d’Abdel Fattah Al-Sissi – les îles auraient seulement été rendues, après une tutelle égyptienne qui durait depuis 1950 – de nombreuses manifestations ont eu lieu pour dénoncer ce que beaucoup considèrent comme une « trahison ». Face aux très nombreuses critiques émises notamment sur les réseaux sociaux, le gouvernement égyptien a répondu que cette décision devait encore faire l’objet d’un vote au parlement avant d’être entérinée. L’opposition a été très dure envers le gouvernement. Des députés du parlement ont appelé à faire voter le peuple égyptien par référendum sur cette question, tandis que de plusieurs démonstrations ont eu lieu au Caire contre cette décision du Président Sissi.
Une manifestation a eu lieu à Dokki, quartier sur la rive gauche du Caire, le 25 avril pour dénoncer cette rétrocession ; au moins 237 personnes ont été arrêtées dans la journée. Le 15 avril, 2 000 manifestants s’étaient déjà mobilisés sur cette affaire, demandant la démission du président Al-Sissi. Le rassemblement a été dispersé dans la violence par les forces de police, et de nombreux journalistes et défenseurs des droits de l’homme ont été arrêtés en prévision d’autres manifestations, suite à des raids dans les cafés du centre-ville.
Le président François Hollande en visite au Caire
Le chef d’Etat français était en Egypte le 17 avril dernier pour une visite officielle de deux jours. Plusieurs contrats économiques entre les gouvernements français et égyptien ont été signés pour une valeur totale de près d’un milliard et demi d’euros. François Hollande a insisté sur les trois défis que devait relever l’Egypte et qui sont, selon lui, la sécurité, la démographie et la géographie. Par ailleurs, le président a également évoqué la question des droits de l’homme dans le pays en expliquant que leur respect contribuait à la lutte contre le terrorisme, et non l’inverse.
Société civile et loi sur les ONG
Le 11 avril dernier, les experts des Nations-Unies sur les droits humains ont lancé l’alerte concernant la répression qui touche à nouveau les ONG égyptiennes travaillant pour le respect des droits de l’homme. Le rapport indique que l’Egypte « échoue à proposer un cadre opérant et sécurisé pour la société civile ». Quelques jours plus tard, Human Rights Watch a déclaré que plus de 7 000 civils avaient été jugés dans des tribunaux militaires depuis octobre 2014 résultant pour la plupart de procès de masse ou de témoignages obtenus sous la torture. Dans un récent article, Mada Masr est revenu sur le travail des ONG en Egypte, par le biais d’entretiens avec des salariés de ces dernières dans ce nouveau contexte sécuritaire.
Malgré les lourdes critiques de la communauté internationale et la mobilisation locale contre la répression que subissent les ONG (avec la tentative de clôture du centre El Nadeem notamment), plusieurs députés ont appelé le Premier ministre Sherif Ismaïl à durcir sa position contre les organisations recevant des financements internationaux. Ils ont insisté sur la nécessité de « dénoncer tous les traîtres qui ont reçu de l’argent de l’étranger pour financer des conspirations en Egypte ces dernières années » et ont « joué un rôle central dans le financement des actes terroristes et criminels ».
A l’inverse, le député Mohammed Anwar Sadat avait ouvertement défendu le travail des ONG en Egypte. Cinquante-deux personnalités égyptiennes s’étaient associées, fin mars, en écrivant au Président Sissi contre la loi sur les ONG pour demander l’abandon des différents procès qui accusent certaines organisations de recevoir des fonds illégaux de l’étranger.
Droits de l’homme et liberté de la presse
De nombreuses manifestations et grèves ont été organisées par les syndicats de la presse et des médecins depuis le mois dernier afin de protester contre les violences policières.
Le 2 mai dernier, la police a effectué un raid dans les locaux du syndicat afin d’arrêter deux journalistes : Amr Badr et Mahmoud el-Sakka, auteurs d’un site web critique contre le gouvernement. Suite à ces événements, des membres du syndicat, jugeant la violence de l’opération des forces de l’ordre inappropriée, ont appelé le Ministre de l’Intérieur à démissionner et ont organisé un sit-in sur les marches du syndicat. La tenue d’une manifestation a cependant été empêchée et l’accès aux bâtiments coupé. Le lieu a par ailleurs été le point de départ des quelques deux mille manifestants contre la rétrocession des îles de Tiran et Sanafir, le 15 avril.
Récemment, deux employés d’Al-Jazeera, le producteur Alaa Omar Mohammed et l’éditeur Ibrahim Mohammed Hilal, ont été condamnés à mort in absentia pour leurs liens présumés avec les Frères Musulmans.
La question des droits de l’homme demeure toujours très sensible en Egypte. Le phénomène des disparitions forcées devient de plus en plus régulier. Les récentes manifestations ont amené la police à effectuer des dizaines de perquisitions et des centaines d’arrestations au Caire. Le président Abdel Fattah el-Sissi a d’ailleurs déclaré il y a quelques jours, en réponse à l’intervention de François Hollande, que « la vision occidentale » des droits de l’homme n’était pas applicable en Egypte au regard de la situation particulière du pays et de sa région.
Police
Une embuscade contre un minibus des forces l’ordre a causé la mort de huit policiers égyptiens le 8 mai dernier à Helwan, un quartier au sud du Caire. L’attaque, revendiquée par l’Etat islamique, est la plus meurtrière contre les forces de police dans la capitale cette année.
Tourisme
Le tourisme est toujours dans une situation difficile en Egypte depuis la révolution de 2011. La Russie a déjà déclaré qu’elle reprendrait ses vols vers la très célèbre station balnéaire égyptienne dès lors que la sécurité des aéroports égyptiens aurait été rehaussée. A l’heure actuelle, l’Allemagne est en pleine discussion pour la réouverture de ses vols en direction de Sharm El-Sheikh. Des experts ont été dépêchés sur place pour évaluer la sécurité des aéroports de la mer Rouge durant plusieurs jours.
Sommet trilatéral : Egypte, Chypre, Grèce
L’Egypte accueillera prochainement le quatrième rendez-vous du sommet trilatéral auquel elle participe avec la Grèce et Chypre. Les objectifs principaux sont le renforcement de la coopération militaire entre les trois pays et le règlement de la crise des migrants. Par ailleurs, le président du Parlement de Chypre a déclaré qu’il était prêt à représenter l’Egypte dans les institutions européennes, y compris au Parlement européen sur les dossiers qui pouvaient concerner le pays.
Affaire Giulio Regeni
L’affaire Regeni, ouverte en février dernier après la découverte du cadavre du jeune chercheur italien, prend des allures de crise diplomatique. Après de nombreux rebondissements (cf. revue de presse février, mars) et les suspicions grandissantes concernant l’implication des forces de l’ordre égyptiennes, l’Italie a décidé le 8 avril de rappeler son ambassadeur en Egypte, insistant sur la nécessité d’élucider « le meurtre barbare de Giulio Regeni » et déplorant la réticence des autorités égyptiennes à coopérer, notamment en partageant les registres téléphoniques du jeune homme.
M. D-G. et M. H.